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05/02/1999 | FRANCE | N°97-16440

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 05 février 1999, 97-16440


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 1997), que le 28 novembre 1995, la Commission des opérations de bourse (la COB) a ouvert une procédure de sanction à l'encontre de M. Y... à l'issue d'une enquête sur l'information financière diffusée par la société Compagnie immobilière Phénix (la société CIP), dont il présidait le conseil d'administration ; que, le 12 septembre 1996, la COB, retenant que l'information financière diffusée par la société CIP sur une opération concernant une de ses filiales n'ét

ait ni exacte, ni précise, ni sincère, a infligé à M. Y... une sanction pécu...

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 1997), que le 28 novembre 1995, la Commission des opérations de bourse (la COB) a ouvert une procédure de sanction à l'encontre de M. Y... à l'issue d'une enquête sur l'information financière diffusée par la société Compagnie immobilière Phénix (la société CIP), dont il présidait le conseil d'administration ; que, le 12 septembre 1996, la COB, retenant que l'information financière diffusée par la société CIP sur une opération concernant une de ses filiales n'était ni exacte, ni précise, ni sincère, a infligé à M. Y... une sanction pécuniaire de 500 000 francs et ordonné la publication de sa décision ; que M. Y... a formé un recours contre la décision le condamnant et que la cour d'appel a annulé cette décision ;

Attendu que le pourvoi formé au nom de la COB reproche à l'arrêt d'avoir annulé la décision de cet organisme, prise le 12 septembre 1996, à l'encontre de M. Y..., alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les propos du président de la COB rapportés dans le journal " La Vie française " daté du 6 au 12 août 1995 sont antérieurs à la procédure de sanction, ne mentionnent pas le nom de M. Y..., ni ne se réfèrent à aucune infraction précise, mais font seulement état d'" acrobaties comptables de l'immobilière Phénix " ; que de telles déclarations, ne visant pas explicitement les opérations ayant donné lieu à sanction et dont l'auteur avait cessé ses fonctions avant l'engagement de la procédure n'ont pu porter atteinte à la présomption d'innocence ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; alors, d'autre part, qu'en ne faisant pas usage de la faculté que lui offrait l'article 3 du décret n° 90-263 du 23 mars 1990, dans sa rédaction alors en vigueur, de décider, au vu des observations produites, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure, la Commission n'a pas statué à l'égard de la personne intéressée et n'avait donc pas à rendre une décision motivée, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 du décret précité ; et alors, enfin, que, conformément à l'article 5 du décret du 23 mars 1990, le rapporteur a présenté l'affaire lors de la séance de jugement au cours de laquelle, ainsi que le constate l'arrêt attaqué, M. Y..., assisté d'un avocat, a pu exprimer ses moyens de défense, si bien qu'en retenant que l'absence de communication préalable du rapport de présentation oral constituait une violation de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a méconnu le texte précité ainsi que l'article 5 du décret du 23 mars 1990 ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'un des membres de la Commission, nommé rapporteur, a été chargé de procéder à une instruction sur les faits avec le concours des services administratifs et à toutes investigations utiles ; que c'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a décidé qu'il ne pouvait pas participer au délibéré et par ce seul motif, a justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

MOYEN ANNEXE

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Commission des opérations de bourse.

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la décision de la Commission des opérations de bourse prise le 12 septembre 1996, sous le n° 005574, à l'encontre de M. Y... ;

AUX MOTIFS QUE le numéro de " La Vie française " daté du 6 au 12 août 1995 reproduit le texte d'un entretien accordé par M. Z..., alors président de la Commission des opérations de bourse, au cours duquel celui-ci a déclaré, à propos d'affaires financières liées à la crise de l'immobilier : " ... Mais cela n'a rien à voir avec les acrobaties comptables de l'Immobilière Phenix où des hôtels sont passés à des prix gonflés de filiale en filiale comme un "mistigri"... " ; que les propos du président de la Commission stigmatisent des " acrobaties comptables " imputées à la société CIP ; que la décision ayant retenu à l'encontre de M. Y... d'avoir, à tort, enregistré dans les comptes consolidés de cette société, pour l'exercice de 1992, une plus-value de 250 millions de francs résultant de la déconsolidation de sa filiale, la société FBC, et de n'avoir pas mentionné dans l'annexe à ses comptes annuels consolidés, pour les exercices 1992 et 1993, l'engagement d'achat de la nue-propriété des titres Kléber Lübeck, c'est à partir de la constatation d'irrégularités comptables qu'ont été caractérisées, notamment à l'encontre du dirigeant de la société citée, les pratiques de communication d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses ; que par le caractère péjoratif des termes employés, les propos en cause reflètent le sentiment que les opérations réalisées par la CIP sont irrégulières, en particulier, au regard des règlements auxquels la Commission a le pouvoir légal de constater les infractions par des décisions infligeant des sanctions pécuniaires à ceux qui en sont les auteurs ; qu'il s'ensuit que les déclarations publiques ci-dessus reproduites du président de la Commission ont porté atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficiait M. Y... ;

ET AUX MOTIFS AUSSI QUE le collège de la Commission, examinant le rapport de l'enquête effectuée par les services de l'inspection sur l'information comptable et financière diffusée par la société CIP depuis le 1er janvier 1993, notamment sur les conditions dans lesquelles ladite société avait conclu un engagement inconditionnel d'achat de la nue-propriété des actions de la société Kleber Lübeck, devenue à la fin de 1992 propriétaire de 81 % du capital de la socité FBC jusqu'alors intégralement détenu par la société CIP, a constaté que la société CIP n'avait pas mentionné cet engagement dans l'annexe aux comptes pour les exercices 1992 et 1993, ni neutralisé dans ses comptes consolidés de l'exercice 1992 l'impact positif qui résultait pour elle de la déconsolidation de la société FBC ; qu'après en avoir délibéré, elle a décidé d'ouvrir une procédure aux fins d'éventuelles sanctions administratives sur le fondement de son règlement 90-02 relatif à l'information du public, notamment à l'encontre de M. Y..., président du conseil d'administration de la société CIP à l'époque des faits ; que les griefs correspondants ayant été notifiés à M. Y... le 8 décembre 1995, le collège de la Commission a, le 25 juin 1996, décidé, au vu des observations par lui produites le 19 janvier 1996, qu'il y avait lieu de poursuivre la procédure à son encontre et l'a convoqué pour une réunion de la Commission le 12 septembre 1996 ; qu'à cette date, en l'état d'un nouveau mémoire produit par M. Y... et après l'avoir entendu en ses observations, le collège de la Commission a constaté la réalité des griefs qui lui avaient été initialement notifiés et a prononcé une sanction à son encontre ; qu'ayant désigné parmi ses membres M. X... pour procéder, en qualité de rapporteur, à toutes diligences utiles avec le concours des services administratifs, la Commission s'est prononcée sur le rapport de celui-ci dont le texte n'a pas été communiqué à M. Y... ; qu'il en résulte que le collège de la Commission a successivement décidé la mise en accusation de M. Y... sur des faits qu'il a constatés et des chefs d'infraction qu'il a déterminés, puis, au vu de ses moyens de défense, décidé, sans lui en faire connaître les motifs, la poursuite de la procédure à son encontre, enfin, après avoir notamment entendu, en séance, le rapport d'instruction établi par l'un de ses membres dont le texte n'a pu être préalablement discuté, constaté la culpabilité de l'intéressé et l'a sanctionné ;

que, même si elle a été conduite en conformité aux dispositions réglementaires qui en fixent les modalités et si M. Y..., ayant eu accès au dossier de l'enquête administrative et étant assisté d'un avocat, a pu exprimer ses moyens de défense par écrit et oralement, cette procédure, confondant dans le même organe de décision les fonctions de poursuite, d'instruction et constatation de la culpabilité, sans faire connaître la raison du maintien des poursuites ni prévoir de débat contradictoire écrit sur le rapport d'instruction établi par l'un des membres ayant ensuite pris part au délibéré, ajouté au fait que, lors de la même séance, à partir de deux dossiers contenant au total plus de 3 000 cotes, 23 décisions ont été prises, a pu donner l'impression que la sanction prononcée à l'encontre de M. Y... n'avait pas été décidée dans les conditions d'impartialité, selon une procédure équitable ménageant les droits de la personne poursuivie, satisfaisant tout à la fois aux exigences de l'article 6.1 de la Convention des droits de l'homme et à celles du principe fondamental du respect des droits de la défense ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les propos du président de la Commission des opérations de bourse rapportés dans le journal " La Vie française ", daté du 6 au 12 août 1995, sont antérieurs à l'ouverture de la procédure de sanction, ne mentionnent pas le nom de M. Y..., ni ne se réfèrent à aucune infraction précise mais font seulement état d' " acrobaties comptables de l'Immobilière Phenix " ; que de telles déclarations, ne visant pas les opérations ayant donné lieu à sanction et dont l'auteur avait cessé ses fonctions avant l'engagement de la procédure, n'ont pu porter atteinte à la présomption d'innocence ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en ne faisant pas usage de la faculté que lui offrait l'article 3 du décret n° 90-263 du 23 mars 1990, dans sa rédaction alors en vigueur, de décider, au vu des observations produites, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure, la Commission n'a pas statué à l'égard de la personne intéressée et n'avait donc pas à rendre une décision motivée, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 3 du décret précité ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE, conformément à l'article 5 du décret du 23 mars 1990, le rapporteur a présenté l'affaire lors de la séance de jugement au cours de laquelle, ainsi que le constate l'arrêt attaqué, M. Y..., assisté d'un avocat, a pu exprimer ses moyens de défense, si bien qu'en retenant que l'absence de communication préalable du rapport de présentation oral constituait une violation de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a méconnu le texte précité ainsi que l'article 5 du décret du 23 mars 1990.


Synthèse
Formation : Assemblee pleniere
Numéro d'arrêt : 97-16440
Date de la décision : 05/02/1999
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

BOURSE DE VALEURS - Commission des opérations de bourse - Procédure - Procédure de sanction - Rapporteur - Participation au délibéré - Possibilité (non) .

Un membre de la Commission des opérations de bourse qui, dans une procédure de sanction, a été nommé rapporteur et a été chargé de procéder à l'instruction d'une affaire et à toutes investigations utiles, ne peut pas participer au délibéré.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 mai 1997

MEME ESPECE : 1999-02-05 Rejet. 97-16.441 Commission des opérations de bourse c/ M. X... et autre.


Publications
Proposition de citation : Cass. Ass. Plén., 05 fév. 1999, pourvoi n°97-16440, Bull. civ. 1999 A. P. N° 1 p. 1
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 A. P. N° 1 p. 1

Composition du Tribunal
Président : Premier président :M. Truche.
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Métivet, assisté de Mme Kalfon, auditeur.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Bouthors.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.16440
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