AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Emmanuel X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 novembre 1996 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), au profit de la Fédération du bâtiment et des travaux publics, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 décembre 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bouret, conseiller rapporteur, M. Chagny, conseiller, Mlle Barberot, M. Rouquayrol de Boisse, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bouret, conseiller, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de M. X..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 122-14-7, L. 412-18 et L. 514-2 du Code du travail, ensemble l'article 2044 du Code civil ;
Attendu que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par le législateur au profit des salariés investis de fonctions représentatives auxquels sont assimilés les conseillers prud'hommes, interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la rupture du contrat de travail de ces salariés ; qu'en conséquence les salariés protégés ne peuvent, en signant une transaction antérieure au licenciement, renoncer par avance aux dispositions d'ordre public instituées pour protéger leur mandat ;
Attendu que M. X..., employé de la Fédération du bâtiment et des travaux publics, a été élu conseiller prud'homme en décembre 1992 ; que par lettre du 2 septembre 1994 l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable pour licenciement ; que le 23 décembre 1994 les parties ont signé une transaction aux termes de laquelle "M. X... s'oblige à quitter l'entreprise à la date du 1er janvier 1995, le départ étant présenté aux yeux des tiers comme un licenciement pour motif économique" ; qu'aucune lettre de licenciement n'a été envoyée ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul, abusif et vexatoire, ainsi que les demandes d'indemnités de rupture et les demandes en paiement de congés payés et de 13e mois présentées par le salarié, la cour d'appel énonce, que rien n'empêche un salarié protégé de transiger lorsque le licenciement a été notifié même s'il n'a pas été procédé de l'autorisation administrative, et que la transaction n'est pas nulle ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié n'avait reçu aucune lettre de licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne la Fédération du batiment et des travaux publics aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Fédération du bâtiment et des travaux publics à payer à M. X... la somme de 12 000 francs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.