AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de B... de MASSIAC, les observations de Me THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE A... Yves,
- X... Véronique, épouse LE A...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 2 mai 1997, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef d'abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur les faits :
Attendu que les époux Z... ont géré pendant plusieurs années une succursale de la société dirigée par André Y... ;
Que, découvrant, en 1994, que ses employés avaient détourné, entre 1992 et 1994, une partie des recettes, ce dernier a déposé plainte avec constitution de partie civile du chef d'abus de confiance ;
Qu'Yves et Véronique Z... ont été renvoyés, par ordonnance du juge d'instruction, devant la juridiction correctionnelle pour avoir, en 1994 et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, détourné au préjudice de leur employeur des fonds qui ne leur avaient été remis qu'à charge de les représenter ;
Que, condamnés de ce dernier chef, les intéressés ont interjeté appel des seules dispositions du jugement emportant condamnation à leur égard ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, 388, 485 et 512 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné solidairement les époux Véronique X... et Yves Z... à payer à André Y... la somme de 650 000 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 1995 ;
1 )aux motifs que "le préjudice dont il est demandé à la Cour de fixer le montant ne saurait être limité à la seule année 1994 figurant à la prévention, mais doit, dans les limites de la demande, être apprécié par référence à la prévention elle-même, à toute la période non couverte par la prescription", soit les années 1992 à 1995 ;
"alors que les tribunaux ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance ou par la citation qui les a saisis ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors allouer des dommages-intérêts à la partie civile qu'en réparation du préjudice qu'elle avait subi au cours de la seule années 1994, visée à la prévention ;
2 )aux motifs que "la Cour est ainsi en mesure de fixer le préjudice subi par André Y... ès qualité, à la somme de 650 000 francs ladite somme avec les intérêts légaux à compter du dépôt de la plainte" ;
"alors que, en matière délictuelle, la créance de réparation ne peut produire d'intérêts que du jour où elle est allouée judiciairement ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors, sauf à tout le moins à s'en expliquer, fixer le point de départ des intérêts légaux à la date du dépôt de la plainte" ;
Attendu que, pour écarter les conclusions des prévenus qui soutenaient qu'eu égard à la date de commission des faits retenus par la prévention, ils ne pouvaient être tenus d'indemniser leur employeur à raison des détournements commis en 1992 et 1993, la cour d'appel énonce que le préjudice, dont il lui est demandé de fixer le montant, ne saurait être limité à la seule année 1994, mais doit être apprécié par rapport à toute la période non couverte par la prescription visée à la prévention ;
Qu'elle ajoute qu'eu égard aux éléments du dossier, il y a lieu de condamner les prévenus à verser à André Y... la somme de 650 000 francs, la dite somme devant porter intérêts au taux légal à compter du dépôt de la plainte ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen et justifié sa décision ;
Que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3 et 569 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a ordonné l'exécution provisoire de sa décision ayant condamné Yves et Véronique Z... à dommages-intérêts envers André Y... ;
"alors que l'arrêt de la chambre des appels correctionnels statuant sur les condamnations civiles est exécutoire de plein droit même pendant les délais du recours en cassation et, s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de Cassation, de sorte qu'il ne peut être assorti de l'exécution provisoire" ;
Attendu que les intéressés ne sauraient faire grief à la cour d'appel d'avoir ordonné l'exécution provisoire des dispositions civiles, dès lors que, selon l'article 569 du Code de procédure pénale, de telles dispositions sont exécutoires de plein droit, nonobstant le pourvoi en cassation ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. de Mordant de Massiac conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;