AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Margarida,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, du 1er avril 1997, qui, notamment pour délit de blessures involontaires, l'a condamnée à 2 mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la suspension de son permis de conduire pendant 3 mois, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 janvier 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire :
M. Gomez président, M. Ruyssen conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1351 du Code civil, 4 de la loi du 5 juillet 1985, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré Margarida Z... seule responsable des conséquences dommageables de l'accident dont Patricia Y... a été victime et l'a condamnée à réparer le préjudice ;
"aux motifs que, le 7 février 1994 vers 16 heures, l'automobiliste Patricia Y... qui circulait sur le chemin départemental 932 en direction d'Englefontaine à 90 km/heure, entrait en collision avec le véhicule conduit par Arsène X... qui circulait en sens inverse en tenant sa droite ; que Patricia Y... expliquait que, surprise par la manoeuvre du véhicule conduit par Margarida Z... qui, circulant en sens inverse, lui avait coupé la route pour tourner à gauche dans un chemin de terre à quarante mètres environ de son véhicule, elle avait été contrainte de se déporter à gauche ; que Patricia Y... subissait dans l'accident des blessures entraînant une incapacité totale de travail supérieure à trois mois ; que Margarida Z... soutient que le véhicule de Patricia Y... était loin quant elle avait entrepris sa manoeuvre ;
que selon le témoignage de Marc A..., automobiliste, il y eut une quasi concomitance entre l'arrivée de Patricia Y... et le changement de direction opéré par Margarida Z... ; que ces déclarations sont corroborées par l'état des lieux donné par les gendarmes et qui font apparaître le point de départ des traces de freinage de Patricia Y... au niveau du chemin de terre emprunté, à gauche, par Margarida Z... ; que ces éléments établissent que la prévenue a soudainement changé de direction commettant ainsi les infractions au Code de la route retenues contre elle et qui sont à l'origine des blessures subies par Patricia Y... ; que sur le plan civil, dans les rapports entre la partie civile et la prévenue aucune faute prouvée ne peut être caractérisée à la charge de Patricia Y... ; que Margarida Z... sera donc tenue de réparer entièrement les dommages subis par Patricia Y... ;
"alors que, par une précédente décision définitive du 21 mai 1996, la cour d'appel avait estimé que Patricia Y... avait commis une faute de défaut de maîtrise de la vitesse de son véhicule et de blessures involontaires sur la personne d'Arsène X... ;
qu'en estimant cependant que Patricia Y... pouvait prétendre à la réparation intégrale de son préjudice dès lors qu'elle n'avait commis aucune faute dans la réalisation de l'accident exclusivement imputable à Margarida Z..., la Cour a méconnu l'autorité de la chose jugée par sa précédente décision pénale et violé les textes susvisés" ;
Vu les articles 1 et 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'une collision s'est produite entre deux voitures conduites par Patricia Y... et Arsène X... circulant en sens inverse l'une de l'autre ; que Patricia Y... s'était déportée hors de son couloir de circulation pour éviter le véhicule conduit par Margarida Z..., qui, précédant Arsène X..., tournait à gauche dans un chemin de terre ;
Attendu que, seule poursuivie à l'initiative du ministère public, Patricia Y... a été définitivement déclarée coupable de blessures involontaires sur la personne d'Arsène X... ;
Que, pour sa part, Patricia Y... a fait citer directement Margarida Z... devant le tribunal correctionnel à raison des blessures qu'elle avait subies dans la collision de son véhicule avec celui d'Arsène X... ;
Attendu que, retenant la culpabilité de Margarida Z..., la cour d'appel énonce, pour dire que celle-ci sera tenue de réparer entièrement les dommages de Patricia Y..., que, "dans les rapports entre la partie civile et la prévenue aucune faute prouvée ne peut être caractérisée à la charge de Patricia Y..." ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les trois conducteurs étaient impliqués dans un même accident et qu'il était jugé que Patricia Y... avait contribué par sa faute à la collision de son véhicule avec celui d'Arsène X... et à la réalisation de son propre dommage, la cour d'appel a méconnu les textes et principe ci-dessus ;
Par ces motifs ;
CASSE et ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé rendu le 1er avril 1997 par la cour d'appel de Douai, toutes autres dispositions étant expréssement maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;