AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Coopérative agricole laitière d'approvisionnement de la région d'Aurillac (CALARA), dont le siège est à Bedoussac, 15330 Saint-Mamet,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 juin 1996 par la cour d'appel de Riom (1re chambre), au profit de M. Georges X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 juillet 1998, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Marc, conseiller rapporteur, M. Fouret, Mme Delaroche, MM. Sargos, Aubert, Cottin, Bouscharain, conseillers, Mmes Verdun, Catry, conseillers référendaires, M. Roehrich, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Marc, conseiller, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de la Coopérative agricole laitière d'approvisionnement de la région d'Aurillac (CALARA), de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de M. X..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., adhérent de la Coopérative agricole laitière d'approvisionnement de la région d'Aurillac (CALARA), ayant cessé, avant l'expiration de sa période d'engagement, de lui livrer la production de lait de son exploitation, a été assigné par cette coopérative en paiement de pénalités prévues par les statuts et de dommages-intérêts ; qu'il s'est opposé à cette demande et a sollicité reconventionnellement le remboursement de ses parts sociales en invoquant, d'une part, la nullité de son engagement, pour déséquilibre économique et social entre les parties, et, d'autre part, la nullité des statuts de la CALARA pour violation de l'article 85, paragraphe 1, du Traité instituant la Communauté économique européenne ; que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de la CALARA ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 du Code civil et R. 522-3 du Code rural ;
Attendu que l'adhésion à la coopérative entraîne, pour l'associé coopérateur, l'engagement d'utiliser les services de la coopérative, soit pour la totalité, soit pour une partie des opérations pouvant être effectuées par son intermédiaire, les statuts de chaque coopérative fixant la nature, la durée et les modalités de cet engagement, ainsi que les sanctions applicables en cas d'inexécution ;
Attendu que pour rejeter la demande de la CALARA, l'arrêt attaqué retient que le contrat de coopération par elle invoqué est inexistant ; qu'il relève, à cet effet, que la CALARA, qui "subit" des statuts conformes à un arrêté ministériel, ne peut que les proposer en bloc aux producteurs de lait, sans y apporter de modification, et que l'agriculteur ne peut qu'adhérer ou s'abstenir de contracter ; qu'il en déduit que, malgré l'adhésion formelle du coopérateur, l'échange des volontés sur les clauses du contrat n'a pu intervenir ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'en donnant son adhésion à des statuts reproduisant les statuts-types obligatoires, le candidat coopérateur consent aux conditions qui lui sont offertes par la coopérative, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la CALARA, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que M. X... avait invoqué l'article 85 du Traité instituant la Communauté économique européenne, énonce que l'amoncellement de pénalités de retard, de dommages-intérêts, d'obligations de livrer et autres, brandi comme un droit par la CALARA... est en contradiction directe avec l'arrêt Oude Luttikhuis rendu le 12 décembre 1995 par la Cour de justice des communautés européennes ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par voie de simple référence à une décision rendue dans une autre cause et sans indiquer en quoi les clauses statutaires invoquées par la CALARA étaient incompatibles avec le texte précité, la cour d'appel n'a pas donné de motif à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la CALARA, l'arrêt rendu le 20 juin 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.