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01/10/1998 | FRANCE | N°97-82211

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 octobre 1998, 97-82211


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- la société HOLOPHANE , partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'app

el de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 10 février 1997, qui, après relaxe de Je...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- la société HOLOPHANE , partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 10 février 1997, qui, après relaxe de Jean-Claude X... du chef d'abus de biens sociaux, l'a déboutée de ses demandes ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1134 du Code civil, L.121-1 et L.122-12 du Code du travail, 101, 110,115 et 437 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non constitué le délit d'abus de biens sociaux reproché à Jean-Claude X... ;

"aux motifs que s'il est établi que, courant 1989 et 1990, Jean-Claude X... a fait effectuer par une dizaine de salariés de la société Holophane des travaux de réfection et d'entretien dans sa propriété personnelle pour un montant total de 876 488 francs, le prévenu, sans contester la réalité de ces travaux. a mentionné qu'il sagissait d'avantages en nature autorisés en 1985 par le président directeur général de l'époque, Aimery de Y... de Saint Mars, en contrepartie d'une astreinte au sein de la société Holophane, effectuée les samedis et dimanches sans rémunération supplémentaire ; que par courrier du 4 octobre 1990, Aimery de Y... de Saint Mars, président directeur général de la société Holophane de 1972 à 1989, confirmait qu'en effet, au vu de l'obligation qui était faite au prévenu de demeurer au sein de l'usine 24 heures sur 24, compte tenu du travail continu de la verrerie et de l'atelier mécanique, il avait conclu "un accord conventionnel en janvier 1985" avec Jean-Claude X... ; que par cet accord Aimery de Y... de Saint Mars autorisait le prévenu à utiliser les services du personnel d'entretien de l'usine sous réserve que cette utilisation ne trouble "en rien la marche de l'usine et de la société" ; qu'entendu sur commission rogatoire, Aimery de Y... de Saint Mars confirmait cet écrit et précisait que la présence permanente au sein de l'usine de Jean-Claude X... était effective et réelle ; qu'il apparaît ainsi, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par le prévenu, que ce dernier a fait de 1985 à 1990 un usage à des fins strictement personnelles des biens et du personnel de la société qui l'emplovait et dont il était devenu le président directeur général, la société Holophane SA étant venue aux droits de la société Holophane ; qu' il ressort cependant des pièces versées aux débats que par avenant au contrat de travail de Jean-Claude X... en date du 27 décembre 1985 "Ia société Holophane s'engage tant pour elle- même que pour ses successeurs éventuels qui viendraient à ses droits et

obligations, à prendre l'ensemble des éléments constitutifs du contrat de travail liant Jean-Claude X... à la société Holophane" ; que plus particulièrement ladite société s'engage "à garantir à Jean-Claude X... tous les avantages annexes de son contrat de travail ... ou autres avantages spécifiques qui auraient été consentis à Jean-Claude X... au cours des années ; que le procès-verbal du conseil d'administration de la société Cannet- Godin du 21 juillet 1989 évoque le problème du maintien de ce contrat de travail pour indiquer que ce contrat "sera repris à la condition suspensive de la réalisation de l'apport partiel d'actifs de la branche verrerie à Cannet-Godin... " , opération qui s'est effectivement réalisée ; que, par ailleurs, ce même procès-verbal renvoie à une "commission composée de trois administrateurs" l'examen de la rémunération de Jean-Claude X... ; qu'il n'apparaît pas que cette commission se soit réunie ni qu'aucune décision particulière ait été prise concernant le salaire de Jean-Claude X... dans ses nouvelles fonctions ; qu'il ressort par contre de l'examen des feuilles de paie du prévenu qu'il a été rémunéré en qualité de directeur général "DR.ACT.VER." jusqu'en septembre 1989 pour des appointements de 71 400 francs auxquels s'ajoutait 2 202 francs d'avantages en nature, puis qu'il a été rémunéré en qualité de "président directeur général" à partir d'octobre 1989 pour les mêmes appointements, ceux-ci étant simple- ment portés en janvier 1990 à la somme de 75 684 francs, les avantages en nature restant au même niveau, montant correspondant à ceux des appointements de Jean-Claude X... en 1987 au sein de la société Holophane ; qu'il apparaît ainsi prouvé que le prévenu avait conservé au sein de la société Holophane SA un rôle exactement semblable à celui qu'il jouait dans la société Holophane, nonobstant le changement de titre de ses fonctions ; que Jean-Claude X... était ainsi en droit, compte tenu de ce qui a été préalablement rappelé concernant son contrat de travail, de considérer que celui-ci continuait de produire tous ses effets, y compris dans tous les avantages spécifiques qui lui avaient été consentis, même si ceux-ci n'ont pas fait l'objet d'une déclaration fiscale ; qu'il convient ainsi de constater que la mauvaise foi du prévenu dans son utilisation à des fins personnelles des biens et du personnel de la société n'est pas rapportée ;

"alors que le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social se trouve, en l'absence de convention contraire, suspendu pendant le temps d'exercice du mandat social ; qu'en l'espèce le procès-verbal du conseil d'administration de la société Cannet-- Godin, en date du 21 juillet 1989, énonce que le contrat de travail liant Jean-Claude X... à la société Holophane sera repris en cas de réalisation de l'apport par cette société de la branche verrerie à la société Cannet-Godin, mais que ledit contrat "sera suspendu jusqu'à l'expiration du mandat d'administrateur et de président de la société" (confié à Jean-Claude X...) et qu'il reprendra vigueur dans l'hpothèse où son mandat d'administrateur et son mandat de président du conseil d'administration viendraient à prendre fin" ; qu'il résulte clairement de cette délibération, dont Jean-Claude X... a nécessairement eu connaissance puisqu'il présidait le conseil d'administration et a signé le procès-verbal, que le contrat de travail qui liait l'intéressé à la société Holophane a cessé de produire effet pendant tout le temps où il a assumé la direction générale de la société Holophane SA ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu le principe précédemment rappelé et violé les textes visés au moyen ;

"alors qu'aux termes de l'article 115 de la loi du 24 juillet 1996, le conseil d'administration détermine la rémunération des directeurs généraux ; que Jean-Claude X... ayant été nommé directeur général le 21 mars 1985, seul le conseil d'administration avait compétence pour fixer sa rémunération et ses avantages annexes ; qu'ainsi l'avantage en nature prétendument consenti le 15 janvier 1985 par le président directeur général de la société Holophane alors en fonctions, aurait dû être soumis à l'approbation du conseil d'administration ; qu'il est constant que tel n'a pas été le cas ; que dès lors Jean-Claude X... ne pouvait plus, à compter de sa désignation en qualité de directeur général, se prévaloir de l'auto- risation d'utiliser le personnel de la société qui lui aurait été accordée le 15 janvier 1985 ;

"alors qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué (p. 23, alinéas 4 et 5) que l'accord intervenu en janvier 1985 entre Aimery de Y... de Saint Mars, alors président directeur général de la société Holophane et Jean-Claude X..., autorisait ce dernier "à utiliser les services du personnel d'entretien de l'usine" ; que les termes mêmes de cet accord excluaient que Jean-Claude X... pût utiliser le personnel de l'entreprise pour des tâches autres que d'entretien, et en particulier qu'il pût utiliser ce personnel pour procéder à la réfection complète de sa maison : d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée de l'accord précité et violé les textes visés au moyen ;

"alors qu'il ressort tant des pièces du dossier que des conclusions de Jean-Claude X..., que la commission chargée de fixer la rémunération de ce dernier s'est effectivement réunie au cours de l'été 1989 et a déterminé le salaire de l'intéressé ainsi que ses avantages en nature ; que ceux-ci consistaient en un véhicule de fonction, un logement de fonction et une garantie de ressources en cas de cessation de ses fonctions de président de la société ; d'où il suit qu'en déclarant que la commission susvisée ne s'est pas réunie et qu'aucune décision particulière n'a été prise concernant le salaire de Jean-Claude X... dans ses nouvelles fonctions, la cour d'appel a dénaturé les pièces de la procédure et les conclusions du prévenu et violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du second degré ont, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs pour lesquels ils ont estimé que la preuve du délit reproché n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à leur examen, et ont ainsi justifié leur décision déboutant la partie civile de sa demande ;

Que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 475-1, 512 et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir relaxé le prévenu, a condamné la société Holophane SA, partie civile, à lui payer la somme de 10 000 francs au titre des frais irrépétibles avancés par lui devant le tribunal correctionnel et la cour d'appel ;

"alors que les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ne peuvent bénéficier qu'à la partie civile ; que dès lors en condamnant cette dernière à verser au prévenu une somme correspondant aux frais irrépétibles qu'il a dû exposer, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé" ;

Vu l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu que selon ce texte, le tribunal condamne l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci, la somme qu'il détermine ;

Attendu qu'après renvoyé des fins de la poursuite Jean-Claude X..., la cour d'appel a condamné la société Holophane à payer au prévenu la somme de 10 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les dispositions de cet article ne sont pas applicables au profit du prévenu, les juges ont méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions ayant condamné la société Holophane à payer à Jean-Claude X... la somme de 10 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, l' arrêt de la cour d' appel de Rouen, en date du 28 octobre 1996 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Rouen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-82211
Date de la décision : 01/10/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le second moyen) FRAIS ET DEPENS - Frais non recouvrables - Prévenu renvoyé des fins de la poursuite - Condamnation - Partie civile (non).


Références :

Code de procédure pénale 475-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, 10 février 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 oct. 1998, pourvoi n°97-82211


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.82211
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