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13/01/1999 | FRANCE | N°96-45138

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 janvier 1999, 96-45138


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Sefergie, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 12 septembre 1996 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section E), au profit de Mme Hélène Y..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 novembre 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Chagny, Bouret, conseillers,

M. Frouin, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mlle Lambert, greffier de cha...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Sefergie, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 12 septembre 1996 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section E), au profit de Mme Hélène Y..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 novembre 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Chagny, Bouret, conseillers, M. Frouin, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Carmet, conseiller, les observations de Me Boullez, avocat de la société Sefergie, de la SCP Defrénois et Levis, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme Y... a été employée du 15 octobre 1979 au 31 décembre 1989 par la société Ségi, puis est entrée à compter du 1er janvier 1990 au service de la société Sefergie dans le cadre d'une convention de transfert, les deux sociétés appartenant au même groupe ;

Qu'à la suite d'une mission d'audit destinée à améliorer la ventilation des frais entre les deux sociétés Mme Y... a été licenciée le 31 mai 1994 pour faute lourde ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 1996) d'avoir dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que, le délai de prescription de 2 mois prévu par l'article L. 122-44 du Code du travail s'apprécie au jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'importance des faits fautifs du salarié ; qu'il était soutenu, en l'espèce, que M. X... qui n'a pris ses fonctions à la société Sefergie qu'à la suite du décès de M. Z... le 10 décembre 1992 ne pouvait avoir connaissance des pratiques répréhensibles de Mme Y..., et ce, d'autant plus qu'il existait une connivence avec M. Z..., mise en évidence par le caractère confidentiel des dépenses incongrues, qu'il était clair que si, effectivement la société Sefergie avait pu mettre en doute la probité de Mme Y..., elle n'aurait pas consenti en 1993 à le salariée un prêt de 600 000 francs, à des conditions particulièrement intéressantes ; qu'il en résultait que c'est bien l'enquête du cabinet Fidorex qui a relevé les fautes de Mme Y..., qu'ainsi, en appliquant le délai de prescription de 2 mois, sans caractériser le fait que l'employeur avait effectivement eu connaissance des fautes reprochées à Mme Y..., la cour d'appel n'a pas répondu à des conclusions pertinentes ; qu'en outre, la cour d'appel n'a pas caractérisé les éléments de fait faisant ressortir la date à laquelle l'employeur aurait connu les faits répréhensibles, date faisant courir le délai de deux mois prévu à l'article L. 122-44 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté par une appréciation souveraine des éléments de preuve que l'employeur avait eu connaissance en février 1994 des faits reprochés à la salariée, la cour d'appel qui a relevé que les poursuites disciplinaires avaient été engagées le 17 mai 1994, date de la convocation à l'entretien préalable, en a justement déduit qu'elles étaient tardives, comme engagées plus de deux mois après la connaissance par l'employeur des faits reprochés ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à énoncer que la mission d'audit avait été confiée au cabinet Fidorex à une époque où les rapports avec Mme Y... avaient tendance à se détériorer, avec pour seul objectif de justifier son licenciement, sans préciser les éléments sur lesquels elle fondait sa conviction, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; et alors, que, la société Sefergie soutenait dans ses conclusions d'appel que Mme Y... faisait fréquemment passer pour frais de réception interne des notes de piano-bar et de restauration, mettant ainsi à la charge de la société des repas pris en tête-à-tête avec M. Z..., et qu'elle avait par ailleurs reconnu que le séjour au Club Méditerranée d'Opio facturé à la société Sefergie n'était en fait qu'un "cadeau" de la part de M. Z..., et alors, enfin, qu'il appartenait donc au salarié de justifier que les frais de représentation étaient engagés dans l'intérêt et l'exercice de ses fonctions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a omis de répondre sur ce chef pertinent des conclusions de la société Sefergie, de nature à établir que ces frais avaient été engagés dans un but exclusivement personnel, violant ainsi les articles 455 du nouveau Code de procédure civile et 1315 du Code civil par renversement de la charge de la preuve ;

Mais attendu que contrairement aux énonciations du moyen, la cour d'appel a précisé les éléments sur lesquels elle fondait sa conviction et qu'elle a répondu, sans inverser la charge de la preuve aux conclusions invoquées ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'en tout état de cause, s'agissant d'un licenciement intervenu pour motif disciplinaire, la cour d'appel devait rechercher si les faits reprochés par l'employeur, à défaut de caractériser une faute grave ou une faute lourde, ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en considérant qu'une procédure disciplinaire ne pouvait être engagée contre Mme Y..., sans avoir examiné l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur dans ses conclusions et sans avoir vérifié si les agissements répréhensibles de la salariée, qui avait profité de ses prérogatives pour bénéficier d'avantages divers à l'insu de son employeur, n'étaient pas de nature à justifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu que la prescription des faits fautifs prive le licenciement de cause et que dès lors qu'elle le constatait la cour d'appel n'avait pas à procéder à d'autre recherche ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que l'employeur fait enfin grief à l'arrêt d'avoir fixé la date de remboursement du prêt accordé par la société à la salariée au 30 juin 1995, malgré son licenciement le 31 mai 1994 ; alors, selon le moyen, que le contrat de prêt conclu le 20 avril 1993 entre la société Sefergie et Mme Y... contenait une clause de déchéance du terme, prévoyant le remboursement immédiat du prêt et des intérêts au taux conventionnel courus, dans l'hypothèse où le débiteur cesserait d'occuper pour quelque raison et à quelque titre que ce soit toute fonction dans la société prêteuse ; qu'en l'espèce, le licenciement le 31 mai 1994 de Mme Y..., dont la cour d'appel n'a pas caractérisé l'absence de cause réelle et sérieuse rendait immédiatement exigible le remboursement du prêt ; qu'en limitant la portée de la clause de déchéance du terme stipulée dans le contrat de prêt, la cour d'appel a violé par dénaturation d'une clause claire et précise, l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le contrat de prêt conclu le 20 avril 1993 entre l'employeur et la salariée contenait une clause de déchéance du terme prévoyant le remboursement du prêt dans l'hypothèse où le débiteur cesserait d'occuper pour quelque raison et à quelque titre que ce soit toute fonction dans la société prêteuse, c'est par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, que la cour d'appel a décidé qu'eu égard au caractère abusif du licenciement, l'employeur ne pouvait s'en prévaloir ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sefergie aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Sefergie à payer à Mme Y... la somme de 12 000 francs ;

Vu l'article 628 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Sefergie au paiement d'une amende civile de 10 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-45138
Date de la décision : 13/01/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Licenciement disciplinaire - Prescription des faits fautifs - Absence de cause en résultant pour le licenciement.

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Prêt consenti à un salarié - Licenciement - Clause de déchéance du terme - Inapplication.


Références :

Code civil 1134
Code du travail L122-14-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (18e chambre, section E), 12 septembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jan. 1999, pourvoi n°96-45138


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CARMET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.45138
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