AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Maximo, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 mars 1996 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), au profit de M. Jean-Marie B..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 juillet 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Ransac, Bouret, conseillers, Mme Barberot, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boubli, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Maximo, de Me Boullez, avocat de M. B..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 26 mars 1996), que M. B..., qui était salarié depuis 1971 et occupait, en dernier lieu, la fonction de directeur de la logistique, a été licencié par la société Maximo pour faute grave le 10 novembre 1994 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Maximo fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en retenant, pour estimer que la négociation des contrats de véhicules ne relevait pas de la responsabilité de M. B..., que, contrairement aux dispositions de la convention collective, la société Maximo n'avait jamais remis à M. B... de lettre d'engagement définitif ni lors de ses promotions de notes écrites décrivant les fonctions occupées, même si la classification et la rémunération figuraient sur les fiches de paie, bien que les dispositions conventionnelles qu'elle a visées n'exigent pas la remise d'un descriptif des fonctions, la cour d'appel a violé les articles 3 et 5 de l'annexe IV cadres et assimilés de la convention collective nationale des entrepôts d'alimentation du 29 mai 1969 ; alors, d'autre part, qu'en énonçant, toujours pour estimer que M. B... n'avait pas pour attribution de négocier les contrats de location des véhicules et de rechercher le meilleur coût, que celui-ci n'avait signé qu'un nombre infime de contrats de location, soit 8 contrats sur les 161 produits, tous les autres documents étant signés par M. X..., directeur Ouest, M. A..., chef des transports, et M. Z..., directeur du parc auto, sans rechercher si, comme le soutenait la société Maximo dans ses conclusions, M. A... et M. Z..., lorsqu'ils signaient ces contrats de location, étaient placés sous l'autorité hiérarchique et agissait selon les instructions de M. B..., la cour d'appel 1 / n'a pas répondu à ce moyen des conclusions de la société, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2 / en tout état de cause, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-14-3 du Code du travail ; alors, de troisième part, qu'en se fondant, toujours pour dénier que
M. B... ait été responsable de la négociation de la location des véhicules sur ce que l'attestation de M. Z..., énumérant les dates de réunions auxquelles il participait en qualité de subordonné de M. B... pour donner un avis technique, ne précisait pas l'objet de ces réunions et n'établissait pas que M. B... décidait seul des coûts de location et du choix des loueurs de véhicules, alors que M. Z... énonçait expressément dans cette attestation que ces réunions avaient "pour objet les négociations de la location et le contrôle de l'exploitation des véhicules avec les sociétés de location de véhicules ci-après, depuis décembre 1992", la cour d'appel a dénaturé ce document en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, de quatrième part, que si aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre d'un salarié au-delà d'un délai de deux mois, un fait antérieur à deux mois peut être pris en considération dans la mesure où le comportement fautif du salarié s'est poursuivi dans ce délai, ou à l'appui d'une mesure prononcée pour des faits commis dans le délai de deux mois la précédant ; que la cour d'appel qui, tout en relevant que la lettre de licenciement du 10 novembre 1994 reprochait à M. B... d'avoir perduré dans son attitude passive en s'abstenant de rechercher des solutions pour réaliser des économies, énonce, pour refuser d'examiner le grief, que la carence de M. B... était parfaitement connue dès le 5 avril 1994, a violé les articles L. 122-44, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-14-3 du Code du travail ; alors, de cinquième part, qu'il ressort des énonciations claires et précises de la lettre de licenciement du 10 novembre 1994 et du compte-rendu du comité de direction du 5 avril 1994 que les reproches formulés à titre de nouveaux griefs par la société Maximo à M. B... concernaient la flotte "Master Frigo" et non "le parc poids lourds Verdun et Alençon" dont la responsabilité avait été confiée à M. Y... le 5 avril 1994 ; qu'ainsi, la cour d'appel a dénaturé les documents précités, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, en tout état de cause, qu'en énonçant qu'à compter du 5 avril 1994, M. B... ne pouvait plus commettre de faute relative à la gestion du parc de véhicules dont il n'avait plus la responsabilité dès lors qu'à cette date, l'employeur avait annoncé que M. Y... prenait immédiatement la responsabilité totale du parc poids lourds Verdun et Alençon, sans qu'il ressort de ces énonciations que ces véhicules du parc poids lourds Verdun et Alençon dont la responsabilité avait été retirée à M. B... aient inclus la flotte "Master Frigo" à propos de laquelle la lettre de licenciement invoquait des faits nouveaux constitutifs, de la part de M. B..., de nouvelles fautes professionnelles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-14-3 et L. 122-44 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, a constaté que les faits reprochés à M. B... ne relevaient pas de ses fonctions ; qu'elle a pu en déduire que celui-ci n'avait pas commis de faute grave ; qu'en outre, c'est dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail qu'elle a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir condamné la société Maximo à payer à M. B... 111 918,30 francs à titre de préavis et 317 101 francs à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en s'abstenant de rechercher si le salaire perçu par M. B... au cours des 12 derniers mois précédant son départ était afférent à des rémunérations versées à leur échéance normale en contrepartie du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 17 des dispositions générales et 10 de l'annexe IV de la convention collective nationale des entrepôts d'alimentation du 29 mai 1969 ; et alors, d'autre part, en tout état de cause, que la convention collective ne prévoit aucune disposition relative au salaire servant de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis ; qu'en calculant l'indemnité compensatrice de préavis qui serait due à M. B... sur la base du salaire "plein tarif" égal au 1/12e de la rémunération brute perçue par le salarié au cours des 12 derniers mois précédant son départ de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 17 des dispositions communes et les articles 9 et 10 de l'annexe IV cadres et assimilés de la convention collective nationale des entrepôts d'alimentation ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que l'article 17 de la convention collective définit le salaire plein tarif comme étant égal au douzième de la rémunération brute perçue au cours des 12 derniers mois et que l'annexe IV instituait un préavis, la cour d'appel, qui s'est livrée à la recherche prétendument omise en déterminant le montant de l'indemnité revenant au salarié, en a exactement déduit que l'indemnité de préavis devait être calculée sur la base du salaire à plein tarif ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Maximo aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Maximo à payer à M. B... la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.