AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Anne-Marie Y..., demeurant Le Mas des Z..., ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 mai 1996 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre, section C), au profit de Mlle Aude X..., demeurant Cité universitaire Vert Bois, chambre C 5 20, 192, ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience du 30 septembre 1998, où étaient présents : M. Pierre, conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonctions de président, M. Mucchielli, conseiller référendaire rapporteur, M. Dorly, conseiller, M. Kessous, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Mucchielli, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de Mme Y..., de Me Choucroy, avocat de Mlle X..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 mai 1996) d'avoir condamné Mme Y... à verser à sa fille une pension alimentaire, alors que, selon le moyen, de première part, le maintien de l'obligation des parents d'entretenir et d'éduquer un enfant majeur n'a pas le caractère d'une obligation alimentaire ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 203 du Code civil ; de deuxième part, que l'obligation des parents de contribuer à l'entretien et l'éducation d'un enfant majeur est subordonnée au fait que cet enfant ne puisse pas subvenir lui-même à ses besoins ; qu'en l'espèce, faute d'avoir constaté que Aude X..., qui disposait déjà d'un revenu mensuel de 2 900 francs bien supérieur à la bourse d'Etat maximum de 1 550 francs ainsi que le rappelait la demanderesse dans ses conclusions, ne pouvait pas subvenir, au moins partiellement, à ses besoins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 295 du Code civil ; de troisième part, qu'il appartient à l'enfant majeur qui demande une contribution à son entretien et à son éducation de prouver qu'il ne peut subvenir à ses besoins ; qu'en se bornant à retenir que Mlle X... a chiffré raisonnablement sa demande, au regard de ses besoins, et que le parent doit prouver que les études envisagées ne participent pas de son obligation d'éducation, la cour d'appel qui a méconnu tant la charge que l'objet de la preuve, a violé l'article 1315 du Code civil ; de quatrième part, que le maintien d'une contribution des parents à l'entretien et à l'éducation d'un enfant majeur est subordonné à la preuve, par le demandeur, de la poursuite "d'études justifiées" ; que la seule justification d'une inscription dans une université ne suffit pas à caractériser cette condition ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir que l'on ne peut reprocher à une
personne de 20 ans de ne pas avoir de projet professionnel précis, sans constater que celle-ci avait un quelconque projet ni une quelconque motivation pour poursuivre sérieusement des études, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 295 du Code civil ; de cinquième part, que dans ses conclusions d'appel, la demanderesse faisait valoir que Aude X... avait falsifié ses résultats en géographie, dissimulé ses revenus passés et à venir, ce qui était de nature à priver de tout fondement sa demande de pension ; qu'en outre elle-même ne pouvait faire face au surcoût occasionné par le départ de sa fille, tandis qu'étaient supprimées les allocations familiales et la contribution directe du père ; qu'en négligeant ces moyens déterminants des conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'obligation pour les parents de nourrir, entretenir et élever leurs enfants est de nature alimentaire ; que lorsqu'un parent a été condamné à contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant, il lui incombe, s'il demande la suppression de cette contribution, de rapporter la preuve des circonstances permettant de le décharger de cette contribution ;
Et attendu que l'arrêt retient que Mlle X... n'a pour ressources que les pensions allouées, une aide de la caisse d'allocations familiales et les revenus de sa participation à l'activité d'une colonie de vacances ; qu'elle poursuit des études ; que sa mère est ingénieur et reçoit en plus de son salaire la pension versée pour les autres enfants ; qu'ainsi la cour d'appel a répondu aux conclusions, et souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve et les ressources des parties ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.