AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me D..., et de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Z... Gaspard,
- E... Josiane, épouse Z...,
- B... Gabriel,
- DE A... Paule, épouse B...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 9 avril 1997, qui, après condamnation définitive d'Abdelkader Y... des chefs d'abus de confiance et d'abus de blanc-seing et au paiement de dommages et intérêts à leur égard, a, notamment, déclaré irrecevable la mise en cause de la société SAINT JOHN'S IMMOBILIER en qualité de civilement responsable du prévenu ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
1 - Sur le pourvoi de Gabriel B... et de Paule De A..., épouse B... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II - Sur le pourvoi de Gaspard Z... et de Josiane E..., épouse Z... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 408 du Code pénal, 1384 alinéa 5 du Code Civil, 2, 3, 485 et 512 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la mise en cause, par les époux Z..., de la société Saint John's Immobilier, prise en sa qualité de civilement responsable d'Abdelkader Y... ;
"aux motifs qu' "il est établi que les époux Z... sont entrés en contact avec Abdelkader Y... en décembre 1991, alors que ce dernier avait signé le protocole d'accord et son avenant mais non le bail permettant la mise en place effective de la succursale Saint John's Immobilier, laquelle n'était pas encore immatriculée au registre de commerce ; que par ailleurs Abdelkader Y... est intervenu seulement en qualité de rédacteur d'actes de vente ; qu'il n'avait reçu, ni des époux Z... ni de Mme C..., ni des époux X... un mandat pour procéder à une transaction immobilière ; qu'il n'existe aucun document permettant de connaître à quel titre les chèques lui ont été remis alors que, dans les actes, il est mentionné qu'ils étaient remis aux vendeurs par les acquéreurs à titre de paiement du prix de vente ; que seules les déclarations de Gaspard Z... permettent de savoir que les époux Z... avaient confié à Abdelkader Y... le soin de solder, avec une partie des sommes remises par les acquéreurs, des crédits ou dettes qu'ils leur restaient à régler ; que cette mission, ayant justifié la remise de fonds à Abdelkader Y..., n'entrait pas dans le cadre des attributions contractuelles conférées à Abdelkader Y... et telles que résultant des actes que ce dernier avait signés avec la société Saint John's Immobilier, étant ici observé que le protocole d'accord n'avait pas le caractère d'un contrat définitif et ne devait prendre effet que dès la nomination du directeur de la succursale, l'avenant prévoyant en outre que l'activité de la succursale ne pourrait effectivement débuter qu'après réception de la carte professionnelle, laquelle a été délivrée le 20 février 1992, soit postérieurement à la date de remise des chèques, le chèque daté du 4 mars 1992 ayant été à l'évidence remis avec le chèque le 19 février 1992, l'acte de vente faisant mention de la remise des deux chèques ; qu'il résulte de ce qui précède qu'Abdelkader Y... a commis des faits dont il a été déclaré coupable au préjudice des époux Z... en dehors de l'activité qu'il devait avoir et telle que décrite dans les documents qu'il a signés avec la société Saint John's Immobilier ;
que par ailleurs, il doit être relevé que ce n'est pas à l'aide des moyens mis à sa disposition par la société Saint John's Immobilier qu'il a pu les commettre puisqu'il a été mis en relation avec les époux Z... par des tiers en qualité de rédacteur d'acte et à une époque où la succursale la société Saint John's Immobilier, à l'état de projet, n'existait pas ; qu'étant démontré que la société Saint John's Immobilier ne peut pas être considérée comme civilement responsable d'Abdelkader Y..., pour les faits commis au préjudice des époux Z..., le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions" (arrêt, p. 10 alinéa 6 et p. 11 alinéas 1 et 2) ;
"alors que, il résultait des propres énonciations de l'arrêt, que, lors de la rédaction des actes de cession, Abdelkader Y... se trouvait sous l'autorité de la société Saint John's Immobilier, qui lui avait en effet confié "la mise en place d'une succursale Saint John's Immobilier à Marseille", et que les fonds détournés au préjudice des époux Z... vendeurs, lui avaient été remis à cette occasion par les acquéreurs ; qu'en refusant néanmoins de déclarer la Saint John's Immobilier civilement responsable du préjudice causé aux époux Z... par Abdelkader Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en décembre 1991, les époux Z... ont chargé Abdelkader Y..., qui se présentait comme conseil juridique et membre du cabinet Saint John's Immobilier, de rédiger les actes de vente de deux fonds de commerce leur appartenant, et de leur restituer le solde du prix de vente après avoir liquidé pour leur compte des crédits et factures fournisseurs, restant en instance, avec le montant des chèques remis par les acquéreurs et qui devait être versé sur un compte séquestre ; qu'Abdelkader Y... a reconnu avoir disposé des fonds à des fins personnelles ;
Attendu que, par jugement du 13 décembre 1993, ce dernier a été définitivement condamné pour abus de confiance et abus de blanc-seing ; que les époux Z... avaient appelé en cause, par voie de citation directe, la société Saint John's Immobilier en qualité de civilement responsable du prévenu ;
Attendu que, pour confirmer la décision des premiers juges déclarant irrecevable la mise en cause de la société précitée, la cour d'appel déduit de divers éléments que, lors de la signature des contrats de vente du 8 février 1992, enregistrés le 25 février, et de la remise des chèques le 19 du même mois, aucun contrat définitif n'était signé entre Abdelkader Y... et la société Saint John's Immobilier, que la carte professionnelle n'avait pas été délivrée, et qu'ainsi, le prévenu a commis les faits, dont il a été déclaré coupable, en dehors de l'activité qu'il devait avoir avec la société mise en cause, sans l'aide des moyens mis à sa disposition par cette dernière et en sa seule qualité de rédacteur d'acte à une époque où la succursale Saint John's Immobilier, à l'état de projet, n'existait pas ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a souverainement écarté l'existence, au moment des faits, d'un lien de subordination entre le prévenu et la société mise en cause, n'encourt pas les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau, Challe, Roger, Palisse conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, Soulard conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;