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22/10/1998 | FRANCE | N°97-82869

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 octobre 1998, 97-82869


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Pierre

- Y... Georges
>contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 3 septembre...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Pierre

- Y... Georges

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 3 septembre 1996, qui, pour escroquerie et présentation de comptes annuels infidèles, les a condamnés, chacun, à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 510 et 592 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la Cour était composée de M. Liberge, conseiller faisant fonctions de président, et MM. Chesneau et Liberge, conseillers ;

"aux motifs que, aux termes de l'article 510 du Code de procédure pénale, la chambre des appels correctionnels est composée d'un président et de deux conseillers ; que la preuve de cette composition doit résulter de l'arrêt à peine de nullité" ;

Attendu que par arrêt du 1er avril 1997, devenu définitif par suite du rejet du pourvoi prononcé par arrêt de ce jour, la cour d'appel a rectifié l'erreur matérielle portant sur la mention de la composition de la juridiction ;

Que le moyen, inopérant, ne peut donc qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 405 du Code pénal, abrogé en vigueur au moment des faits, 313-1 du nouveau Code pénal, 437 de la loi du 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Georges et Pierre Y... coupables des délits de présentation de bilan inexact et escroquerie ;

"aux motifs que les bilans arrêtés au 31 mars 1988 et 1989 comportaient des fraudes à l'actif ; les stocks de produits finis étaient majorés ; le poste effets à recevoir recelait des facturations anticipées et était majoré par une facture purement fictive ;

"et que les manoeuvres frauduleuses consistent en l'espèce en la majoration des stocks, les irrégularités de facturation et les prévisions de chiffres d'affaires ; qu'aux fraudes sur les stocks et les effets à recevoir tels qu'ils ont déjà été examinés dans le cadre de l'infraction aux droits des sociétés, il y a lieu de relever les discordances entre le chiffre d'affaires prévisionnel de la campagne 1989 et celui qui a été réalisé ;

"alors que, en vertu de la règle "non bis in idem", un même fait, autrement qualifié, ne peut servir de base à une double déclaration de culpabilité ; qu'en l'espèce, les faits de fraude sur les stocks et les effets à recevoir, retenus par l'arrêt attaqué comme constitutifs des manoeuvres frauduleuses du délit d'escroquerie, ne pouvaient être également qualifiés de présentation de bilan inexact sans violer les textes et principe susvisés" ;

Attendu que les demandeurs sont sans intérêt à faire grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés pour les mêmes faits des chefs d'escroquerie et de présentation de comptes annuels infidèles, dès lors que ces deux infractions comportent des éléments constitutifs différents et que les juges, conformément aux articles 5 ancien et 132-5 nouveau du Code pénal, n'ont prononcé qu'une seule peine ;

Qu'ainsi, le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 ancien et 313-1 nouveau du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Georges et Pierre Y... coupables du délit d'escroquerie ;

"aux motifs que les manoeuvres frauduleuses consistent en l'espèce en la majoration des stocks, les irrégularités de facturation et les prévisions de chiffre d'affaires ;

que les prévisions communiquées par les prévenus s'élevaient à près de 12 millions de francs ; or, le chiffre réalisé effectivement s'est élevé à 10 millions et demi, soit une différence de 1 million et demi de francs ; que ces manoeuvres ont été déterminantes pour amener les repreneurs à conclure l'acte de cession du 28 août 1989 ;

"alors, d'une part, que, dans leurs conclusions régulièrement reprises en appel, les demandeurs faisaient valoir qu'ils n'avaient pas communiqué de prévisions à la société Remel ; que le document présenté comme comportant de prétendues prévisions est une lettre adressée le 10 juillet 1989 par leur expert- comptable à l'expert-comptable des acquéreurs, faisant état du relevé, en valeur de vente (11 864 000 francs), des commandes déjà passées qu'il fallait livrer aux dates indiquées sur les bons de commande jusqu'au 15 septembre 1989 et mentionnant des réassortiments à facturer en septembre et octobre 1989 pour un montant de 1 000 000 francs pour lesquels il appartenait aux nouveaux dirigeants de prendre des commandes ;

que les demandeurs soulignaient par ailleurs qu'il résultait du rapport de l'expert X... que la facturation réalisée par les établissements Y... de juillet à septembre 1989 correspondait aux chiffres indiqués dans le courrier du 10 juillet 1989 et que les faibles réassortiments postérieurs avaient été provoqués par les carences de gestion de l'acquéreur ;

qu'en omettant de se prononcer sur cette argumentation péremptoire et en retenant, au titre des manoeuvres frauduleuses du délit d'escroquerie, l'existence de prétendues prévisions communiquées par les prévenus, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif ;

"alors, d'autre part, que le délit d'escroquerie suppose que l'emploi des manoeuvres frauduleuses a été déterminant de la remise de la chose ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui constate que les prétendues fraudes à l'actif dans les bilans arrêtés au 31 mars 1988 et 1989 étaient déterminantes à la fois du maintien des concours bancaires et de l'acte de cession du 28 août 1989, a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'escroquerie dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ne saurait être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 ancien et 405 nouveau du Code pénal, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Georges et Pierre Y... coupables des délits de présentation de bilan inexact et escroquerie et les a condamnés solidairement à payer à la SA Remel la somme de 1 625 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que la société Remel, qui a racheté la société
Y...
dans les conditions déjà exposées, est directement victime des faits reprochés aux deux prévenus ; son action recevable est donc fondée ; sa demande à hauteur de la somme déboursée lors de l'achat des actions, soit la demande de 1 625 000 francs, correspond au préjudice subi, et le jugement sera confirmé de ce chef ;

"alors, d'une part, que, selon l'article 2 du Code de procédure pénale, le juge répressif ne peut accorder des réparations civiles que si le préjudice trouve sa source directement dans l'infraction poursuivie ; que l'acquisition à un prix éventuellement surévalué des actions d'une société n'entraîne pas nécessairement une exploitation déficitaire de celle-ci ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que les faits reprochés aux prévenus étaient à l'origine directe du préjudice invoqué par la partie civile sans spécifier en quoi la mise en liquidation judiciaire de la SA établissements Y... découlait directement des délits retenus et alors que les prévenus mettaient en cause les carences de gestion des nouveaux dirigeants, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, que l'appréciation, par les juges du fond, du préjudice causé par l'infraction n'est souveraine qu'autant qu'elle ne procure pas à la victime un profit autre que la stricte réparation du préjudice ; qu'en matière de cession d'entreprise le préjudice subi par la victime d'une escroquerie n'est pas forcément équivalent à la somme déboursée lors de l'achat des actions ; que, dès lors, en se bornant à condamner les prévenus à rembourser la SA Remel du prix de la cession, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés" ;

Attendu qu'après avoir déclaré Georges et Pierre Y... coupables d'escroquerie à l'occasion de la cession par eux des actions de la société
Y...
à la société Remel, les juges retiennent que le préjudice subi par celle-ci résultant directement de l'infraction est égal au montant de la somme par elle déboursée, soit 1 625 000 francs ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation de l'indemnité propre à réparer le dommage causé par le délit dans la limite des demandes des parties, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-82869
Date de la décision : 22/10/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, 03 septembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 oct. 1998, pourvoi n°97-82869


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.82869
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