AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Albert Y..., dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 juillet 1996 par la cour d'appel de Paris (4ème chambre, section A), au profit :
1 / de la société Dargaud éditeur, dont le siège est ...,
2 / de Mlle Anne X..., demeurant ...,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 octobre 1998, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, MM. Renard-Payen, Durieux, Mme Bénas, MM. Guérin, Sempère, Bargue, conseillers, M. Savatier, Mme Bignon, conseillers référendaires, M. Gaunet, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Albert Y..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mlle X..., de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société Dargaud éditeur, les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Les éditions Albert Y... de son désistement du premier moyen de cassation énoncé dans le mémoire en demande ;
Sur le second moyen devenu moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que, selon les juges du fond René X..., scénariste, et Albert Z..., dessinateur, ont cédé à la société Dargaud éditeur les droits d'édition des vingt-cinq premiers albums de la bande dessinée intitulée "Astérix le gaulois" ; qu'en vertu d'un "protocole d'accord" du 10 mai 1982, conclu entre, d'une part, la société Dargaud et, d'autre part, la veuve de René X..., M. Z... et la société Les éditions Albert Y..., les auteurs ont confirmé la cession des droits d'édition graphique à la société Dargaud, et ont reçu la propriété et l'exploitation des droits dérivés ; qu'en 1992, la société Albert Y... a diffusé, pour le compte de la société Total, à titre publicitaire, trois albums intitulés "Astérix, histoires de sports", "Astérix, histoires de voyages", et "Astérix, histoires de pirates", reproduisant des extraits des vingt-cinq albums dont l'édition avait été confiée à la société Dargaud ;
Attendu que la société Albert Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 1996) d'avoir retenu contre elle une contrefaçon pour la diffusion de ces extraits d'albums, au prix d'une dénaturation du contrat du 10 mai 1982, qui autorisait les auteurs à reproduire partiellement les albums édités par Dargaud ; qu'il est encore reproché à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si la diffusion litigieuse ne constituait pas une exploitation dérivée autorisée par le contrat, et d'avoir méconnu les articles L. 122-7 et L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle pour rejeter le moyen selon lequel l'interdiction faite à Dargaud de procéder à une reproduction partielle permettait aux auteurs de réaliser une telle reproduction ;
Mais attendu que, procédant à l'interprétation nécessaire du contrat du 10 mai 1982, la cour d'appel, qui a relevé que les auteurs avaient cédé à la société Dargaud l'exclusivité du droit d'édition graphique des albums "Astérix", a décidé, sans dénaturation, que la société Albert Y..., à qui était réservée l'exploitation des seuls droits dérivés, avait excédé ces droits en réalisant, en vertu d'un contrat publicitaire, des albums qui relevaient, par leur nature, de l'édition graphique, s'agissant de bandes dessinées reproduisant partiellement les albums dont les droits d'éditions avaient été cédés à la société Dargaud ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision, indépendamment des motifs surabondants critiqués par la troisième branche du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Editions Albert Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Dargaud éditeur et de Mlle X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.