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03/12/1998 | FRANCE | N°97-82424

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 décembre 1998, 97-82424


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la société Antverpia Incendies, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 28 janvier 1997, qui, dans les poursuites suivies sur sa plainte pour abus de biens sociaux contre André Z..., a déclaré l'action publique éteinte.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 512, 458, 460, 591 et 592 du Code de procédure pénale :
" en ce qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le ministère public n'a pas été entendu en ses réquisitions

;
" alors que l'audition du ministère public s'impose à peine de nullité " ;
Atten...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la société Antverpia Incendies, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 28 janvier 1997, qui, dans les poursuites suivies sur sa plainte pour abus de biens sociaux contre André Z..., a déclaré l'action publique éteinte.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 512, 458, 460, 591 et 592 du Code de procédure pénale :
" en ce qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le ministère public n'a pas été entendu en ses réquisitions ;
" alors que l'audition du ministère public s'impose à peine de nullité " ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir mentionné que le ministère public était représenté lors des débats par M. Chaillet, substitut du procureur général, indique que les parties ont pris la parole à l'audience ;
Qu'il se déduit de ces mentions que le ministère public a été entendu en ses réquisitions lors des débats de l'affaire ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 486, 510, 511, 512 et 591 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que le greffier, Mme Inglart, a participé au délibéré de la Cour ;
" alors que, en vertu du principe du secret du délibéré, seuls doivent participer au délibéré les juges devant lesquels l'affaire a été plaidée, à l'exclusion du greffier et du représentant du ministère public ; qu'en l'espèce, la présence du greffier lors du délibéré entache de nullité l'arrêt attaqué " ;
Attendu qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt attaqué que le greffier ait assisté au délibéré de la cour d'appel ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe de territorialité de la loi pénale française pour les infractions commises sur le territoire de la République française :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'action publique éteinte à l'encontre d'André Z... du chef d'abus de biens sociaux commis par ce dernier à Roubaix en 1993 en application du principe de l'autorité de la chose jugée ;
" aux motifs que, par ordonnance du 20 octobre 1994, la chambre du conseil du tribunal de première instance de Nivelles s'était déclarée compétente en ce qui concernait la constitution de partie civile de la société Antverpia Incendie et dit n'y avoir lieu à poursuivre ; que, par arrêt aujourd'hui définitif du 15 décembre 1994, la chambre des mises en accusation de Bruxelles avait confirmé cette ordonnance aux motifs qu'il n'existait pas de charges contre l'inculpé par des attendus repris par le premier juge ; que c'était par des motifs exempts d'insuffisance que la Cour adoptait que le premier juge avait déclaré l'action publique éteinte du fait de l'autorité de la chose jugée ; qu'il y avait identité de cause, même si les qualifications retenues étaient différentes, le droit belge ne connaissant pas l'abus de biens sociaux et poursuivant les faits relevant en France de cette qualification sous celle d'abus de confiance ; que s'agissant d'une ordonnance de non-lieu, cette autorité était relative, mais s'appliquait en l'espèce dès lors qu'aucun élément nouveau par rapport à la procédure belge n'était invoqué ;
" alors, d'une part, que le principe de territorialité veut que les tribunaux répressifs d'un Etat soient internationalement compétents pour juger les infractions commises sur leur territoire ; que, dès lors qu'une infraction a été commise sur le territoire de la République française, les tribunaux répressifs français sont compétents pour connaître de l'action publique née de cette infraction en sorte que l'exception de chose jugée à l'étranger n'est pas opposable à la juridiction répressive française qui, lorsqu'elle est invoquée, doit la rejeter ; qu'en l'espèce, il est constant que les faits d'abus de biens sociaux reprochés à André Z... ont été commis à Roubaix, en territoire français ; qu'il s'ensuit que les juges correctionnels qui étaient tenus de statuer sur ces faits ont illégalement accueilli l'exception de chose jugée en Belgique opposée par le prévenu ;
" alors, d'autre part, et subsidiairement que, à supposer qu'une décision étrangère puisse avoir l'autorité de la chose jugée, il faut que cette décision émane d'une juridiction de jugement ; que la décision, même définitive, d'une juridiction d'instruction étrangère n'a, sur le territoire de la République française aucune autorité de chose jugée pour les faits commis sur son territoire ;
" alors, de troisième part, et en tout état de cause que l'abus de biens sociaux et l'abus de confiance constituent en droit positif français 2 délits distincts qui ne comportent pas les mêmes éléments constitutifs et sont exclusifs l'un de l'autre ; qu'en faisant bénéficier André Z... de l'autorité de la chose jugée en Belgique (ordonnance de non-lieu du chef d'abus de confiance) pour le motif que le droit belge ne connaissait pas l'abus de biens sociaux mais seulement l'abus de confiance, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
" alors, de quatrième part, que, dès lors qu'elle constatait que l'infraction d'abus de biens sociaux n'existait pas en droit positif belge, elle ne pouvait faire bénéficier André Z... de l'exception de chose jugée, mais devait rechercher si les faits constitutifs de ce délit n'étaient pas, en l'espèce, constitués ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 692 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les décisions rendues par des juridictions étrangères n'ont l'autorité de la chose jugée que lorsqu'elles concernent des faits commis en dehors du territoire de la République ;
Attendu qu'André Z... a été poursuivi en France pour un abus de biens sociaux qu'il aurait commis à Roubaix ; que, pour déclarer l'action publique éteinte, l'arrêt confirmatif attaqué énonce que la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bruxelles a rendu un arrêt de non-lieu à son profit à raison des mêmes faits ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte d'une réserve émise par le gouvernement français que l'article 54 de la Convention de Schengen, du 19 juin 1990, portant application de l'Accord de Schengen, du 14 juin 1985, n'est pas applicable lorsque l'ensemble des faits poursuivis ont eu lieu en France, la cour d'appel, qui a constaté que les faits dont elle était saisie avaient été commis en France, a méconnu le texte sus-visé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que l'arrêt n'ayant pas statué au fond, les effets du pourvoi de la partie civile s'étendent à l'action publique ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Douai, en date du 28 janvier 1997, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-82424
Date de la décision : 03/12/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHOSE JUGEE - Décisions susceptibles - Décision d'une juridiction étrangère - Faits commis en France (non).

Il résulte de l'article 692 du Code de procédure pénale que les décisions rendues par des juridictions étrangères n'ont l'autorité de la chose jugée que lorsqu'elles concernent des faits commis en dehors du territoire de la République. Par suite d'une réserve émise par le gouvernement français, l'article 54 de la Convention de Schengen, du 19 juin 1990, portant application de l'accord de Schengen, du 14 juin 1985, selon lequel une personne jugée par une partie contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre partie contractante, n'est pas applicable lorsque la totalité des faits poursuivis a eu lieu sur le territoire français. Encourt, par conséquence, la censure, cour d'appel qui, saisie d'une infraction commise en France, déclare l'action publique éteinte au motif que la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Bruxelles a rendu une décision de non-lieu au profit du prévenu. (1).


Références :

Code de procédure pénale 692

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 janvier 1997

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1966-01-26, Bulletin criminel 1966, n° 23, p. 42 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1971-05-13, Bulletin criminel 1971, n° 157, p. 395 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 déc. 1998, pourvoi n°97-82424, Bull. crim. criminel 1998 N° 331 p. 962
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 331 p. 962

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Géronimi.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Soulard.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Delaporte et Briard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.82424
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