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16/03/1999 | FRANCE | N°97-85358

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mars 1999, 97-85358


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, du 12 septembre 1997, qui, dans la procédure suivie contre Louis Y... et autres, du chef de diffamation publique, a relaxé ces derniers et l'a débouté de ces demandes ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 février 1999 où étaient présents dans la

formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, du 12 septembre 1997, qui, dans la procédure suivie contre Louis Y... et autres, du chef de diffamation publique, a relaxé ces derniers et l'a débouté de ces demandes ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 février 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite, et rejeté la constitution de partie civile de X... ;

"aux motifs que le passage incriminé s'emplace dans une délibération du conseil municipal de la commune de Z... en date du 15 juin 1996 et dont l'objet est d'autoriser le maire à ester en justice au nom de cette collectivité pour se défendre devant le tribunal d'instance de Mende dans une procédure engagée par X... à l'effet de faire juger que cette commune n'avait pas mis fin à la voie de fait dont elle avait été jugée responsable par ordonnance du 18 octobre 1995 et de condamner sous astreinte celle-ci à remettre en l'état la partie de la parcelle appartenant au demandeur ; que cette poursuite se révèle ainsi articulée dans le cadre d'un contentieux, plus vaste et plus ancien, opposant X..., exploitant agricole et avocat, à la commune de Z... et ce consécutivement à la constitution d'un périmètre protégé de captage des eaux prétendument effectué de façon abusive par cette dernière sur le terrain du plaignant ; que poursuivant la réformation des dispositions civiles du jugement, X... demande à la Cour de dire et juger que les éléments constitutifs du délit de diffamation sont réunis, le paragraphe incriminé, étranger à l'objet même de la délibération, contenant bien l'allégation d'un fait précis inexact, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, faite à une personne suffisamment désignée, rendue publique et dans une intention coupable ; que la partie poursuivante sollicite la

condamnation des huit prévenus à lui payer in solidum la somme de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts ; que les intimés concluent à la confirmation du jugement entrepris et font plaider à cet effet l'absence de propos diffamatoires et l'absence d'intention coupable ;

que la partie poursuivante voit dans un prétendu manquement à la parole présumée une atteinte à son honneur, mais qu'il convient tout d'abord de tenir compte de ce qu'il s'agit d'une petite commune rurale où la proximité des relations avec les citoyens ne peut manquer d'affecter peu ou prou le caractère impersonnel de l'acte administratif ; qu'il convient de relever ensuite que les propos dont s'agit s'inscrivent dans le contexte d'un plus large contentieux qui a nécessité, dans un souci légitime d'information de la population, le rappel des données du litige ; que dans ce contexte processuel le passage incriminé doit s'analyser comme la tentative maladroite faite par l'une des parties d'expliquer le bien-fondé d'organiser sa défense et pourquoi, à tort ou à raison, elle estime faire l'objet d'une attaque injuste, ce qu'en dépit du caractère univoque de sa position, elle exprime en des termes mesurés et d'une parfaite courtoisie ;

qu'en l'état du caractère unique des propos ainsi tenus qui ne dépassent par les bornes de la convenance, il n'apparaît pas que ceux-ci soient l'expression d'une volonté de nuire à la partie poursuivante ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont pu, après avoir renvoyé tous les prévenus des fins de la poursuite, rejeter la constitution de partie civile de X..., en ce qu'elle tendait à l'obtention de dommages-intérêts dans le cadre d'une demande de réparation civile ;

"alors, d'une part, que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; que les circonstances extrinsèques à l'acte incriminé peuvent conférer le caractère d'une diffamation à des termes qui ne présentent par eux-mêmes aucun caractère diffamatoire ; qu'en l'espèce, il était notamment énoncé dans la délibération du conseil municipal relative à l'autorisation d'ester en justice, affichée dans son intégralité sur le tableau d'affichage de la commune de Z..., situé à l'extérieur de la mairie, sur la place principale du village :

"(...) le conseil municipal s'étonne en outre que la famille X... puisse revenir sur cette vente de terrain alors que lors de la constitution dudit projet Adrien X..., frère de son père faisait partie du conseil municipal et qu'à l'époque la vente avait été effectuée par un règlement en nature (...)" ; que sous couvert de viser la famille X..., cette délibération mettait délibérément en cause X..., seul propriétaire du terrain en litige, et partant, seule personne à ester en justice à l'encontre de la commune de Z... ; qu'au mépris de toute vérité, elle insinuait très clairement que X..., dont aucun des membres du conseil municipal n'ignorait qu'il était avocat, était malhonnête, puisqu'il revendiquait des droits sur une parcelle qui aurait déjà été vendue par ses auteurs, membres de la

famille, de surcroît par un règlement en nature ; qu'en considérant néanmoins que le fait allégué ne constituait pas un fait de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de X..., la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"et alors, d'autre part, que la présomption de l'intention de nuire, élément constitutif de l'infraction de diffamation, ne peut céder que devant la preuve d'une immunité légale, de la vérité du fait diffamatoire, lorsque la loi l'autorise, ou encore, de la bonne foi du prévenu ; que c'est seulement dans le domaine de la polémique politique, portant sur les opinions et les doctrines relatives au rôle et au fonctionnement des institutions fondamentales de l'Etat, que le fait justificatif de la bonne foi, propre à la diffamation, n'est pas nécessairement subordonné à la prudence dans l'expression de la pensée ; qu'en l'espèce, les prévenus ne bénéficiaient d'aucune immunité légale et n'ont même pas tenté d'apporter la preuve de la vérité du fait diffamatoire ; qu'il résulte par ailleurs des propres constatations des juges d'appel que le but poursuivi était illégitime, les allégations diffamatoires n'ayant pas à figurer dans une délibération municipale, que ces allégations avaient été dictées par une animosité personnelle, la cour d'appel ayant elle-même constaté que le caractère impersonnel de l'acte administratif ne pouvait qu'avoir été affecté par la proximité des relations entre les citoyens, et enfin, que ces mêmes allégations avaient été rapportées sans mesure et prudence, et sans la moindre enquête sérieuse, les prévenus n'ayant pas même tenté d'établir en cause d'appel qu'elles étaient vraies ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et les pièces de procédure mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance de contradiction répondant aux conclusions dont elle était saisie a, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la seconde branche du moyen, exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés et considéré qu'ils ne constituaient pas une diffamation ;

D'où il suit que la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué et que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-85358
Date de la décision : 16/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, 12 septembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mar. 1999, pourvoi n°97-85358


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.85358
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