AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Spler, société anonyme, dont le siège social est ...,
en cassation d'un jugement rendu le 2 février 1996 par le conseil de prud'hommes de Bobigny (section commerce, Bureau 3), au profit de Mlle Catherine X..., demeurant ... 34, 93120 La Courneuve,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 novembre 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Barberot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Chagny, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Barberot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Spler, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 412-11 et L. 412-20 du Code du travail ;
Attendu que la mission des délégués syndicaux, qui consiste à représenter leur syndicat dans l'entreprise, ne peut être exercée en tout lieu que dans l'intérêt des salariés de l'entreprise ou de l'établissement au titre desquels ils ont été désignés ;
Attendu que la société SPLER a engagé contre Mlle X..., déléguée syndicale, une instance aux fins de remboursement de la rémunération afférente à des heures de délégation dont elle estimait qu'elles n'avaient pas été utilisées conformément à leur objet ;
Attendu que, pour débouter l'employeur de sa demande, le jugement attaqué retient que les salariés sont intéressés par le bon déroulement des élections prud'homales, s'agissant de mettre en place les membres de la juridiction compétente pour trancher les conflits individuels du travail ; que les syndicats, lorsqu'ils présentent des listes de candidats, ont nécessairement le droit de faire appel aux délégués syndicaux, représentant les adhérents, pour assurer pendant le vote une permanence de délégués de liste chargés de s'assurer de la régularité des opérations électorales ; que la mission des délégués syndicaux entre bien, en conséquence, dans l'activité normale de défense des intérêts du personnel qui constitue le rôle essentiel de ceux-ci ; qu'en délivrant, en outre, à la salariée une autorisation d'absence qui agréait la demande, l'employeur avait laissé croire à l'intéressée qu'il acceptait l'interprétation qu'elle avait faite de sa fonction ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, l'assistance aux opérations d'un scrutin à caractère national n'entre pas dans la mission du délégué syndical et que, d'autre part, la délivrance d'un bon de délégation n'implique pas la reconnaissance par l'employeur de l'utilisation des heures de délégation conformément à leur objet, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 février 1996, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Bobigny ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Créteil ;
Condamne Mlle X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.