Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 190, alinéa premier, et R. 196-1 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu, selon le jugement déféré, que la société de Transports Lafont a procédé les 19 juin 1987, 17 juin 1988 et 22 juin 1990 à l'augmentation de son capital par incorporation de réserves, bénéfices ou provisions ; qu'elle a acquitté à ce titre des droits d'enregistrement au taux de 3 % sur le fondement de l'article 812.I-1° du Code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'elle a, le 10 février 1994, réclamé la restitution des droits ainsi acquittés ; qu'après le rejet de sa réclamation, elle a assigné le directeur des services fiscaux du Rhône devant le tribunal de grande instance ; que l'administration fiscale a soulevé l'irrecevabilité de la demande pour tardiveté de la réclamation au regard de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour déclarer la demande recevable, le Tribunal retient que la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 25 juillet 1991 (Emmott) a décidé que le droit communautaire s'oppose à ce que les autorités compétentes d'un Etat membre invoquent les règles de procédures nationales relatives aux délais de recours dans le cadre d'une action engagée à leur encontre devant les juridictions nationales aussi longtemps que cet Etat membre n'a pas transposé correctement les dispositions d'une directive dans son ordre juridique interne ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 2 décembre 1997 (Fantask), la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que le droit communautaire n'interdit pas à un Etat membre, qui n'a pas transposé correctement la directive n° 69-335, telle que modifiée, d'opposer aux actions en remboursement de droits perçus en violation de cette directive un délai de prescription national qui court à compter de la date d'exigibilité des droits en cause, dès lors qu'un tel délai n'est pas moins favorable pour les recours fondés sur le droit communautaire que pour les recours fondés sur le droit interne et qu'il ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; qu'elle a précisé dans le même arrêt que des délais raisonnables de recours ne sauraient être considérés comme étant de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, même si, par définition, l'écoulement de ces délais entraîne le rejet, total ou partiel, de l'action intentée ; qu'il en résulte que le délai de réclamation de l'article R. 196-1 b) du Livre des procédures fiscales, d'application générale, seul applicable en l'absence lors de la réclamation de tout événement de nature à le motiver au sens du c) de la même disposition, pouvait être opposé par l'administration fiscale à la société ; qu'ayant constaté que la réclamation de la société avait été présentée le 10 février 1994, soit postérieurement au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l'impôt contesté, le Tribunal a méconnu la portée des textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 31 mars 1995, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable la demande de la société des Transports Lafont.