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24/02/1999 | FRANCE | N°98-83574

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 février 1999, 98-83574


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA-MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- FERREUX Nadia,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de DOUAI, du 5 juin 1998, qui,

sur renvoi après cassation, dans l'information suivie contre elle du chef d'infraction ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA-MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- FERREUX Nadia,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de DOUAI, du 5 juin 1998, qui, sur renvoi après cassation, dans l'information suivie contre elle du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la Chambre Criminelle, du 22 septembre 1998, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 100 et suivants, 706-32, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, 6.1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe de la loyauté des preuves, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;

"aux motifs qu'en vertu des dispositions de l'article 706-32, alinéa 2, du Code de procédure pénale, les officiers ou agents de police judiciaire exerçant sous l'autorité de ceux-ci ne sont pas pénalement responsables lorsque, aux fins de constater les infractions découlant d'un trafic de stupéfiants, ils acquièrent ces produits avec l'autorisation expresse du procureur de la République, une telle autorisation ne pouvant être donnée que pour des actes ne déterminant pas la commission des infractions en question ; en l'espèce que l' "instruction" donnée le 17 mars 1997 à l'officier de police judiciaire Royer par le substitut de permanence à la première section du parquet de Paris de "poursuivre l'enquête et de le tenir informé" (D51) ne saurait constituer l'autorisation expresse d'acquérir des produits stupéfiants" visée à l'alinéa 2 de l'article 706-32 du Code de procédure pénale ; que toutefois, cette autorisation - qui n'est prévue par la loi que pour exempter les fonctionnaires de police de leur responsabilité pénale à raison de leur participation à des infractions à la législation sur les stupéfiants

- est sans incidence sur la régularité de la procédure ; qu'il convient en revanche de rechercher si l'intervention de l'officier de police judiciaire Royer a déterminé les agissements délictueux reprochés à Nadia X... ou si elle n'a fait que les révéler, alors que le trafic de stupéfiants préexistait aux propositions d'achat du policier ; que les premiers éléments de l'enquête ouverte en suite du décès par surdose d'héroïne de Jean-Luc Y... ont permis d'établir que Nadia X... était la personne susceptible de fournir celui-ci en drogue ;

que la photographie et les coordonnées téléphoniques de Nadia X... - connue des services de police pour infractions à la législation sur les stupéfiants, vols, dégradation de biens - avaient en effet été découvertes dans l'appartement de Jean-Luc Geille ;

qu'un ami de Jean-Luc Y..., Juan José Z... Fernandez, avait indiqué aux enquêteurs que celui-ci avait repris la consommation de drogue et qu'il se fournissait régulièrement en héroïne auprès d'une fille prénommée Nadia, qu'il reconnaissait sur la photographie trouvée dans l'appartement de Jean-Luc Geille ; que contactée téléphoniquement le 17 mars 1997 à 17 heures 40 par l'officier de police judiciaire Royer, supposé être un ami de Jean-Luc Y..., Nadia X... s'est dite capable de lui procurer de l'héroïne et lui a proposé un rendez-vous à cette fin pour le lendemain à 17 heures 30 devant l'hôtel Le Splendid ; que c'est également Nadia X... qui a elle-même pris l'initiative d'un nouveau rendez-vous pour la transaction, la rencontre du 18 mars n'ayant pu avoir lieu, en appelant le 19 mars à 12 heures 45, le numéro du téléphone portable de Jean-Luc Y... confié aux enquêteurs de police par l'ancienne compagne de ce dernier ; que c'est enfin Nadia X... elle-même qui a demandé à l'officier de police judiciaire Drevet, censé être l'ami de Jean-Luc Y... pour le compte duquel il effectuait l'achat d'héroïne, la quantité dont il avait besoin, et qui a proposé de lui en vendre six doses au pris de trois cents francs la dose ; qu'il apparaît ainsi que ce ne sont pas les fonctionnaires de police qui ont déterminé Nadia X... à commettre des agissements délictueux, l'intéressée étant censée fournir depuis un certain temps déjà et de manière régulière Jean-Luc Y... en héroïne ; que l'intervention des policiers n'a eu en réalité pour finalité que de permettre la constatation d'infractions à la législation sur les stupéfiants déjà commises et d'en arrêter la continuation, étant précisé que le fait pour un officier de police judiciaire de se faire passer pour un ami de Jean-Luc Y... désireux d'acquérir de la drogue pour le compte de celui-ci, ne saurait être considéré comme un stratagème constitutif de manoeuvres déloyales susceptibles de dénaturer l'opération de police et de la rendre illicite ;

"1 ) alors qu'un officier de police judiciaire ne peut procéder aux opérations prévues par l'article 706-32 du Code de procédure pénale, qu'avec l'autorisation expresse du procureur de la République ou du juge d'instruction saisi ; qu'ayant énoncé que l' "instruction" donnée le 17 mars 1997 à l'officier de police judiciaire par le substitut de permanence de "poursuivre l'enquête et de le tenir informé" ne saurait constituer l'autorisation expresse d'acquérir des produits stupéfiants, la chambre d'accusation qui a considéré qu'une telle autorisation est sans incidence sur la régularité de la procédure, a violé les textes susvisés ;

"2 ) alors qu'est nulle toute opération d'acquisition de stupéfiants initiée par des officiers de police judiciaire - de surcroît non autorisés dans les conditions de l'article 706-32 du Code de procédure pénale - ayant eu pour but et pour effet de déterminer la transaction illicite ; qu'abstraction faite de motifs hypothétiques, il ne résulte d'aucune constatation de l'arrêt que Nadia X... se soit livrée à un quelconque trafic de stupéfiants avant la provocation policière et que l'action des policiers ayant déterminé le trafic, la chambre d'accusation ne pouvait, sans méconnaître les dispositions susvisées, refuser de prononcer la nullité de la procédure ;

"3 ) alors que le principe de loyauté des preuves implique l'annulation d'actes qui, procédant de machinations, d'artifices ou de stratagèmes de nature à déterminer des agissements délictueux, vicient la recherche et l'établissement de la vérité ; que l'action des policiers qui a abouti à l'interpellation de Nadia X... a été marquée par une série de machinations ayant consisté notamment à prendre une fausse identité et, selon les propres constatations de l'arrêt, à intercepter, sans l'autorisation d'un juge d'instruction, les communications téléphoniques de la demanderesse adressées à un tiers sur son téléphone portable, et qu'en cet état, la chambre d'accusation ne pouvait, sans méconnaître les principes et textes susvisés, déclarer la procédure régulière" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'informé de ce que Nadia X... était susceptible d'avoir fourni de manière habituelle des stupéfiants à un toxicomane, Jean-Luc Y..., mort d'une surdose d'héroïne, un officier de police judiciaire a contacté celle-ci par téléphone, le 17 mars 1997, en se faisant passer pour un ami de la personne décédée, désireux d'acquérir de la drogue ; que Nadia X... lui a fixé un rendez-vous pour le lendemain ; que l'officier de police judiciaire a alors informé le procureur de la République de la transaction projetée, lequel lui a donné pour instruction de poursuivre l'enquête ; qu'après report du rendez-vous, un autre policier a acquis, le 19 mars 1997, six doses d'héroïne pour le prix de 1 800 francs ; que des policiers en faction ont alors procédé à l'interpellation de Nadia X... ;

Attendu qu'après sa mise en examen pour infraction à la législation sur les stupéfiants, Nadia X... a saisi la chambre d'accusation d'une requête aux fins d'annulation de la procédure ;

Attendu que, pour refuser d'y faire droit, la chambre d'accusation, après avoir relevé que l'instruction donnée par le procureur de la République à l'officier de police judiciaire de poursuivre l'enquête, ne saurait constituer l'autorisation expresse d'acquérir des produits stupéfiants, énonce que toutefois cette autorisation, qui n'est prévue par la loi que pour exempter les fonctionnaires de police de leur responsabilité pénale à raison de leur participation à des infractions à la législation sur les stupéfiants, est sans incidence sur la régularité de la procédure ;

Que les juges relèvent encore que l'intervention des policiers n'avait pas déterminé Nadia X... à commettre les agissements délictueux mais avait eu pour seul effet de permettre la constatation d'infractions à la législation sur les stupéfiants déjà commises et d'y mettre fin ;

Qu'ils ajoutent que le fait pour un officier de police judiciaire de se faire passer pour un ami de Jean-Luc Y..., désireux d'acquérir de la drogue pour le compte de celui-ci, ne saurait être considéré comme un stratagème constitutif de manoeuvres déloyales susceptibles de dénaturer l'opération de police et de la rendre illicite ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué, ni de conclusions régulièrement déposées, que Nadia X... ait invoqué devant les juges du fond l'irrégularité de l'interception de la communication téléphonique en cause, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Milleville, Martin, Pibouleau, Roger, Mmes Mazars, Ponroy conseillers de la chambre, Mmes de la Lance, Caron, M. Samuel conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-83574
Date de la décision : 24/02/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Infraction - Constatation - Stupéfiants - Livraison surveillée de produits stupéfiants - Acquisition - Autorisation expresse du Procureur de la République - Absence - Portée sur la procédure.


Références :

Code de procédure pénale 706-32

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel de DOUAI, 05 juin 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 fév. 1999, pourvoi n°98-83574


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.83574
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