AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Suzanne D..., épouse Y..., demeurant Le Moulin du Pont de Borne, 74130 Bonneville,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 novembre 1995 par la cour d'appel de Grenoble (1re et 2e chambres civiles réunies), au profit :
1 / de Mme Jeannette B..., épouse Contat, demeurant ...,
2 / de Mme Andrée B..., épouse A..., demeurant 6, place Gabriel Péri, 69007 Lyon,
3 / de M. Gaston B..., demeurant ...,
4 / de M. X... Contat, demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 juin 1998, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Savatier, conseiller référendaire rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Savatier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de Mme Y..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Gaston B..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne défaut contre les époux Z... et Mme A... ;
Sur le second moyen, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que le moyen, qui se borne critiquer la mission donnée à l'expert quant à l'évaluation des indemnités d'occupation des immeubles indivis par les héritiers, n'est pas recevable ;
Mais sur la seconde branche du premier moyen :
Vu les articles 860, alinéas 3 et 4, 922 et 868, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que Joseph B... et Marie-Louise E..., mariés sous un régime de communauté, sont respectivement décédés les 20 février 1972 et 30 mai 1979 en laissant pour leur succéder leurs quatre enfants, Andrée, épouse A..., Gaston, Jeannette, épouse Contat, et Suzanne, épouse Y... ; que le 3 juillet 1956, ils avaient donné par préciput et hors part, un ensemble d'immeubles à leur fils Gaston B... ; que le 8 août 1962, ils avaient aussi donné en avancement d'hoirie à Mme Y... d'autres immeubles, l'acte précisant que la donataire devrait rapporter à leurs successions la valeur du bien qui était définitivement et irrévocablement fixée à 150 000 francs ; qu'au cours du partage des successions et de la communauté ayant existé entre les époux C..., la réduction de ces donations a été demandée ; que, sur renvoi de cassation, l'arrêt attaqué a dit que les biens donnés étant des biens communs aux époux, il y avait lieu de réunir à la masse des biens existant au décès de chacun des époux, la moitié de la valeur des biens donnés au jour de l'ouverture de chacune des successions, d'après leur état au jour de la donation ; qu'il a encore décidé que la réserve et la quotité disponible ainsi que les éventuelles réductions seront calculées une fois fixée cette masse et qu'en ce qui concerne la donation en avancement d'hoirie faite à Mme Y... évaluée en 1962 à 75 000 francs pour chacune des successions, les biens doivent être réévalués à la date d'ouverture de chacune des successions, tant pour le calcul de la réserve que pour celui du disponible, et à la date la plus proche du partage pour le calcul du rapport et de l'éventuelle réduction ;
Attendu, cependant, que la cour d'appel avait constaté que le montant de la somme à rapporter avait été forfaitairement fixé dans l'acte de 1962 ; qu'il s'ensuit que seule la somme convenue pouvait être rapportée, puisque l'avantage indirect résultant de la différence existant entre celle-ci et la valeur du bien donné, déterminée selon les règles prévues par l'article 922 du Code civil, était acquise à Mme Y... par préciput et hors part, en application de l'article 860, alinéa 4, du même Code ; que dès lors, en ne distinguant pas la donation en avancement d'hoirie de cet avantage indirect, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que le rapport de la donation du 8 août 1962 serait calculé selon la valeur des biens donnés au jour le plus proche du partage, l'arrêt rendu le 14 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que pour la donation litigieuse Mme Y... devra rapporter à chacune des successions la somme de 75 000 francs et que si cette valeur est inférieure à la valeur du bien déterminé selon les règles d'évaluation prévues par l'article 922 du Code civil, cette différence forme un avantage indirect qui lui est acquis par préciput et hors part, mais sous réserve d'une réduction comme il est prévu par les articles 866 et 868 du même Code ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Gaston B... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.