AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'association Union des étudiants juifs de France, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 février 1997 par la cour d'appel de Paris (14e chambre, section B), au profit de M. Jean-Marc X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 février 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Guerder, conseiller rapporteur, MM. Pierre, Dorly, Mme Solange Gautier, M. de Givry, conseillers, Mmes Batut, Kermina, conseillers référendaires, M. Monnet, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guerder, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de l'association Union des étudiants juifs de France, de Me Vuitton, avocat de M. X..., les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, et les productions, que l'association Union des étudiants juifs de France (l'association), ayant pour objet de lutter contre l'antisémitisme, et le racisme sous toutes ses formes et de préserver la mémoire, a assigné en référé, devant le président du tribunal de grande instance, M. X..., commerçant à Albertville, afin qu'il lui soit ordonné, sous astreinte, de cesser toute diffusion, par vente directe ou vente par correspondance, d'articles militaires nazis ou vichystes, présentés dans son catalogue intitulé "JMF Militaria", et son annexe, édition 1995-1996, et de cesser toute diffusion dudit catalogue, sauf à en retrancher les articles incriminés ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce que la vente des objets critiqués, bien que dépouilles ou pseudo-dépouilles du nazisme, n'est interdite par aucun texte législatif ou réglementaire, qu'elle peut donc s'exercer dans le cadre des libertés constitutionnelles, qu'un objet n'est pas porteur en soi d'une idéologie et que sa commercialisation est licite si elle n'est accompagnée, ce qui en l'espèce n'est ni démontré ni même allégué, de messages de discrimination raciale ou de prosélytisme en faveur d'un régime totalitaire et criminel, que l'activité commerciale de M. X... ne se limite pas aux objets considérés, mais englobe également quoique pour une part moindre ceux des armées alliées ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que l'association faisait valoir que l'avertissement figurant en tête du catalogue édité par M. X... et prétendant que les activités allemandes durant la période considérée méritaient de se voir reconnaître, au plan de la mémoire, un rang d'égalité avec celui des faits d'armes alliés, tendait également à banaliser le nazisme et l'antisémitisme, la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.