AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société Consortium francais des meubles Suffren, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
2 / M. F..., agissant en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Consortium francais des meubles Sufren, demeurant ...,
3 / M. B..., agissant en sa qualité de représentant des créanciers de la société Consortium francais des meubles Sufren, demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 2 septembre 1996 par la cour d'appel de Caen (3e chambre sociale), au profit :
1 / de Mme Liliane X..., demeurant ...,
2 / de Mme Ginette Y..., demeurant ...,
3 / de M. Patrice A..., demeurant ...,
4 / de Mme Isabelle D..., demeurant ...,
5 / de Mme Andrée E..., demeurant 14 ou ...,
6 / de M. Daniel G..., demeurant ...,
7 / de Mme Rose-Marie H..., demeurant lieudit Houay, 61210 Ri,
8 / de M. C... Trois, demeurant ...,
9 / de M. Pascal J..., demeurant ...,
10 / de Mme Monique K..., demeurant ...,
11 / de M. Robert Z..., demeurant ...,
12 / de l'ASSEDIC de Basse-Normandie AGS, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 novembre 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, MM. Chagny, Bouret, conseillers, M. Terrail, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Consortium francais des meubles Suffren et de MM. F... et B..., ès qualités, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mmes X..., Y..., de M. A..., de Mmes D..., E..., de M. G..., de Mme H..., de MM. I..., J..., de Mme K... et de M. Z..., les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens réunis :
Vu les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4, L. 321-1 et L. 321-1-1 du Code du travail ;
Attendu que la société Consortium français des meubles Sufren a été déclarée en redressement judiciaire le 13 novembre 1992 ;
qu'après réunion du comité d'entreprise, l'administrateur judiciaire a sollicité et obtenu l'autorisation du juge-commissaire de procéder au licenciement de 65 salariés ; que Mme X... et dix autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, pour déclarer illégitime la rupture des contrats de travail des salariés et condamner la société Consortium français des meubles Sufren en présence de M. F... et de M. B... à leur payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel retient que si les critères de l'ordre des licenciements ne sont pas limitatifs et si l'employeur peut introduire d'autres critères à côté des critères légaux il ne peut pas écarter ceux-ci qui représentent une contrainte irréductible, qu'en retenant exclusivement comme critères la qualité et l'expérience professionnelle, d'une part, la polyvalence, d'autre part, l'employeur a exclu systématiquement les critères que la loi lui faisait obligation de prendre en considération, que la rupture des contrats de travail de salariés dont le choix s'est opéré en fonction de critères incomplets et au surplus arrêtés sans consultation préalable du comité d'entreprise est illégitime ;
Attendu, cependant, que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique prévues à l'article L. 321-1-1 du Code du travail ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'elle constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, lequel doit être intégralement réparé selon son étendue par les juges du fond ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des défendeurs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.