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21/10/1998 | FRANCE | N°97-84055

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 octobre 1998, 97-84055


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- E... Antoine,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX

-EN-PROVENCE, 5ème chambre , du 14 mai 1997 qui, pour escroqueries, l'a condamné à 1 an...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- E... Antoine,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre , du 14 mai 1997 qui, pour escroqueries, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 25 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 43 de la Convention Franco-Monégasque sur la sécurité sociale du 28 février 1952, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'escroquerie au motif que Antoine E... a obtenu par des manoeuvres frauduleuses le paiement de transport non remboursable en éludant l'application de la Convention Franco-Monégasque ; qu'en effet, si cette Convention stipule en son article 9 que les prestations prévues par la législation française des assurances sociales peuvent être servies sur le territoire de la Principauté, elle limite le service de ces prestations aux conditions fixées aux articles 10, 11 et 12, lesquels ne prévoient pas la prise en charge des frais de transport des malades ;

"alors qu'aux termes de l'article 43 de la Convention Franco-Monégasque sur la sécurité sociale du 28 février 1952, régulièrement ratifiée par la France, "les difficultés relatives à l'interprétation ou à l'application de la présente Convention sont réglées par une commission mixte, composée des représentants des Administrations intéressées de chaque Etat, qui se réunira à Paris ou à Monaco" ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour, le demandeur faisait valoir que ladite Convention n'excluait pas de son champ d'application la prise en charge des frais de transports sanitaires prévus par la législation française et que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes-Maritimes était tenue au remboursement des transports effectués entre la France et la Principauté de Monaco ; qu'en effet, l'article 2 de la Convention, en son paragraphe 1-1 , stipule que la Convention s'applique à la législation française fixant l'organisation de la sécurité sociale et à la législation générale fixant le régime des assurances sociales maladie ; que le paragraphe 3 dudit article précise que la Convention "s'appliquera également à tous les actes législatifs ou réglementaires qui ont modifié, ou complété, ou qui modifieront ou compléteront les législations énumérées du paragraphe 1er du présent article" et qu'en conséquence, la Convention n'exclut nullement de son champ d'application les prestations en nature de

transports sanitaires qui sont prévues pour ce qui concerne leur prise en charge par l'article L.322-5 du Code de la sécurité sociale, c'est-à-dire par des textes postérieurs à la ratification de la Convention ; que, dans la mesure où se posait un problème d'interprétation de la Convention nécessaire à la solution du litige à propos du remboursement d'un type de prestations non prévues par les parties contractantes mais non exclues par elles, la cour d'appel devait, d'office, surseoir à statuer et saisir la Commission mixte tant en application de la Convention qu'en application de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, et qu'en omettant d'y procéder, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;

"alors que toute Convention internationale forme un tout, et que ses diverses clauses doivent être interprétées les unes par les autres ; que l'article 2 de la Convention prévoit une évolution de celle-ci et permet d'inclure aujourd'hui des prestations nouvelles telles que les frais de transports des malades sur le territoire de la Principauté, frais non prévus à l'origine, et qu'en restreignant délibérément la notion de prise en charge aux conditions fixées initialement par les articles 10, 11 et 12 de la Convention Franco-Monégasque, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, ainsi que le sens et la portée de la Convention prise dans son ensemble" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L.377-1 du Code de la sécurité sociale, 2 et 9 de la Convention Franco-Monégasque sur la sécurité sociale du 28 février 1952, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine E... coupable d'escroquerie, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et 25 000 francs d'amende ;

"au motif que l'examen des dossiers des assurés sociaux versés par la plaignante établit suffisamment les manoeuvres frauduleuses dont s'est rendu coupable le prévenu et qui ont déterminé la Caisse à lui verser des prestations indues en totalité ou en partie et qu'en faisant parvenir à la Caisse des dossiers comportant des prescriptions médicales falsifiées par ratures ou surcharges ou bien des facturations fausses ou inexactes, et en faisant certifier de l'exactitude des mentions portées sur la facture par la fausse signature de la personne transportée ou de son représentant, le prévenu, qui a ainsi déterminé la Caisse à lui verser des prestations indues, s'est donc rendu coupable des manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie ;

"et aux motifs qu'en falsifiant au niveau des mentions réservées au médecin prescripteur concernant le point de prise en charge du malade, Antoine E... a obtenu le paiement de transports non remboursables, en éludant l'application de la Convention Franco-Monégasque ; qu'en effet, si cette Convention stipule en son article 9 que les prestations prévues par la législation française des assurances sociales peuvent être servies sur le territoire de la Principauté, elle limite le service de ces prestations aux conditions fixées aux articles 10, 11 et 12, lesquelles ne prévoient pas la prise en charge des frais de transport des malades ;

"alors que les juges correctionnels ont le devoir de restituer à la poursuite sa qualification véritable ; qu'aux termes de l'article L.377-1 du Code de la sécurité sociale "est passible d'une amende de 360 à 20 000 francs quiconque se rend coupable de fraude ou de fausses déclarations pour obtenir ou faire obtenir ou tenter de faire obtenir des prestations qui ne sont pas dues", et qu'en l'état des motifs de l'arrêt, d'où il résulte que les faits qui étaient déférés à la cour d'appel sous la qualification d'escroquerie constituaient en réalité le délit défini par le texte susvisé, celle-ci ne pouvait sans méconnaître ses pouvoirs s'abstenir de donner aux faits déférés leur véritable qualification ;

"alors que l'infraction prévue à l'article L.377-1 du Code de la sécurité sociale n'est constituée qu'autant que la fraude ou les fausses déclarations ont été faites en vue d'obtenir ou de faire obtenir des prestations qui n'étaient pas dues ; qu'il résulte des articles 2 et 3 de la Convention Franco-Monégasque sur la sécurité sociale du 28 février 1952 que les frais de transport sanitaire prévus par l'article L.322-5 du Code de la sécurité sociale engagés sur le territoire de la Principauté doivent être pris en charge par la sécurité sociale, et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse interprétation la Convention précitée" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine E... coupable d'escroquerie, en répression l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis outre 25 000 francs d'amende et l'a condamné à payer à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 80 740,87 francs à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que s'est révélée incontestable puisque ressortant de la simple vérification des dossiers transmis à la Caisse par le prévenu, la fraude résultant de la réalisation de transports groupés mais facturés à chaque malade sans application du taux d'abattement, la facturation du même équipage à des lieux différents à la même heure, la facturation de péages d'autoroute accompagnée de justificatifs ne correspondant pas aux dates des transports, la mention d'un trajet inexact, ou même la facturation de transports non effectués ;

"alors que de simples mensonges, même écrits, ne sauraient en eux-mêmes et en l'absence de toute autre circonstance constituer les manoeuvres frauduleuses, éléments nécessaires du délit d'escroquerie" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine E... coupable d'escroquerie, et en répression l'a condamné à verser à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 80 740,87 francs à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs qu'en faisant parvenir à la Caisse des dossiers comportant des prescriptions médicales falsifiées par rature ou surcharge ou bien des facturations fausses ou inexactes et en faisant certifier de l'exactitude des mentions portées sur la facture par la fausse signature de la personne transportée ou de son représentant, le prévenu, qui a ainsi déterminé la Caisse à lui verser des prestations indues, s'est donc rendu coupable des manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie ; que dans ses écritures, le conseil du prévenu se contente pour chaque dossier examiné d'affirmer la sincérité des facturations, ce qui est contredit tant par les témoignages recueillis que les vérifications effectuées, ou de mettre en doute les capacités intellectuelles des personnes entendues, ce qui relève de sa seule appréciation personnelle ;

"alors que les juges doivent, ne serait-ce que pour les écarter, répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; que dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Antoine E... soutenait que, pour entrer en voie de condamnation à son encontre, il convenait que soit établi pour chacun des dossiers, l'ensemble des éléments constitutifs du délit d'escroquerie ; que pour chaque dossier, à savoir les dossiers de M. Z..., de Mme X..., de M. A..., du jeune Blanchi, de Mme C..., de M. D..., de Mme B... et de M. Y..., Antoine E... invoquait une argumentation spécifique mettant en évidence tant l'absence de manoeuvres frauduleuses, que le caractère non déterminant des prétendues manoeuvres, que l'absence de préjudice de la CPAM, et qu'en se bornant à faire état globalement des "vérifications effectuées" sans autre précision, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision" ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles L.377-1 du Code de la sécurité sociale, 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine E... coupable d'escroquerie et l'a condamné à payer à la Caisse Primaire d'Assurances Maladie des Alpes-Maritimes la somme de 80 740,87 francs à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice résultant directement de l'infraction pour la partie civile et que la CPAM chiffrait son préjudice à la somme de 80 126,73 francs ;

"alors que le préjudice en matière d'escroquerie résulte du montant des sommes remises et du caractère indu de ces sommes et que l'arrêt qui, abstraction faite de la circonstance par ailleurs amplement démontrée du caractère "dû" des sommes remises n'a pas, autrement que par des motifs insuffisants, constaté le montant des sommes remises, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions des articles 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du Code pénal, des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;

"alors que si les juges de la répression apprécient souverainement dans les limites des conclusions de la partie civile le montant des dommages-intérêts attribués à celle-ci en réparation du préjudice résultant pour elle de l'infraction constatée, c'est à la condition qu'ils fondent leur décision sur l'importance réelle de ce dommage et qu'en ne s'expliquant pas sur l'importance réelle du préjudice subi par la CPAM, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

"alors, enfin, qu'en ne s'expliquant pas comme elle y était invitée par les conclusions du demandeur sur le préjudice réellement subi par la CPAM pour chacun des dossiers litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'escroqueries dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;

D'où il suit que les moyens, irrecevables en ce qu'ils invoquent, pour la première fois devant la Cour de Cassation, une exception préjudicielle relative à l'interprétation de la convention franco-monégasque sur la sécurité sociale du 28 février 1952, et se bornant, pour le surplus, à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Roman conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Grapinet, Mistral, Blondet, Ruyssen, Mme Mazars conseillers de la chambre, Mme Ferrari, M. Sassoust conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-84055
Date de la décision : 21/10/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, 14 mai 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 oct. 1998, pourvoi n°97-84055


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.84055
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