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04/03/1999 | FRANCE | N°96-18376

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 mars 1999, 96-18376


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Jean-Claude Desmaris, Patrick X..., Régine E..., Jean-Jacques B..., Anne D... Zandijcke, société civile professionnelle, actuellement dénommée société civile professionnelle Jean-Claude Desmaris, Régine
E...
, Jean-Jacques B..., Anne
D...
Zandijcke, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt n° 290 rendu le 13 mai 1996 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile, section A), au profit de M. C.

.., Pierre Y..., demeurant ...,

défendeur à la cassation ;

EN PRESENCE DE :

- M. Jean-Jac...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Jean-Claude Desmaris, Patrick X..., Régine E..., Jean-Jacques B..., Anne D... Zandijcke, société civile professionnelle, actuellement dénommée société civile professionnelle Jean-Claude Desmaris, Régine
E...
, Jean-Jacques B..., Anne
D...
Zandijcke, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt n° 290 rendu le 13 mai 1996 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile, section A), au profit de M. C..., Pierre Y..., demeurant ...,

défendeur à la cassation ;

EN PRESENCE DE :

- M. Jean-Jacques B..., demeurant ...,

M. Y... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 10 février 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Mucchielli, conseiller référendaire rapporteur, MM. Guerder, Pierre, Dorly, Mme Solange Gautier, M. de Givry, conseillers, Mmes Batut, Kermina, conseillers référendaires, M. Monnet, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Mucchielli, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la SCP Desmaris,
E...
, B...,
D...
Zandijcke, de Me Choucroy, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la SCP Desmaris et autres de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en tant que dirigé contre M. B... ;

Sur les deux moyens du pourvoi principal, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 mai 1996) que M. Z..., caissier comptable taxateur de la société civile professionnelle Desmaris et autres (la SCP) a placé la somme détenue par celle-ci, pour le compte de M. Y..., dans un établissement financier, la société Perspectives Financières ; que celle-ci s'est révélée défaillante ; que M. Y... a demandé réparation de son préjudice à la SCP ;

Attendu que la SCP fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le moyen, d'une part, qu'elle avait démontré dans ses conclusions d'appel que les clients de M. Z... avaient tous signé un mandat de gestion de leurs fonds à la société Perspectives Financières et qu'il leur avait été remis un reçu signé par le dirigeant de cette société ; que ce mandat de gestion, qui fait suite au dépôt dans la comptabilité de la SCP, établissait que les prétendues victimes savaient parfaitement que le contrat de dépôt conclu à l'insu des notaires avait pris fin et que la SCP ne pouvait être tenue à leur égard d'aucune garantie de bonne fin de l'opération spéculative qu'ils avaient décidée ; que la cour d'appel qui énonce que l'intervention de M. Z..., clerc de l'étude notariale, accréditait une apparence, que ce clerc entretenait, de nature à faire croire au sérieux de l'opération, sans réfuter le moyen des conclusions d'appel fondé sur la signature par les prétendues victimes du mandat de gestion confié, non à l'étude notariale, mais à la société Perspectives Financières, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la SCP avait aussi soutenu dans ses conclusions d'appel que certaines particularités des opérations conclues par l'intermédiaire de M. Z... démontraient que les clients n'avaient pu se méprendre sur le fait qu'ils traitaient bien exclusivement avec la société Perspectives Financières et non avec l'étude de notaires ; qu'elle invoquait en particulier le fait que les intéressés cherchaient tous des placements défiscalisés et à haut rendement et le fait que les intérêts leur étaient versés en espèces ;

qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen révélant leur connaissance exacte de ce que les placements n'étaient pas gérés par l'étude notariale, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

alors, en outre, que la responsabilité du commettant ne peut être mise en oeuvre que lorsque le préposé a commis une faute directement à l'origine du préjudice de la victime ; qu'il résulte, en l'espèce, des propres termes de l'arrêt attaqué que la perte par M. Y... des fonds qu'il avait placés auprès de la société Perspectives Financières par l'intermédiaire de M. Z..., résulte de la liquidation judiciaire de cette société et non pas de détournements qu'aurait commis M. Z..., en sa qualité de clerc de la SCP, lequel avait scrupuleusement respecté les instructions de ses clients ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher en quoi l'intervention de M. Z... aurait contribué au préjudice de M. Y..., la cour d'appel n'a pas caractérisé le lien de causalité de la faute du préposé avec le préjudice invoqué, entachant par là même son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ; qu'enfin la réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance ne peut jamais être égale au bénéfice que le demandeur aurait retiré de la réalisation de l'événement escompté ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que les fonds versés à la société Perspectives Financières avaient été placés à des fins spéculatives de sorte qu'un risque de perte au moins partiel existait ; qu'en condamnant néanmoins la SCP Desmaris au paiement de la totalité du capital placé par M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que M. Z... disposait à l'étude des procurations bancaires, de la signature de la SCP, de la maîtrise de la comptabilité et de la surveillance des mouvements de fonds ; qu'il recevait les clients dans un bureau de l'étude, que les fonds étaient versés sur un compte ouvert dans la comptabilité de la SCP, en sortaient par chèques émis en son nom et faisaient l'objet de reçus sur imprimés habituellement utilisés par celle-ci et énonce qu'ainsi M. Z... a trouvé dans son emploi l'occasion et les moyens de sa faute ayant consisté à placer les fonds dans des opérations interdites dans le cadre de l'activité notariale, en laissant croire à la garantie de sécurité et de sérieux résultant de la qualité de son employeur et en créant une apparence telle que les victimes, âgées ou trop confiantes, n'avaient pu réaliser qu'il agissait à des fins étrangères à ses fonctions ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, répondant aux conclusions et justifiant légalement sa décision, a pu déduire que la responsabilité de la SCP était engagée en qualité de commettant à l'égard de ces victimes et tenue à les indemniser du préjudice subi constitué par la perte de leur capital ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi incident :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt de ne pas avoir retenu la responsabilité personnelle de l'Office notarial alors, selon le moyen, d'une part, que, dès lors qu'il s'évince des propres constatations de l'arrêt que la juridiction pénale s'était bornée à se prononcer sur la faute pénale reprochée aux notaires, à savoir la participation comme auteur ou complice au détournement de fonds et au faux en écritures comptables, il en résultait que la décision pénale relative à cette faute était dépourvue de toute autorité de chose jugée sur la faute personnelle civile distincte, imputable aux notaires, constituée par un manquement à leur devoir de conseil à l'égard de leurs clients et de surveillance à l'égard de leur personnel, si bien que la cour d'appel a faussement appliqué les principes applicables à l'autorité de la chose jugée au pénal et l'article 1351 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en ne s'expliquant pas, en réfutation des motifs du jugement dont il avait demandé confirmation caractérisant la faute personnelle civile de surveillance des notaires à l'égard de leur personnel dans le cadre de la gestion des fonds de leur clientèle sur le moyen tiré des rapports anciens et étroits des notaires avec M. A... et Perspectives Financières, sur le moyen tiré du fait que les fonds très importants détournés avaient transité depuis de nombreuses années dans la comptabilité de l'Office notarial, sur le moyen tiré du fait que des chèques de placement avaient été signés par un des membres de la société de notaires, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que, le pourvoi principal étant rejeté, la demande de M. Y... ayant été intégralement accueillie sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil, le pourvoi incident est sans objet ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la SCP Desmaris et autres aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 96-18376
Date de la décision : 04/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

(sur le pourvoi principal) OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Responsabilité en tant que commettant d'un préposé - Placement de fonds dans des opérations interdites - Agissements d'un employé de l'étude.


Références :

Code civil 1384 al. 5

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile, section A), 13 mai 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 mar. 1999, pourvoi n°96-18376


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.18376
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