AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Marcel X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 mars 1996 par la cour d'appel de Douai (2e Chambre), au profit de la société Versmée et Cie, société anonyme dont le siège social est ...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 juin 1998, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Delaroche, conseiller rapporteur, M. Fouret, conseiller, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Delaroche, conseiller, les observations de Me Capron, avocat de M. X..., de SCP Tiffreau, avocat de la société Versmée et Cie, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'en décembre 1989, M. X..., boulanger, a, par l'intermédiaire de la société Versmée et Cie, souscrit un contrat d'assurances multirisques professionnelles auprès de la compagnie d'assurances Cigna ; qu'une explosion a endommagé le four de la boulangerie ; que, le 27 mars 1991, la société Versmée a adressé à M. X... un chèque de 80 000 francs accompagné d'une lettre précisant "en ce qui concerne le sinistre du four, vous trouverez ci-joint la quittance à nous retourner... comme nous vous l'avons promis, vous trouverez ci-joint un chèque d'acompte de 80 000 francs à valoir sur votre sinistre explosion" ; que, le 17 juin suivant, M. X... a signé et fait parvenir à la compagnie Cigna son "accord sur la somme de 143 159 francs à laquelle a été fixé, sous réserve d'application des garanties, le montant de l'indemnité consécutif au sinistre survenu le 20 novembre 1990" ; qu'il a été crédité de cette somme au moyen d'un chèque émis par la compagnie d'assurances, à lui remis par l'intermédiaire de la société Versmée ; que cette dernière a réclamé à M. X... le montant de "l'acompte" qu'elle lui avait versé et, devant son refus, l'a assigné à cette fin ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 21 mars 1996) de l'avoir condamné à payer la somme réclamée, alors, selon le moyen, que le prêteur ne peut pas redemander les choses prêtées avant le terme convenu ; que la cour d'appel constate, d'une part, que l'avance que la société Versmée et Cie a consentie à M. X... a été stipulée remboursable "au moment de l'indemnisation définitive du préjudice", d'autre part, que la quittance signée le 17 juin 1991 par l'assuré l'a été sous la réserve à la fois expresse et formelle de l'application des garanties, enfin, que celui-ci a entendu faire jouer cette réserve puisqu'il a, dès le 5 décembre 1991, fait savoir à la société Versmée et Cie, par l'entremise de son conseil, qu'il entendait obtenir de la compagnie d'assurances un règlement conforme à la garantie et, par conséquent, supérieur à celui ayant fait l'objet de la quittance ; qu'en énonçant, dans de telles conditions, que la quittance du 17 juin 1991 est "définitive" et que, dès lors, le terme du remboursement de l'avance consentie par la société Versmée et Cie est venu à son échéance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1899 du Code civil ;
Mais attendu qu'en l'état des conclusions de M. X... qui déniait valeur libératoire à la quittance qu'il avait signée, laquelle, selon lui, n'opérait pas un règlement satisfaisant du sinistre, la cour d'appel a, à juste titre, énoncé que cette insuffisance d'indemnisation ne pouvait être reprochée qu'à l'assureur qui n'était pas même en cause ; qu'ayant retenu, d'une part, que, dans l'esprit des parties, "l'acompte de 80 000 francs" versé par la société Versmée et Cie, constituait une avance remboursable au moment de l'indemnisation définitive et, d'autre part, que M. X... avait signé une quittance définitive, auprès de la compagnie Cigna, la cour d'appel a, à bon droit encore, décidé que celui-ci était tenu au remboursement de l'avance ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et de la société Versmée et Cie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.