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02/03/1999 | FRANCE | N°98-80862

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 mars 1999, 98-80862


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, en date du 18 novembre 1997, qui, pour emplois irréguliers de main-d'oeuvre intérimaire et infractions aux règles relatives à la sécurité du travail, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et 6 amendes de 500 francs chacune, et ordonné l'affichage et la publication de la décision ;
>La COUR, en l'audience publique du 19 janvier 1999 où étaient présents : M. Gomez président...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, en date du 18 novembre 1997, qui, pour emplois irréguliers de main-d'oeuvre intérimaire et infractions aux règles relatives à la sécurité du travail, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et 6 amendes de 500 francs chacune, et ordonné l'affichage et la publication de la décision ;

La COUR, en l'audience publique du 19 janvier 1999 où étaient présents : M. Gomez président, Mme Anzani conseiller rapporteur, MM. Milleville, Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chanet conseillers de la chambre, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politique, 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, VII et VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 111-3 du Code pénal, L. 124-2 et L. 124-2-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de base légale, dénaturation des conclusions ;

"en ce que l'arrêt confirmatif a déclaré Philippe X... coupable de recours abusif au travail temporaire et l'a condamné à 20 000 francs d'amende ;

"aux motifs adoptés que le contrat de travail temporaire doit avoir pour objet le remplacement d'un salarié en cas d'absence, de l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, d'un emploi à caractère saisonnier ; qu'au cas d'espèce, l'inspecteur du travail a relevé que, pour la période comprise entre le 1er octobre 1993 et le 23 novembre 1994, l'entreprise Borie-Manoux de 70 salariés (VRP exclus) a souscrit environ 930 contrats de travail temporaire ; qu'en outre, il a été recensé 415 contrats de mission conclus du 1er mai 1994 au 23 novembre 1994 avec des entreprises de travail temporaire ; que ce pourcentage varie entre 9, 8 et 16 par rapport au chiffre des permanents (16) ; qu'il en découle que le motif "accroissement temporaire d'activité" ne peut être valablement invoqué ; que les explications fournies pour sa défense par Philippe X... sont inopérantes, ayant pour référence l'année 1995, non visée dans la prévention ;

"et aux motifs propres que l'inspection du Travail, dans son rapport, n'a pas tenu compte, pour apprécier le pourcentage d'intérimaires utilisés dans l'entreprise, des intérimaires présents pour remplacer des salariés absents ; que le prévenu reconnaît dans ses conclusions que les variations de l'activité de l'entreprise sont prévisibles ; que le motif invoqué par l'entreprise pour justifier le recours à des travailleurs intérimaires "accroissement temporaire d'activité" est permanent ; que Philippe X..., bien que mis en garde par l'inspection du Travail verbalement en juillet 1994 puis par écrit ultérieurement, n'a pas modifié sa politique de gestion du personnel ; que les pièces du dossier révèlent la présence quasi-permanente d'un fort pourcentage d'intérimaires notamment pour les ouvriers de production et même en comparant avec les heures effectivement travaillées il y a eu un recours massif à des intérimaires et non point apport ponctuel de personnel intérimaire ainsi que le prescrit la loi ; qu'en dehors du versement de la prime de précarité, il n'existe aucun avantage au contrat à durée déterminée ;

que les ouvriers étaient interchangeables ;

"1 ) alors que toute infraction doit être déterminée en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; que, pour déclarer Philippe X... coupable de recours abusif au travail temporaire, infraction prévue aux articles L. 124-2, L. 124-2-1 et L. 152-2 du Code du travail, la cour d'appel a constaté, par des motifs propres ou adoptés, que les pièces du dossier révélaient la présence quasi-permanente d'un fort pourcentage d'intérimaires et qu'il y avait eu recours massif à des intérimaires et non point apport ponctuel de personnel intérimaire ainsi que le prescrit la loi ; qu'en se prononçant ainsi alors que les textes applicables, se bornant à édicter que le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise et qu'il ne peut y être recouru qu'en cas, notamment, d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, ne sauraient, en raison de leur imprécision, servir de fondement à une poursuite, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2 ) alors que nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; que le juge pénal ne saurait élargir le champ d'une incrimination sans violer ce principe ; que la cour d'appel ne pouvait exiger, au-delà des conditions posées par les textes régissant l'incrimination de recours abusif au travail temporaire, que le recours au travail temporaire soit sporadique et limité ; qu'en décidant pourtant de condamner Philippe X... pour recours abusif au travail temporaire en raison du caractère quasi-permanent et massif au travail temporaire, la cour d'appel a ajouté aux articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du Code du travail une condition qu'ils ne prévoyaient pas et ainsi violé les textes visés au moyen ;

"3 ) alors que nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; que le juge pénal ne saurait élargir le champ d'une incrimination sans violer ce principe ; que la cour d'appel ne pouvait exiger, au-delà des conditions posées par les textes régissant l'incrimination de recours abusif au travail temporaire, que le recours à celui-ci soit imprévisible ; qu'en décidant pourtant de condamner Philippe X... pour recours abusif au travail temporaire en raison d'une prétendue prévisibilité de l'accroissement de l'activité de l'entreprise, la cour d'appel a ajouté aux articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du Code du travail une condition qu'ils ne prévoyaient pas et ainsi violé les textes visés au moyen ;

"4 ) alors que seul est prohibé le recours au travail temporaire ayant pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que la cour d'appel devait, pour fonder la condamnation de Philippe X... du chef de recours abusif au travail temporaire, définir quel était l'emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice auquel il était pourvu par le recours au travail temporaire ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes visés au moyen ;

"5 ) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que les juges, qui ne peuvent dénaturer les conclusions prises devant eux, sont tenus d'y répondre ; que la cour d'appel, pour condamner Philippe X... du chef de recours abusif au travail temporaire, a retenu que le prévenu reconnaissait dans ses conclusions que les variations de l'activité de l'entreprise sont prévisibles ; que le prévenu avait, au contraire, souligné dans ses conclusions que l'ampleur des variations de l'activité de l'entreprise étaient imprévisibles ; qu'en déduisant de cette affirmation que le prévenu connaissait par avance la variation de son activité et ne pouvait, en conséquence, recourir au travail temporaire pour y faire face, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du prévenu et ainsi omis d'y répondre, violant les textes visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué ainsi que du procès-verbal de l'inspection du Travail, base de la poursuite, que Philippe X..., directeur de la société Borie-Manoux, a été poursuivi, notamment, pour emploi de main-d'oeuvre temporaire en dehors des cas autorisés ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des infractions prévues par les articles L. 124-2 et L. 124-2-1 du Code du travail, les juges du fond relèvent notamment que, pour la période comprise entre le 1er octobre 1993 et le 23 novembre 1994, l'entreprise, qui comprend 70 salariés, a souscrit environ 930 contrats de travail temporaire et que les pièces du dossier révèlent la présence quasi-permanente d'un fort pourcentage d'intérimaires ; qu'ils en concluent qu'en comparaison avec les heures effectivement travaillées, il y a eu un recours à un apport massif d'intérimaires et non un apport ponctuel ainsi que le prescrit la loi ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, procédant d'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions, a donné une base légale à sa décision ;

Qu'en effet, il résulte des dispositions combinées des articles L. 124-2 et L. 124-2-1, 2 , du Code du travail, dénuées de toutes ambiguïté ou imprécision, qu'il ne peut être fait appel aux salariés d'une entreprise de travail temporaire que pour des tâches non durables et en cas d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise utilisatrice, et non pour pourvoir durablement à un emploi lié à son activité normale et permanente ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par M. le président le deux mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-80862
Date de la décision : 02/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Travail temporaire - Recours aux salariés d'une entreprise de travail temporaire - Conditions.


Références :

Code du travail L124-2 et L124-2-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 18 novembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 mar. 1999, pourvoi n°98-80862


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.80862
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