AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Kalila Intermarché, société anonyme dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 24 septembre 1996 par la cour d'appel de Riom (Chambre sociale), au profit de Mme Chantal X..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 octobre 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Le Roux-Cocheril, conseiller rapporteur, M. Chagny, conseiller, Mmes Barberot, Andrich, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société Kalila Intermarché, de Me Luc-Thaler, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X..., engagée le 28 mai 1986 en qualité de caissière-gondolière vendeuse par la société Kalila Intermarché, a été victime, le 5 janvier 1993, d'une rechute d'accident de trajet et a été licenciée le 7 octobre 1993 pour inaptitude à son poste de travail et impossibilité de reclassement ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Riom, 24 septembre 1996) de l'avoir condamnée à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que, d'une part, dans ses conclusions d'appel, la société a fait expressément valoir que l'hypothèse d'une réorganisation des services de caisses, destinée à aménager un poste de caissière au profit de Mme X..., n'avait été envisagée qu'en l'état de l'impossibilité de reclasser la salariée dans l'un des postes qui, envisagés par le médecin du Travail, impliquaient l'usage des deux mains ou le port de lourdes charges et, comme tels, n'étaient pas adaptés au handicap de l'intéressée ; qu'ainsi, en se bornant à souligner la prétendue invraisemblance de la réorganisation envisagée par l'employeur, pour en déduire que ce dernier n'avait fait aucune tentative réelle de reclassement de Mme X..., sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel de l'intimée, qui démontrait que celle-ci avait tenté, en vain, de pourvoir par d'autres moyens au reclassement de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, la société n'a pas prétendu que la création d'un poste de caissière stricto sensu impliquait nécessairement la suppression de 5 heures de travail par semaine pour 8 salariées, mais simplement que la démarche entreprise à cet égard auprès des 9 caissières-gondolières titulaires tendait, avec l'accord des intéressées ou, à tout le moins, de certaines d'entre elles, à aménager un tel poste au profit de Mme X... en réduisant globalement l'activité de caisse de ces salariées, ce qui ne pouvait se faire qu'en consultant l'ensemble des personnes concernées, afin
de recueillir, à tout le moins, l'accord de certaines d'entre elles, de nature à permettre une réorganisation satisfaisante des horaires au profit de l'appelante ; que, dès lors, en affirmant lapidairement que le procédé de consultation du personnel ainsi décrit était démagogique et invraisemblable, en ce qu'il tendait à faire admettre que la modification de l'emploi de Mme X... aurait impliqué la suppression de 5 heures de travail par semaine pour 8 salariés, soit 40 heures de travail, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société et violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que l'employeur n'est tenu de rechercher les possibilités de reclassement du salarié, déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, qu'au sein des sociétés dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'ainsi, en se bornant à énoncer péremptoirement que la société Kalila Intermarché faisait partie d'un "groupe" composé des sociétés Surisal à Montluçon, Kalila à Montluçon, et Deroge à Malicorne au seul motif que ces sociétés ont un président-directeur général unique et des administrateurs membres de la famille de ce dernier, pour en déduire que la société aurait dû rechercher des possibilités de reclassement au sein de ces sociétés, sans rechercher si les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation de celles-ci leur permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 122-24-4 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, sans dénaturation et répondant en les rejetant aux conclusions invoquées, a relevé que l'employeur ne justifiait pas avoir été dans l'impossibilité de procéder au reclassement de cette dernière dans l'entreprise ; qu'elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Kalila Intermarché aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.