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22/10/1998 | FRANCE | N°97-81156

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 octobre 1998, 97-81156


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de A... de MASSIAC, les observations de Me Y... et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Yves,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème ch

ambre, du 6 février 1997, qui, pour faux, usage de faux, escroquerie, l'a condamné à 18 ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de A... de MASSIAC, les observations de Me Y... et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Yves,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, du 6 février 1997, qui, pour faux, usage de faux, escroquerie, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende de 30 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 313-1 et suivants, 441-1 et suivants du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 5, 10, 591 à 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Yves B... coupable de faux et usage relativement aux lettres de change d'un montant de 500 000 francs, a retenu la qualification d'escroquerie pour le surplus de la prévention et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'au mois de mars 1994, Yves B..., gérant de la SARL Frega qui connaissait des difficultés de trésorerie, s'est trouvé mis en relation avec Gabriel X..., lequel lui a proposé de lui accorder le prêt de 500 000 francs qu'il recherchait ; qu'à la demande de Gabriel X..., il a remis à celui-ci des traites d'un montant équivalent à celui de ce prêt, tirées sur la société Frega, à échéance de 90 jours, ces effets devant être escomptés par des entreprises disposant d'une ligne d'escompte suffisante, et lui-même devant en recevoir le montant amputé de la commission de Gabriel X... ; que celui-ci a, par la suite, mis à sa disposition une partie des sommes devant faire l'objet de prêt sous forme de traites tirées par des entreprises en relation avec Gabriel X... sur leurs propres clients afin qu'il puisse les faire escompter par la banque de la société Frega, exigeant de sa part la remise en contrepartie de chèques d'un montant égal à un pourcentage compris entre 50 et 70 % de celui de ces traites ; que ces chèques libellés sans indication de bénéficiaire ont été présentés au paiement et rejetés faute de provision, de nouvelles traites étant alors remises à Yves B... pour lui permettre, en les faisant escompter, de créditer le compte social, en contrepartie de quoi les nouveaux chèques ou traites étaient émis sur ce même compte ; que ce système s'est poursuivi jusqu'au mois d'octobre 1994, date de clôture du compte de la société Frega par la banque Hervet, le banquier ayant, en effet, constaté des anomalies dans le fonctionnement de ce compte ; que certaines des lettres de change remises à l'escompte sont en outre revenues impayées, en particulier certaines des traites tirées sur la société Senicorp, dirigée par M. Z... ; (...) que, pour solliciter sa relaxe, Yves B... fait valoir que les délits de

faux et d'usage de faux ne seraient pas constitués, les traites remises par lui à l'escompte ayant été régulièrement émises en contrepartie des prestations réelles et que, par ailleurs, il ne saurait lui être reproché d'avoir accepté des traites tirées sur la société Frega en garantie de remboursement du prêt qui devait lui être accordé, le remboursement d'un emprunt au moyen de lettres de change étant légal, les traites en question ayant été créées sans que les mentions indispensables à leur validité y figurassent, et ayant été payées à leur échéance ; qu'il soutient également que le délit d'escroquerie ne serait pas caractérisé, faute de manoeuvres pour déterminer la banque Hervet à lui remettre des fonds ; qu'il prétend à l'audience qu'un certain nombre des effets ont été escomptés par la banque de sa propre autorité et sans qu'il lui eût donné d'instructions en ce sens ; qu'il est constant que les traites acceptées en blanc par Yves B... au nom de la société Frega n'étaient pas causées, les fonds objet du prêt promis par Gabriel X... n'ayant pas été remis à l'emprunteur ; que le prévenu ne saurait valablement prétendre que la provision devait exister à l'échéance, puisqu'il a postérieurement accepté de nouveaux effets, ou émis des chèques et traites en garantie des sommes qui lui étaient délivrées sous forme de lettres de change ; que tout aussi vainement, il affirme que ces effets seraient dénués de toute valeur en l'absence de mentions substantielles, les indications manquantes étant susceptibles de régularisation et les références du tiré, ainsi que la signature d'acceptation en son nom y figurant ; qu'il importe peu que certains des effets remis par Gabriel X... à Yves B... aient pu être causés, dès lors qu'en échange de ceux-ci, le prévenu acceptait d'émettre des chèques, par nature payables à vue qui, étant présentés au paiement avant l'échéance des traites, absorbaient par avance les fonds devant être versés par le tiré ; qu'Yves B... produit pour justifier cette affirmation selon laquelle il se serait assuré de la réalité des prestations, supports des traites, des lettres qu'il a adressées aux entreprises tirées, afin de leur demander les factures correspondantes ; que, toutefois, ces lettres, datées du mois de juillet 1996, n'établissent pas qu'il avait effectué cette vérification préalablement à la remise à l'escompte et les réponses partielles qu'il produit ne démontrent pas la réalité de la cause de tous ces effets ; qu'en outre, il est constant que ceux-ci n'étaient pas endossés à l'ordre de Frega, conformément au droit cambiaire, mais remis au prévenu sans indication du bénéficiaire, lui-même y apposant le cachet de la société, alors qu'aucune relation commerciale n'existait entre celle-ci et l'émetteur de la traite ; qu'Yves B... n'a pas contesté tout au long de la procédure avoir eu conscience du caractère purement financier des émissions de traites et de chèques auxquelles il a consenti ; qu'il conteste le montant retenu à la prévention des effets remis à l'escompte ; que, toutefois, ce montant de 4 762 167 francs ressort des constatations effectuées sur les relevés de comptes bancaires par les policiers au cours de l'exécution de la commission rogatoire délivrée par le magistrat-instructeur et a été, à juste titre, retenu par les premiers juges ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il a volontairement adhéré au système d'échange d'effets imaginé par

Gabriel X... dans le but de créer, au bénéfice de sa société et au préjudice de sa banque, une trésorerie fictive ;

que ces faits sont constitutifs du délit de faux et d'usage de faux pour l'établissement des lettres de change d'un montant total de 500 000 francs et qu'il convient de retenir le seul délit d'escroquerie pour les faits postérieurs ; (...) que l'instance actuellement pendante devant la cour d'appel de Versailles et au cours de laquelle le prévenu a été condamné par le tribunal de Nanterre à payer à la banque une somme de 683 284 francs représentant le montant des mêmes effets que ceux qui sont invoqués dans la présente procédure, n'a pas le même fondement que celle-ci, la demande de la banque étant formée contre la société Frega et son dirigeant en vertu du droit cambiaire et en leur qualité d'endosseurs des traites ;

que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté l'application de la règle "una via electa" ; qu'il résulte des propres écritures du prévenu devant la cour d'appel de Versailles qu'il disposait bien d'une autorisation d'escompte auprès de la banque Hervet ; qu'il ne peut valablement reprocher à cette banque d'avoir escompté des effets sans être mandaté pour le faire, les remises d'effets étant, d'une part, accompagnées de la rédaction de bordereaux précisant la nature de l'opération et la remise pour encaissement devant au contraire faire l'objet d'une mention d'endos spécifiant la cause de cette remise et, d'autre part, les relevés de comptes laissant apparaître sans équivoque les opérations d'escompte ; que le prévenu n'établit pas la preuve de l'irrégularité des effets qu'il invoque ; que le jugement dont appel a accordé à titre de dommages-intérêts à la banque Hervet le montant des effets demeurés impayés et visés dans la procédure, soit au total 683 284 francs ; que, relativement à l'un de ces effets, tiré sur la société Senicorp, Yves B... fait, en outre, valoir qu'elle aurait été provisionnée, M. Z... ayant déclaré au cours de la procédure avoir reçu de Gabriel X... une somme de 515 900 francs ; que cet argument ne saurait résister au rappel des circonstances dans lesquelles cet effet a été émis, ni à celui des déclarations de M. Z... selon lesquelles il n'avait jamais eu l'intention d'honorer les effets qu'il confiait à Gabriel X... ; que le recours exercé par la banque contre le tiré ne fait pas disparaître la responsabilité d'Yves B..., bénéficiaire de l'escompte ; que le jugement sera donc également confirmé en ses dispositions civiles ;

"alors que, d'une part, à défaut d'avoir constaté que les traites escomptées qui lui avaient été remises par Gabriel X... fussent en elles-mêmes des traites fictives, la cour d'appel n'a pu légalement retenir la culpabilité d'Yves B... du chef d'usage de faux ;

"alors que, d'autre part, en l'état du paiement par Yves B... des chèques de garantie remis à Gabriel X... et du détournement par ce dernier des effets qui ne lui avaient été remis qu'à titre de garantie et qui ne constituaient pas des lettres de change, la cour d'appel ne pouvait, sans s'en expliquer davantage, retenir la culpabilité du demandeur du chef de faux ;

"alors que, de troisième part, à défaut d'avoir relevé du chef d'Yves B... une quelconque participation aux agissements de Gabriel X... pour déterminer la banque à lui remettre des sommes indues dans le cadre de manoeuvres frauduleuses, la cour d'appel a privé sa décision de motifs sur la prévention subsistante tirée de l'escroquerie ;

"alors que, de quatrième part, l'action de la banque tendant à obtenir le paiement des traites impayées devant le juge civil interdit à celle-ci de solliciter le remboursement desdites traites devant le juge répressif ; que la règle "una via electa" s'opposait ici à l'action de la banque qui tendait aux mêmes fins ;

"alors, enfin, que la Cour a délaissé les conclusions subsidiaires d'Yves B... sur les manquements propres de la banque et la liquidation de son préjudice allégué" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer qu'après avoir répondu, comme elle le devait, aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel, sans méconnaître les dispositions de l'article 5 du Code de procédure pénale, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs les délits dont elle a reconnu le prévenu coupable et justifié l'allocation de dommages-intérêts à la victime ;

Que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et de l'indemnisation propre à réparer le préjudice résultant directement de l'infraction poursuivie, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. de Mordant de Massiac conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-81156
Date de la décision : 22/10/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 février 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 oct. 1998, pourvoi n°97-81156


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.81156
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