AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme X...,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 juin 1996 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre), au profit :
1 / de M. Y...,
2 / de Mme B... Y... épouse C...,
3 / de M. A... Y...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 décembre 1998, où étaient présents : Mlle Fossereau, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Pronier, conseiller référendaire rapporteur, MM. Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, Mme Fossaert-Sabatier, conseiller référendaire, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pronier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de Mme X...-Y..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 juin 1996), qu'à la suite du divorce des époux Y..., Mme X...-Y... a pris une hypothèque judiciaire et une hypothèque légale sur la part indivise de son ex-époux dans les biens immobiliers dépendant de la succession de son père ; que les consorts Y..., héritiers, ont assigné Mme X...-Y... pour faire ordonner la mainlevée des hypothèques en se prévalant d'un engagement de celle-ci ; qu'en appel Mme X...-Y... a soulevé la nullité de son engagement pour violence ;
Attendu que Mme X...-Y... fait grief à l'arrêt d'ordonner la radiation des hypothèques, alors, selon le moyen, "d'une part, que pour apprécier la violence de nature à faire impression sur une personne raisonnable et susceptible d'annuler en conséquence l'engagement qu'elle a contracté, le juge doit prendre en considération l'âge, le sexe et la condition de la victime ; qu'en se déterminant au seul regard du caractère légitime de la violence exercée à l'encontre de son ex-épouse par M. Y... qui, profitant de la nécessité économique dans laquelle elle se trouvait, a obtenu la mainlevée des hypothèques légale et judiciaire qu'elle avait exercées afin d'obtenir paiement de sa prestation compensatoire en échange d'un règlement trés partiel de sa dette, sans rechercher concrètement si la condition et la personnalité de Mme Y... ne l'avaient pas conduite à accorder cette mainlevée, la cour d'appel a omis d'apprécier une condition d'application de la loi, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1109 et 1112 du Code civil, d'autre part, qu'est illégitime la violence qui vise à obtenir un avantage excessif, par l'usage abusif de son droit que fait l'auteur de cette violence ; que, dès lors, doit être annulé l'engagement du créancier à lever les hypothèques légale et judiciaire destinées à garantir son désintéressement complet, pris sous la contrainte du débiteur qui, profitant de ses difficultés financières, menace de ne payer aucune somme, et ne règle en contrepartie qu'une fraction seulement de sa dette ; qu'en validant l'engagement par Mme Y... de lever les hypothèques légale et judiciaire destinées à garantir le paiement de sa prestation compensatoire, prise sous la menace de ne pas obtenir la remise d'un chèque de 988 233 francs, sans rechercher si cette somme n'était pas nettement inférieure au montant de la prestation compensatoire judiciairement accordée à l'ex-épouse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1112, 2221-1 , 212-3 et 2135 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la seule menace ou pression à laquelle Mme X...-Y... avait été soumise était celle de ne pas obtenir la remise du chèque de 988 233 francs si elle refusait de donner mainlevée des inscriptions d'hypothèque, la cour d'appel, qui a retenu que les consorts Y..., qui offraient le versement de cette somme, étaient libres de le subordonner à la mainlevée comme Mme X...-Y... était libre de l'accepter ou de la refuser, a pu en déduire, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, que cette menace était légitime et a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X...-Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du vingt-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf par Mlle Fossereau, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.