AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Z... Michel,
- Y... Jean-Louis, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 23 juin 1997, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée pour violation de domicile, a déclaré irrecevable leur appel de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 6 , du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1832 et suivants du Code civil, 1er de la loi n 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux société civiles professionnelles, 93 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, 1er, 2, 3, 4, 41, 42 et 43 du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 pris de l'application à la profession d'avocat de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, 89, 183, 186, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable comme hors délai l'appel formé par les parties civiles à l'encontre de l'ordonnance de non-lieu du magistrat instructeur ;
"aux motifs que, par lettres recommandées du 4 avril 1997, copie de l'ordonnance critiquée a été adressée aux parties civiles et à leur avocat ; qu'il s'ensuit que les appels interjetés le 15 avril 1997, réguliers en la forme, sont irrecevables comme tardifs, le délai de 10 jours ayant expiré le lundi 14 avril à 24 heures ;
"1 ) alors que si la notification d'acte à partie, réalisée par l'expédition de la lettre recommandée fait courir le délai d'appel à l'encontre des ordonnances du juge d'instruction en application de l'article 186 du Code de procédure pénale, c'est à la condition que cette notification soit régulière au regard des dispositions de l'article 183 de ce Code ; que l'alinéa 2 de l'article 89 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à déclarer soit une adresse personnelle, soit avec l'accord de celui-ci, qui peut être recueilli par tout moyen, celle d'un tiers chargé de recevoir les actes qui lui sont destinés ; que la partie civile a la faculté d'élire domicile au cabinet d'une société civile professionnelle d'avocats ; qu'une telle société civile professionnelle est régie tant par les dispositions du Code civil que par les dispositions de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat et du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ; qu'il résulte des dispositions combinées de ces textes que les sociétés civiles professionnelles d'avocats ont la personnalité morale et ont pour objet l'exercice en commun de la profession d'avocat ; qu'à ce titre, elles sont inscrites au tableau de l'Ordre et que leurs associés ne peuvent exercer leurs fonctions à titre individuel ; que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que, dans leur plainte avec constitution de partie civile, Michel Z... et Jean-Louis Y... ont régulièrement élu domicile au cabinet de la société civile professionnelle Bodin-Lucet-Genty-de Lylle, avocat au Barreau de Paris ; que cependant, il résulte tant des mentions portées sur l'ordonnance de non-lieu par le greffier que des mentions des récépissés de dépôt des lettres recommandées adressées par les soins de celui-ci le 4 avril 1997 que lesdites lettres ont été adressées respectivement à "Maître X..." et au "cabinet de Maître
X...
" au lieu d'être adressées à la société civile professionnelle précitée ;
qu'en cet état, la notification ne peut être considérée comme faite conformément aux dispositions de l'article 183 du Code de procédure pénale et des textes susvisés ;
"2 ) alors qu'en application du principe de sécurité juridique, élément essentiel du procès équitable au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout acte de notification faisant courir un délai doit être libellé clairement et comporter toutes les mentions nécessaires à sa régularité et que, dès lors, la circonstance qu'une domiciliation inexacte ait été utilisée dans la notification s'oppose à ce que le délai d'appel ait pu courir à l'encontre des parties civiles" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans leur plainte avec constitution de partie civile, portée contre personne non dénommée pour violation de domicile, Michel Z... et Jean-Louis Y... ont déclaré élire domicile au cabinet de la société civile professionnelle d'avocats Bodin-Lucet-Genty-de Lylle, inscrite au barreau de Paris où elle a son siège, 15, place de la Madeleine ; que, le 4 avril 1997, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, notifiée le même jour à "Me X..." ainsi qu'aux parties civiles, à l'adresse précitée, selon les modalités prévues par l'article 183 du Code de procédure pénale ; que cet avocat a interjeté appel de la décision le 15 avril ;
Attendu que, pour déclarer ce recours irrecevable comme tardif, la chambre d'accusation se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'irrégularité alléguée, affectant la notification de l'acte, n'était pas de nature à mettre les parties civiles ou leur conseil dans l'impossibilité d'interjeter appel dans le délai légal, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs invoqués ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Milleville, Joly, Mmes Simon, Anzani conseillers de la chambre, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;