AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Gérard,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, 6ème chambre, en date du 7 octobre 1997, qui l'a condamné, pour diffamation envers un particulier, à une amende de 2 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, en l'audience publique du 5 janvier 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle Jean-Pierre GHESTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de X... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1, 32, alinéas 1 et 42 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, a déclaré Gérard Y... coupable du délit de diffamation publique et l'a en conséquence condamné au paiement d'une amende ainsi qu'à verser des dommages et intérêts à la partie civile ;
"aux motifs que dans les écrits incriminés, il y a bien affirmation d'une imputation personnelle puisque X... est visé et qu'il est traité de voleur : "je préfère de loin être le volé que le voleur, mon opposition avec X..." ; que selon ce texte la vente suivie et établie par l'étude notariale de X... était claire et résultait bien de la responsabilité de X... en 1984, il s'agit également d'un fait précis qui ne souffre aucune ambiguïté ; que ces faits sont de nature à porter atteinte à la considération de X... puisqu'il est précisé ... "le préjudice est tellement élevé qu'on atteint plusieurs dizaines d'unités, je dis bien plusieurs dizaines d'unités dont j'aurais été privé" ; que la considération professionnelle de X... est en jeu ainsi que son honneur eu égard aux termes employés ;
que des attestations régulières démontrent que cette lettre a été diffusée et qu'elle a donc été portée à la connaissance de tiers ; que dans ses conclusions, Gérard Y... reconnaît lui-même que l'élément matériel est constitué ; qu'il y a incontestablement de la part de Gérard Y... l'intention de nuire puisqu'il a pris le soin d'envoyer la copie de cette lettre à diverses personnes qui n'ont rien à voir avec l'affaire qui concernait X... et lui-même et il savait qu'en agissant ainsi il atteignait l'honneur et la considération de X... (arrêt attaqué p. 6, alinéas 1 à 8) ;
"1 ) alors que les imputations visant une personne autre que le destinataire de la lettre qui les contient ne sont punissables que si la lettre a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a relevé que des attestations démontraient que la lettre avait été diffusée auprès de tiers ; qu'en affirmant que Gérard Y... avait envoyé la copie de la lettre litigieuse à diverses personnes sans exposer quels étaient les éléments de preuve qui démontreraient que Gérard Y... serait l'auteur de cette diffusion, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"2 ) alors qu'il appartient au juge de caractériser tous les éléments constitutifs de l'infraction retenue à l'encontre du prévenu ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors se borner à énoncer que Gérard Y... n'avait pas contesté l'élément matériel du délit dans ses conclusions sans rechercher si la diffusion de la lettre auprès d'autres personnes que son destinataire lui était personnellement imputable" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X... a cité directement Gérard Y... devant le tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, en lui reprochant d'avoir adressé à cinq personnes la copie d'une lettre rédigée par ses soins, et contenant des imputations diffamatoires ;
Attendu que, pour déclarer Gérard Y... coupable de diffamation publique envers un particulier, l'arrêt attaqué retient tout d'abord que la lettre a un contenu diffamatoire, puisque X... est visé et qu'il est traité de voleur ; qu'elle ajoute que des attestations régulières de trois témoins démontrent que cette lettre a été diffusée et qu'il y a de la part de Gérard Y... l'intention de nuire, puisqu'il a pris soin d'envoyer la copie de cette lettre à diverses personnes qui sont étrangères à l'affaire qui les oppose ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations caractérisant tous les éléments constitutifs du délit de diffamation, la cour d'appel, qui a déduit de l'ensemble des circonstances de la cause contradictoirement débattues, que la diffusion de la lettre à des tiers était imputable au prévenu, n'encourt pas les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par M. le président le seize février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre