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15/10/1998 | FRANCE | N°97-80757

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 octobre 1998, 97-80757


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- A... Wilfrid,

- A... Marc,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 1997, qui a condamné le premier, p

our abus de biens sociaux, banqueroute et escroquerie, à 12 mois d'emprisonnement avec sur...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- A... Wilfrid,

- A... Marc,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 1997, qui a condamné le premier, pour abus de biens sociaux, banqueroute et escroquerie, à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d'amende et 10 ans de faillite personnelle, le second, pour abus de biens sociaux et banqueroute, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 francs d'amende et 5 ans de faillite personnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires ampliatifs produits ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Wilfrid A... et pris de la violation des articles 425 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 111-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Wilfrid A... coupable d'abus de biens sociaux et l'a condamné, en répression, à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d'amende et 10 ans de faillite personnelle ;

"aux motifs, tout d'abord, que Wilfrid A... et Louis Y... bénéficiaient respectivement d'un salaire brut de 22 000 francs et 18 000 francs par mois ; qu'en outre, Wilfrid A... bénéficiait d'un véhicule de fonction et de la prise en charge de ses notes de restaurant ; que le montant de ces avantages annexes peut être évalué à 8 000 francs par mois ; que ces avantages, dont les précédents dirigeants ne bénéficiaient pas, apparaissent excessifs si ont les rapporte à la situation financière de l'entreprise qui connaissait des pertes s'élevant à 419 161 francs au 31 décembre 1989 ; que le train de vie de Wilfrid A..., financé par les ressources de la société, le salaire alloué à Louis Y..., ne peuvent dans ces conditions qu'apparaître excessifs, contraires à l'intérêt social, les rémunérations et les avantages étant manifestement disproportionnés avec le travail fourni ; que la mauvaise foi des dirigeants est établie par le fait qu'ils n'ignoraient pas le très grave état financier de la société ;

"alors que, premièrement, le point de savoir si la rémunération et les avantages alloués à un dirigeant sont constitutifs d'un abus de biens sociaux suppose une disproportion entre le coût de la rémunération et des avantages, d'une part, l'importance et la qualité des prestations fournies par le dirigeant dans le cadre de son activité au sein de l'entreprise, d'autre part ;

qu'en retenant un abus de biens sociaux, sans aucunement s'expliquer sur l'activité déployée au sein de l'entreprise, ni sous l'angle de son importance, ni sous l'angle de sa qualité, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"alors que, deuxièmement, lorsque les rémunérations et les avantages découlent d'un contrat de travail, le juge doit en tout état de cause procéder à un rapprochement entre les rémunérations et les avantages, d'un côté, la situation financière de la société, d'un autre côté, en se plaçant à la date à laquelle le contrat de travail est conclu ; qu'en l'espèce, en s'attachant à la situation financière de la société à des dates comprises entre le 31 septembre 1989 et le 31 décembre 1989, sans rechercher à quelle date les contrats de travail d'où découlaient les salaires et avantages tenus pour excessifs avaient été conclus (juin 1989), les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des règles susvisés ;

"alors que, troisièmement, il n'a pas été constaté en quoi Wilfrid et Marc A... auraient été personnellement intéressés à ce que Louis Y... reçoive les rémunérations et avantages dont il bénéficiait ; qu'à cet égard encore, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"aux motifs, ensuite, que le salaire de M. X... n'a jamais été refacturé à la société SEFMA, bien que l'activité de ce dernier consistait à mettre en place une idée de production au profit de la société SEFMA dans laquelle Wilfrid et Marc A... avaient des intérêts, l'opération se soldant par un accroissement de charges supporté par la société VMI sans aucune contrepartie ;

"alors que, quatrièmement, quand bien même le salaire et les charges afférents à M. X... n'auraient pas été refacturés, de toute façon, l'abus de biens sociaux était exclu dès lors que la société VMI disposait d'une créance correspondant à ce coût à l'encontre de la société SEFMA ; qu'en omettant de rechercher si tel n'était pas le cas en l'espèce, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"alors que, cinquièmement, s'agissant de sociétés appartenant à un même groupe, l'abus de biens sociaux peut être exclu, dès lors que l'opération répond à l'intérêt du groupe ; qu'en omettant de rechercher, au cas d'espèce, si la société VMI et la société SEFMA n'appartenaient pas au même groupe et si, dès lors, la légalité de l'opération ne devait pas faire l'objet d'une appréciation dans le cadre du groupe, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"et aux motifs, enfin, que Wilfrid et Marc A... ont fait acquérir par la société VMI, auprès de la SARL A... Conseil, une machine à traitement de texte, pour un montant de 10 614,70 francs, alors que cette dernière l'avait achetée pour 8 458 francs quelques jours auparavant ; que l'intervention de Serizay Conseil n'a eu d'autre utilité que de permettre à celle-ci de réaliser un bénéfice ;

"alors que, sixièmement, il n'a pas été constaté que Wilfrid et Marc A... aient été intéressés à l'activité de la société Serizay Conseil ; que, de ce premier point de vue, l'arrêt est insuffisant au regard des règles susvisées ;

"et alors que, septièmement, l'achat et la revente, avec prise de bénéfice, constituent un acte licite ; que l'abus de biens sociaux aurait supposé, au cas d'espèce, qu'il soit constaté que la société VMI a procédé à une acquisition dans des conditions portant atteinte à ses intérêts, notamment pour avoir acquis la machine à un prix ne correspondant pas à sa valeur, ou supérieur au prix du marché ; que, faute d'avoir constaté que tel était le cas en l'espèce, les juges du fond ont à nouveau entaché leur décision d'une insuffisance de motifs au regard des règles susvisées" ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Marc A... et pris de la violation des articles 425 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 111-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marc A... coupable d'abus de biens sociaux et l'a condamné, en répression, à 5 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 francs d'amende, outre une faillite personnelle pendant 5 ans ;

"aux motifs, tout d'abord, que Wilfrid A... et Louis Y... bénéficiaient respectivement d'un salaire brut de 22 000 francs et 18 000 francs par mois ; qu'en outre, Wilfrid A... bénéficiait d'un véhicule de fonction et de la prise en charge de ses notes de restaurant ; que le montant de ces avantages annexes peut être évalué à 8 000 francs par mois ; que ces avantages, dont les précédents dirigeants ne bénéficiaient pas, apparaissent excessifs si on les rapporte à la situation financière de l'entreprise qui connaissait des pertes s'élevant à 419 161 francs au 31 septembre 1989, 673 354 francs au 31 octobre 1989, 2 588 952 francs au 31 décembre 1989 ; que le train de vie de Wilfrid A..., financé par les ressources de la société, le salaire alloué à Louis Y... ne peuvent dans ces conditions qu'apparaître excessifs, contraires à l'intérêt social, les rémunérations et les avantages étant manifestement disproportionnés avec le travail fourni ; que la mauvaise foi des dirigeants est établie par le fait qu'ils n'ignoraient pas le très grave état financier de la société ;

"alors que, premièrement, le point de savoir si la rémunération et les avantages alloués à un dirigeant sont constitutifs d'un abus de biens sociaux suppose une disproportion entre le coût de la rémunération et des avantages, d'une part, l'importance et la qualité des prestations fournies par le dirigeant dans le cadre de son activité au sein de l'entreprise, d'autre part ;

qu'en retenant un abus de biens sociaux, sans aucunement s'expliquer sur l'activité déployée au sein de l'entreprise, ni sous l'angle de son importance, ni sous l'angle de sa qualité, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"alors que, deuxièmement, lorsque les rémunérations et les avantages découlent d'un contrat de travail, le juge doit en tout état de cause procéder à un rapprochement entre les rémunérations et les avantages d'un côté, la situation financière de la société, d'un autre côté, en se plaçant à la date à laquelle le contrat de travail est conclu ; qu'en l'espèce, en s'attachant à la situation financière de la société à des dates comprises entre le 31 septembre 1989 et le 31 décembre 1989, sans rechercher à quelle date les contrats de travail d'où découlaient les salaires et avantages tenus pour excessifs avaient été conclus (juin 1989), les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"alors que, troisièmement, il n'a pas été constaté en quoi Wilfrid et Marc A... auraient été personnellement intéressés à ce que Louis Y... reçoive les rémunérations et avantages dont il bénéficiait ; qu'à cet égard encore, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"alors que, quatrièmement, et en tout cas, le contrat de travail de Wilfrid A..., dont procèdent les rémunérations et avantages critiqués, et le contrat de travail de Louis Y..., dont procèdent également les rémunérations et avantages critiqués, avaient été conclus antérieurement au 5 juillet 1989, date à laquelle Marc A... a été nommé gérant ; qu'en s'abstenant de rechercher, en dépit de l'invitation qui résultait de ses conclusions d'appel, si du fait de cette chronologie, les rémunérations et avantages visés à la prévention pouvaient ou non lui être imputés, les juges du fond, qui n'ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"aux motifs, ensuite, que le salaire de M. X... n'a jamais été refacturé à la société SEFMA, bien que l'activité de ce dernier consistait à mettre en place une idée de production au profit de la société SEFMA dans laquelle Wilfrid et Marc A... avaient des intérêts, l'opération se soldant par un accroissement de charges supporté par la société VMI sans aucune contrepartie ;

"alors que cinquièmement, quand bien même le salaire et les charges afférents à M. X... n'auraient pas été refacturés, de toute façon, l'abus de biens sociaux était exclu dès lors que la société VMI disposait d'une créance correspondant à ce coût à l'encontre de la société SEFMA ; qu'en omettant de rechercher si tel n'était pas le cas en l'espèce, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"alors que, sixièmement, s'agissant de sociétés appartenant à un même groupe, l'abus de biens sociaux peut être exclu, dès lors que l'opération répond à l'intérêt du groupe ; qu'en omettant de rechercher, au cas d'espèce, si la société VMI et la société SEFMA n'appartenaient pas au même groupe et si, dès lors, la légalité de l'opération ne devait pas faire l'objet d'une appréciation dans le cadre du groupe, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées ;

"et aux motifs, enfin, que Wilfrid et Marc A... ont fait acquérir par la société VMI, auprès de la SARL A... Conseil, une machine à traitement de texte, pour un montant de 10 614,70 francs, alors que cette dernière l'avait achetée pour 8 458 francs quelques jours auparavant ; que l'intervention de Serizay Conseil n'a eu d'autre utilité que de permettre à celle-ci de réaliser un bénéfice ;

"alors que, septièmement, il n'a pas été constaté que Wilfrid et Marc A... aient été intéressés à l'activité de la société Serizay Conseil ; que, de ce premier point de vue, l'arrêt est insuffisant au regard des règles susvisées ;

"et alors que, huitièmement, l'achat et la revente, avec prise de bénéfice, constituent un acte licite ; que l'abus de biens sociaux aurait supposé, au cas d'espèce, qu'il soit constaté que la société VMI a procédé à une acquisition dans des conditions portant atteinte à ses intérêts, notamment pour avoir acquis la machine à un prix ne correspondant pas à sa valeur, ou supérieur au prix du marché ; que, faute d'avoir constaté que tel était le cas en l'espèce, les juges du fond ont à nouveau entaché leur décision d'une insuffisance de motifs au regard des règles susvisées" ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Wilfrid A... et pris de la violation des articles 405 du Code pénal ancien, 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Wilfrid A... coupable d'escroquerie, l'a condamné, en répression, à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d'amende et 10 ans de faillite personnelle et l'a condamné, sur les intérêts civils, à payer une indemnité de 507 137,84 francs à la SNVB ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que lors de la liquidation judiciaire de la société VMI, la SNVB a produit une créance de 1 051 147,63 francs au titre des "avances loi Dailly" ; que Wilfrid A... était chargé de la mobilisation auprès de la banque des factures établies sur avancement de travaux ; que les factures fourmillent d'erreurs d'estimation et des constats d'huissier établissent la non-exécution des travaux pourtant portés sur les factures comme effectués ; qu'ainsi, pour la société SPI Batignolles, seuls 25 000 francs de travaux facturés étaient justifiés sur un montant de 650 000 francs facturés et cédés à la SNVB ; que Wilfrid A... a été alerté par M. Z... sur l'existence de cette surestimation ; que, soucieux de procurer des fonds à l'entreprise, qu'il savait être dans une situation financière très difficile, il a transmis à la SNVB des factures qu'il savait maquillées ; qu'il ne peut prétendre avoir été trompé par Louis Y... dès lors que son rôle de gérant lui conférait l'obligation de surveiller l'activité de son collaborateur et de s'assurer de la conformité des mentions inscrites sur les factures avec la réalité ; qu'ainsi, le délit d'escroquerie est constitué ;

"alors que la production d'écrits, dont le prévenu est l'auteur, tels que des mémoires ou factures, ne peut caractériser une escroquerie que si elle s'accompagne de faits extérieurs à la confection et à la production de l'écrit, révélateurs de manoeuvres, comme ayant accrédité l'exactitude des mentions portées sur l'écrit et déterminé la remise ; qu'en l'espèce, les juges du fond se sont bornés à faire état de la production d'écrits émanant de la société VMI dont Wilfrid A... a été déclaré gérant de fait ; que, contrairement à ce qui leur était formellement demandé, les juges du fond n'ont pas recherché avant de retenir l'escroquerie, si la production des écrits s'était accompagnée de faits extérieurs pouvant révéler des manoeuvres ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué est entaché d'une insuffisance de motifs au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'abus de biens sociaux et d'escroquerie dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Wilfrid A... et pris de la violation des articles 196 et 197 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, 111-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Wilfrid A... coupable de banqueroute simple, par tenue de comptabilité fictive et l'a condamné, en répression, à 12 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d'amende et 10 ans de faillite personnelle ;

"aux motifs que la société VMI recourait à des travailleurs temporaires ; que les factures correspondant à ces prestations n'ont pas été enregistrées en comptabilité faussant ainsi les résultats réels de l'entreprise ; que, dans un premier temps, Wilfrid A... a reconnu qu'il avait demandé à Louis Y... de ne pas comptabiliser un lot de factures afin de présenter un bilan équilibré et d'avoir une crédibilité auprès des banques ; qu'il s'est rétracté par la suite ; que, cependant, les premières déclarations de Wilfrid A... sont conformes aux déclarations de Louis Y... ;

que le tribunal ne peut admettre que des sommes aussi considérables aient pu être dissimulées sans la participation active des deux principaux dirigeants dont le rôle consistait à se tenir au courant de l'évolution financière de l'entreprise, et alors que le recours massif à l'emploi de travailleurs temporaires avait été décidé par eux-mêmes ;

"alors que la banqueroute simple, liée à la tenue de la comptabilité, ne peut être retenue qu'en cas d'absence de comptabilité ou en cas de comptabilité fictive ; que le principe de l'interprétation stricte des lois pénales exclut que la banqueroute simple puisse être retenue en cas de comptabilité simplement irrégulière ; que, si la comptabilité est certainement fictive, si elle comporte l'inscription d'encaissements ou de charges ne correspondant pas à la réalité, elle est, en revanche, simplement irrégulière si les charges sont omises ; qu'en s'abstenant de rechercher, au cas d'espèce, si l'omission de porter les charges relatives au travail temporaire ne caractérisait pas des irrégularités comptables, et non l'existence d'une comptabilité fictive, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Et sur le second moyen de cassation, proposé pour Marc A... et pris de la violation des articles 196 et 197 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, 111-4 du Code pénal, défaut de motifs ;

"en ce que Marc A... a été déclaré coupable de banqueroute simple et a été condamné, en répression, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 francs d'amende, outre une faillite personnelle pendant 5 ans ;

"aux motifs que la société VMI recourait à des travailleurs temporaires ; que les factures correspondant à ces prestations n'ont pas été enregistrées en comptabilité faussant ainsi les résultats réels de l'entreprise ; que, dans un premier temps, Wilfrid A... a reconnu qu'il avait demandé à Louis Y... de ne pas comptabiliser un lot de factures afin de présenter un bilan équilibré et d'avoir une crédibilité auprès des banques ; qu'il s'est rétracté par la suite ; que, cependant, les premières déclarations de Wilfrid A... sont conformes aux déclarations de Louis Y... ;

que le tribunal ne peut admettre que des sommes aussi considérables aient pu être dissimulées sans la participation active des deux principaux dirigeants dont le rôle consistait à se tenir au courant de l'évolution financière de l'entreprise, et alors que le recours massif à l'emploi de travailleurs temporaires avait été décidé par eux-mêmes ;

"alors que la banqueroute simple, liée à la tenue de la comptabilité, ne peut être retenue qu'en cas d'absence de comptabilité ou en cas de comptabilité fictive ; que le principe de l'interprétation stricte des lois pénales exclut que la banqueroute simple puisse être retenue en cas de comptabilité simplement irrégulière ; que, si la comptabilité est certainement fictive, si elle comporte l'inscription d'encaissements ou de charges ne correspondant pas à la réalité, elle est, en revanche, simplement irrégulière si les charges sont omises ; qu'en s'abstenant de rechercher, au cas d'espèce, si l'omission de porter les charges relatives au travail temporaire ne caractérisait pas des irrégularités comptables, et non l'existence d'une comptabilité fictive, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 197 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, selon les dispositions de ce texte, dans sa rédaction applicable aux faits poursuivis, constitue le délit de banqueroute, le fait d'avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la personne morale ou de s'être abstenu de tenir toute comptabilité ;

Attendu que, pour déclarer Marc A... et Wilfrid A... coupables de banqueroute, les juges se bornent à relever que les prévenus, qui avaient recours à des travailleurs temporaires, ont omis de porter dans la comptabilité de la société VMI les factures correspondant à ces prestations ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si les prévenus s'étaient abstenus de tenir toute comptabilité ou avaient tenu une comptabilité fictive, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, en date du 9 janvier 1997, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger, conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-80757
Date de la décision : 15/10/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

BANQUEROUTE - Abstention de la tenue d'une comptabilité ou tenue d'une comptabilité fictive - Comptabilité fictive - Définition.


Références :

Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 197

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, 09 janvier 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 oct. 1998, pourvoi n°97-80757


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.80757
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