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12/11/1998 | FRANCE | N°97-86275

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 novembre 1998, 97-86275


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- CAUDIE Robert,

- B... Edwige, épouse CAUDIE,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 7 novembre 1997, qui a c

ondamné le premier, pour recel, à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et a rejeté la dema...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- CAUDIE Robert,

- B... Edwige, épouse CAUDIE,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 7 novembre 1997, qui a condamné le premier, pour recel, à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et a rejeté la demande de non-inscription de cette condamnation au casier judiciaire, et a condamné la seconde, pour abus de biens sociaux et banqueroute, à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 10 ans d'interdiction de gérer toute entreprise commerciale ou artisanale ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 446 du Code de procédure pénale, 512 et 513 du même Code ;

"en ce que l'arrêt attaqué a retenu Robert et Edwige Z... dans les liens de la prévention après avoir entendu comme témoin M. A..., qui a prêté le serment de dire la vérité, rien que la vérité ;

"alors que, selon l'article 446 du Code de procédure pénale, les témoins entendus à l'audience d'une juridiction correctionnelle doivent, avant de commencer leur déposition, prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, que cette formule est substantielle et ne permet aucun retranchement, et qu'en conséquence, le serment prêté par M. A... est incomplet et que l'illégalité du serment vicie de nullité l'arrêt attaqué" ;

Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué, selon lesquelles le témoin Michel A... "a prêté serment de dire la vérité, rien que la vérité, conformément à l'article 446 du Code de procédure pénale", établissent suffisamment que le serment a été prêté dans les termes prescrits par ledit article ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 437, 460, 463 et 464 de la loi du 24 juillet 1966, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Edwige Caudie coupable d'abus de biens de la SA Sisphinx ;

"aux motifs qu'Edwige Caudie s'est octroyée un salaire brut de 30 000 francs, peu compatible avec les possibilités financières de la SA Sisphinx, et qui n'a manqué d'augmenter par la suite ; que la prévenue s'est défendue d'avoir agi de la sorte et a affirmé devant la Cour avoir produit durant l'instruction une délibération du conseil d'administration l'autorisant à percevoir un tel salaire ; qu'en réalité, ce document, objet de la pièce n° 32, cotée D 84/21 au dossier, adressé par son avocat le 14 février 1994 au juge d'instruction, est une feuille manuscrite, écrite au crayon, non signée, censée constater une délibération du conseil d'administration de la société composé uniquement d'Edwige Caudie, président, et de MM. Y... et de Chabot, administrateurs, réuni le 7 octobre 1989 ; qu'un tel document ne peut être considéré comme probant ; que, d'ailleurs, la volonté de dissimuler la vérité émanant d'Edwige Caudie est constante puisque ses bulletins de paye n'ont pas été découverts par les enquêteurs et que seuls les bulletins des mois de septembre, octobre et novembre 1989 étaient annexés à la cote D 84/21 ; qu'outre ce salaire, Edwige Caudie a perçu une moyenne mensuelle de 10 000 francs à titre de frais professionnels dont beaucoup relevaient des dépenses afférentes à sa vie privée et d'autres étaient totalement étrangers à l'objet social de la société ou bien non justifiés ; que le procès-verbal de constatations établi le 10 août 1992 par le commissaire Girard (cote D 39 du dossier) met en évidence le recours systématique d'Edwige Caudie au crédit de la SA Sisphinx pour le paiement de très nombreuses notes de restaurant, d'hôtel, de carburant, de coiffeur, de fleuriste, de cadeaux, d'achat d'un livre sur l'équitation, de péage d'autoroute (et même de bac à Royan), des allers-retours à Genève, Bruxelles, Luxembourg, Rabat, sans que jamais le lien de causalité soit établi entre les dépenses et l'activité sociale de la SA Sisphinx ;

qu'en particulier le voyage à Rabat de Robert et Edwige Z... et d'une troisième personne relève de ces abus ; qu'à cet égard, l'affirmation de la prévenue selon laquelle ce voyage n'aurait pas été payé par la société n'exonère en rien sa responsabilité puisque la facture de l'agence de voyages ayant réservé les billets d'avion a été adressée à la SA Sisphinx ; par ailleurs, qu'au motif que des salariés de la SA Sisphinx habitant ou travaillant à Paris ont pu loger dans un appartement loué par Robert et Edwige Z... à Verrières-le-Buisson (Essonne), Edwige Caudie a fait supporter l'intégralité de ce loyer par la SA Sisphinx sans établir une corrélation entre le prix ainsi versé et les économies d'hôtel réalisées pour ces personnels ;

"alors, d'une part, qu'en se bornant à retenir à la charge de la prévenue le fait qu'elle avait un salaire peu compatible avec les possibilités financières de la société sans rechercher si la rémunération d'Edwige Caudie n'était pas justifiée par le travail accompli, la cour d'appel a entaché son arrêt de défaut de motifs ;

"alors, d'autre part, qu'il incombe à la partie poursuivante de rapporter la preuve que le délit reproché est constitué ; qu'en mettant à la charge d'Edwige Caudie la preuve que les dépenses réglées à titre de frais professionnels étaient liées à l'activité de la société, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve ;

"alors, encore, que la cour d'appel ne pouvait retenir le voyage à Rabat comme constitutif d'un abus de biens sociaux au seul prétexte que la facture avait été adressée à la société Sisphinx dès lors que seul le règlement de ce voyage par ladite société aurait pu constituer l'élément matériel du délit reproché ;

"alors, enfin, qu'en exigeant d'Edwige Caudie qu'elle établisse l'existence d'une corrélation entre le loyer payé par la société Sisphinx et les économies d'hôtel réalisées pour le personnel de la société, la cour d'appel a, de nouveau, renversé la charge de la preuve" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 198 et 200 de la loi du 25 janvier 1985, 402 ancien du Code pénal et 131-25 et 131-26 du nouveau Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Edwige Caudie coupable de banqueroute par détournement d'actif ;

"aux motifs que le premier de ces détournements est relatif à l'appropriation, par Edwige Caudie, d'un ordinateur portable Toshiba qui appartenait à la SA Sisphinx, pour le prix de 15 000 francs, en contrepartie de l'occupation de son habitation de Couzeix par sa société du 4 septembre au 10 octobre 1989 ; que cette cession est abusive et constitue un véritable détournement dès lors que, dès le 1er octobre 1989, la SA Sisphinx s'était installée boulevard Victor Hugo à Limoges et payait un loyer de 4 000 francs à la SARL Arthemis avant d'avoir son siège dans l'immeuble mis à sa disposition par la SCI Sisphinx ; que le deuxième détournement est relatif à deux chaises en bois et cuir noir fabriquées par l'entreprise Trois Usines qui ont été ramenées au domicile de Robert et Edwige Z... par Edwige Caudie alors qu'ils appartenaient à la SA Sisphinx et faisaient partie de son actif ; que Mme X..., l'une des anciens comptables, les a parfaitement identifiées et il a été établi que la marque Ciolino qui figure sur ces meubles est commercialisée par la société Trois Usines qui les a vendues et facturées à la SA Sisphinx ; qu'en conséquence, nonobstant ses dénégations, Edwige Caudie sera déclarée coupable de ces détournements d'actif" ;

"alors, d'une part, qu'ayant constaté que la cession de l'ordinateur par la société Sisphinx avait été effectuée en contrepartie de l'occupation de l'appartement des époux Z... du 4 septembre au 1er octobre 1989, date à laquelle la société s'était installée boulevard Victor Hugo à Limoges, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, juger que cette cession était abusive ;

"alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, Edwige Caudie faisait valoir que les chaises de bureau n'avaient jamais figuré dans la comptabilité de la société Sisphinx et n'avaient pas été facturées à la société ; qu'en se bornant à affirmer que ce mobilier, identifié par l'ancienne comptable de la société, avait été vendu et facturé à la société, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motifs" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par les motifs repris aux moyens, exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a, sans inverser la charge de la preuve, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-86275
Date de la décision : 12/11/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Débats - Témoins - Serment - Formule - Constatation des formalités prévues par l'article 446 du code de procédure pénale - Portée.


Références :

Code de procédure pénale 446

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, 07 novembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 nov. 1998, pourvoi n°97-86275


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.86275
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