AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PINSSEAU, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Christian,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 16 octobre 1997, qui, pour vol, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 311-1, 311-3 du Code pénal, de l'article 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 427 du Code de procédure pénale, de l'article 593 du même Code, violation de la loi, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif a déclaré Christian X... coupable de vol, l'a condamné à une peine d'emprisonnement d'un mois assortie du sursis et, recevant les parties civiles en leur constitution l'a également condamné à verser à ces dernières la somme de 20 000 francs en réparation de leur préjudice moral ;
"aux motifs que Christian X... ne peut valablement prétendre qu'aient eu le caractère d'objets abandonnés les effets laissés par leur propriétaire dans un local fermé à clef ;
qu'il tente vainement d'appuyer son argumentation par la production de témoignages unanimes à relater que les lieux semblaient avoir été déménagés, cette circonstance ne permettant pas de considérer que le déménagement entrepris ait été achevé et les objets restant aient été abandonnés alors même que les clefs du logement n'avaient pas été restituées à l'office bailleur, mais simplement confiées à un voisin ; que d'ailleurs ce voisin précise que les clefs lui avaient été remises afin qu'il puisse venir chercher les vêtements et ustensiles nécessaires à l'entretien de l'enfant du couple Wyart-Werling dont il avait la garde ; que ces circonstances établissent suffisamment que les meubles laissés en place ne pouvaient être, de bonne foi, considérés comme abandonnés ; qu'en outre, les circonstances de la cause établissent formellement la volonté d'appropriation de Christian X... ; que l'huissier a relevé que le prévenu ne souhaitait manifestement pas qu'il soit procédé à un inventaire du mobilier, que surtout Dominique Y... a relaté la convoitise dont avait fait preuve Christian X... ; que celui-ci, lors de son audition par les militaires de la gendarmerie, le 25 septembre 1996, a formellement reconnu cette volonté d'appropriation, convenant avoir commis une erreur professionnelle ; que les témoignages produits de collègues attestant de ce que l'office était soucieux de limiter les frais de gardiennage, ne font pas état de pratique similaire, formellement
condamnée par le président de l'OPHLM ; qu'en conséquence le tribunal a fait une exacte analyse des faits de la cause ; que le tribunal a justement apprécié le préjudice moral subi par les parties civiles, suite à l'appropriation de certains de leurs biens par un employé de l'office bailleur et la destruction de documents personnels ;
"alors que toute personne accusée d'une infraction étant présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, il appartient au ministère public et à la partie civile de rapporter la preuve de la culpabilité de la personne poursuivie ; qu'en décidant que Christian X... s'était rendu coupable de vol aux motifs qu'il ne peut valablement prétendre qu'aient eu le caractère d'objets abandonnés les effets laissés par leur propriétaire dans un local fermé à clef et que c'est en vain qu'il produit des témoignages unanimes à relater que les lieux semblaient avoir été déménagés, cette circonstance ne permettant pas de considérer que le déménagement entrepris ait été achevé et les objets restant aient été abandonnés, la cour d'appel a mis à la charge de Christian X... la preuve de l'abandon des biens recueillis alors qu'il appartenait au ministère public et à la partie civile de démontrer que les biens n'étaient pas abandonnés dans l'appartement par les anciens locataires ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et ainsi méconnu la présomption d'innocence ; ce faisant elle a violé les textes visés au moyen ;
"alors que le juge saisi d'un faisceau d'indices susceptibles de constituer une preuve ne peut en aucun cas priver ces indices de toute portée par l'examen individuel de chacun d'entre eux ; qu'il résultait tant du procès-verbal d'huissier que des déclarations des témoins entendus que les anciens locataires avaient déménagé leurs affaires au moment de l'état des lieux ; que convoqués en bonne et due forme à l'état des lieux de sortie de leur appartement et alors même qu'ils avaient eux-mêmes donné congé, les locataires s'étaient abstenus de se présenter ; qu'en omettant de rechercher si ces circonstances, dans leur ensemble, ne suffisaient pas à établir que Christian X... ait pu de bonne foi croire que les biens meubles recueillis avaient été abandonnés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance, caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de vol dont elle a déclaré le prévenu coupable, et justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;
D'où il suit que le moyen, qui, sous le couvert de manque de base légale, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Pinsseau conseiller rapporteur, M. Milleville, Mmes Simon, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;