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02/03/1999 | FRANCE | N°97-80172

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 mars 1999, 97-80172


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Pierre,

- LE C... Patricia, tant en son nom qu'en qualité d'administratrice de sa fille mineure, Aurore, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 29 novembre 1996, qui a condamné le premier, pour homicide involontaire, infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, à 2 mois d'empr

isonnement avec sursis, 8 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la décision et ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Pierre,

- LE C... Patricia, tant en son nom qu'en qualité d'administratrice de sa fille mineure, Aurore, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 29 novembre 1996, qui a condamné le premier, pour homicide involontaire, infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, à 2 mois d'emprisonnement avec sursis, 8 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 janvier 1999 où étaient présents : M. Gomez président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, MM. Milleville, Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, M. Desportes conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

1 - Sur le pourvoi formé par Pierre X... ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, 131-35, 221-6 et 121-3 du Code pénal, L. 263-2-1 du Code du travail, 1er et 20 du décret du 8 janvier 1965, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable des faits visés à la prévention et l'a condamné, en répression, à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis et 8 000 francs d'amende et sur l'action civile, à payer diverses sommes à Patricia B... en son nom et en sa qualité d'administratrice légale des biens de sa fille, tout en ordonnant la publication de l'arrêt à ses frais ;

"aux motifs qu' "il appartenait à la société EGTP d'assurer la protection de ses salariés en balisant leurs zones d'intervention, qui, en l'espèce, s'agissant d'excavations, étaient particulièrement dangereuses ; que cette faute d'imprudence et d'inobservation des règlements (en l'espèce l'article L. 233-3, alinéa 1, du Code du travail) a directement concouru à la réalisation de l'accident ; qu'en effet, le balisage aurait évité toute manoeuvre du camion dans cette zone ; que Jean A... ne justifiant d'aucune délégation de pouvoirs doit être déclaré coupable de l'infraction ; par ailleurs, M. Z... était salarié intérimaire de la société DCR ; qu'il avait auparavant travaillé dans cette même entreprise ; que, cependant, depuis plusieurs années, il n'effectuait que de temps en temps des remplacements au bénéfice de la société DCR ; qu'il n'apparaît nullement du dossier que M. Z... ait reçu des consignes quant à la technique de livraison et quant aux mesures de sécurité à prendre lors des manoeuvres sur chantier ;

que le fait de faire circuler en marche arrière le tapis de déchargement déployé sans demander l'assistance d'une autre personne pour le guider constitue une imprudence caractérisée, la présence de salariés de la société Carimalo à une distance éloignée ne pouvant être assimilée à un guidage ; que Pierre X..., directeur de la société DCR, en ne prévoyant pas la mise en oeuvre de procédures de déchargement adéquates avec notamment l'assistance d'une deuxième personne pour les manoeuvres dangereuses a commis une faute qui a directement concouru à la réalisation de l'accident ; que la prévention est établie à son égard" ;

"alors, d'une part, que l'intervention de la société DCR se limitait, au titre du contrat conclu avec la société Carimalo, à la fourniture de béton aux limites du chantier et ne participait nullement aux travaux exécutés sur ledit chantier, de sorte qu'en reprochant à Pierre X... de ne pas avoir mis en oeuvre "des procédures de déchargement adéquates", lesquelles n'incombaient nullement à ce dernier, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"alors, d'autre part, qu'en application de l'article 121-3 du Code pénal, il n'y a délit d'imprudence que lorsque l'auteur des faits a accompli les diligences normales, compte-tenu notamment de la nature de ses missions, ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; qu'en l'espèce, Pierre X..., dont la société se bornait à fournir du béton à une entreprise du chantier, n'avait aucun pouvoir de contrôle ou de direction sur l'organisation dudit chantier, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

"alors, de troisième part, qu'il ne résulte d'aucun texte que l'employeur d'un chauffeur ait l'obligation de prévoir l'assistance d'une deuxième personne pour l'exécution de manoeuvres, de sorte qu'en estimant que Pierre X... aurait dû prévoir une telle mesure, la cour d'appel ne donne aucune base légale à sa décision ;

"qu'il en va d'autant plus ainsi, que l'article 20 du décret du 8 janvier 1965 concerne uniquement les rapports entre les entreprises effectuant des travaux mais nullement les simples fournisseurs de ces entreprises ;

"alors, de quatrième part et subsidiairement, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions péremptoires de défense faisant valoir que l'inobservation des prescriptions de l'article 20 du décret du 8 janvier 1965 était inopérante en l'espèce dès lors qu'il était établi qu'en l'absence de signalisation de la buse, même la présence d'un guide n'aurait pu éviter la survenance de l'accident, la cour d'appel prive sa décision de toute motivation ;

"qu'il en va d'autant plus ainsi que la cour d'appel n'avait pas manqué de souligner qu'un "balisage aurait évité toute manoeuvre du camion dans cette zone"" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 2 avril 1992, un salarié de la société EGTP, occupé à des travaux d'étanchéité à l'intérieur d'un regard disposé sur un chantier de construction réalisé pour le compte de la SA Y..., a été mortellement blessé sous l'effet du déplacement de la buse du regard, heurté par un camion conduit par un préposé de la société DCR ;

Attendu que, pour déclarer Pierre X..., gérant de la société DCR, coupable d'homicide involontaire et d'infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, la cour d'appel se prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que le prévenu, en ne prévoyant pas de dispositif d'assistance lors de la manoeuvre de recul du camion, n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient au sens de l'article 121-3 du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 13 mai 1996 et que ce manquement a concouru à la survenance de l'accident, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

2 - Sur le pourvoi de Patricia B... :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 235-2 et L. 263-2-1 du Code du travail, 31 du décret n° 77-996 et 221-6, alinéa 1er, 221-10, 131-27, 221-8 et 131-35 du Code pénal et 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jean-François Y... des fins de la prévention d'homicide involontaire commis sur Didier B... ;

"aux motifs que la société la conserverie Y... était le maître de l'ouvrage ; qu'elle avait pour obligation de viabiliser le terrain ; que les pièces du dossier montrent qu'à proximité des lieux de déchargement et du lieu de l'accident était aménagée une voie empierrée ; que l'organisation plus précise du chantier découle des obligations du maître d'oeuvre ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement et de relaxer Jean-François Y... des fins de la poursuite ;

"alors que le maître de l'ouvrage doit avant toute intervention des entrepreneurs et sous-traitants réaliser les voies de circulation et d'accès en tenant compte des plans de travaux de chaque entreprise ; qu'en se bornant à énoncer qu'à proximité seulement des lieux de l'accident seule une voie empierrée était aménagée, sans rechercher si, comme elle y était invitée, Jean-François Y... ne s'était pas rendu coupable des faits visés à la prévention, en relation causale avec l'accident mortel dont a été victime Didier B..., en omettant de faire réaliser des voies de circulation et d'accès dépourvues de tout danger pour les manoeuvres des camions et des engins sur les lieux mêmes de l'homicide involontaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités" ;

Attendu que Jean-François Y... a également été poursuivi pour homicide involontaire et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs ;

Attendu que, pour dire les infractions non constituées, la cour d'appel retient que la société Y... dont il est responsable était maître de l'ouvrage et avait, par conséquent, l'obligation de viabiliser le terrain ; qu'elle ajoute que le prévenu s'était conformé à son obligation ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant d'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont il résulte que le prévenu n'a commis aucune faute en relation avec l'accident, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que Patricia B..., en sa qualité de partie civile et d'administratrice légale de sa fille mineure, n'avait pas formulé de demande sur les intérêts civils à l'encontre de Jean A... ;

"aux motifs que la partie civile est bien fondée à l'égard de Jean A... et Pierre X... ; que Patricia B... ne formule des demandes qu'à l'encontre de Pierre X... ;

"alors que, dans ses conclusions d'appel, Patricia B... demandait précisément la condamnation de Jean A... - qui a été reconnu coupable d'homicide involontaire sur la personne de son mari - au paiement de dommages-intérêts au titre des différents chefs de préjudice subis tant par celle-ci que par sa fille mineure en raison de l'infraction causée par ce prévenu ; si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de la partie civile et violé dès lors les textes précités" ;

Attendu qu'en constatant, au vu des conclusions de la partie civile, que celle-ci n'avait pas formulé de demande d'indemnisation à l'égard de Jean A..., la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-80172
Date de la décision : 02/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Homicide et blessures involontaires - Obligation générale de sécurité - Accomplissement des diligences normales - Omissions.


Références :

Code pénal 121-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre, 29 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 mar. 1999, pourvoi n°97-80172


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.80172
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