AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Le Boeuf gourmand, société anonyme dont le siège est Centre commercial Beaulieu, 44200 Nantes,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 juin 1996 par la cour d'appel de Rennes (8e Chambre, Section A), au profit de M. Jean-Pierre X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 octobre 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Ransac, Bouret, conseillers, Mmes Barberot, Andrich, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boubli, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Le Boeuf gourmand, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. X..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 juin 1996), que M. X..., directeur de la société Le Boeuf gourmand pour son établissement de Nantes, a été licencié pour motif économique par lettre du 28 septembre 1992 lui rappelant le délai dont il disposait pour adhérer à la convention de conversion ; que M. X... a adhéré à ladite convention et a contesté la régularité de la rupture ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Le Boeuf gourmand au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que lorsque le salarié dont l'employeur lui annonce qu'il envisage de le licencier pour motif économique adhère à une convention de conversion, la rupture s'effectue d'un commun accord et que la lettre par laquelle l'employeur annonce au salarié son futur licenciement économique et lui propose d'adhérer à cette convention de conversion n'est pas soumise aux exigences de motivation prévues par l'article L. 122-14-2 du Code du travail ; qu'en déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse au seul motif que la lettre de licenciement n'énonçait pas l'incidence des difficultés économiques sur le poste du salarié et en s'abstenant de rechercher elle-même, comme elle en avait l'obligation dans le cadre de la convention de conversion, si le motif économique de licenciement était réellement caractérisé, la cour d'appel a violé les articles L. 321-6, L. 322-3, L. 511-1, L. 122-14-2, L. 122-14-3 et L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 122-14-2 du Code du travail sont applicables au salarié qui adhère à une convention de conversion et dont le licenciement a été décidé ; qu'il en résulte que la lettre notifiant au salarié son licenciement en lui proposant une convention de conversion doit être motivée ; que la cour d'appel, qui a constaté que la lettre de licenciement était insuffisamment motivée, en ce qu'elle ne précisait pas les répercussions des difficultés économiques sur l'emploi du salarié, a décidé à bon droit que M. X... était fondé en sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Boeuf gourmand aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Le Boeuf gourmand à payer à M. X... la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.