AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller Le GALL, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Emmanuel,
contre l'arrêt de la cour d'assises de la VENDEE, du 29 mai 1997, qui, pour vol avec violences ayant entraîné la mort et délits connexes, l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que Nicolas Y... a siégé en qualité de premier juré le 28 mai 1997 jusqu'à 14 heures 10, heure de son remplacement par le premier juré supplémentaire ;
"alors que tout accusé a droit à être jugé par un tribunal impartial ; que, selon les constatations de la Cour, Nicolas Y... est "un proche des parties civiles" constituées dès l'ouverture des débats et que, dès lors, la circonstance qu'il ait siégé pendant une partie des débats sans signaler immédiatement son empêchement et ait pu ainsi exercé une influence sur les autres jurés en faveur des parties civiles et en défaveur de l'accusé, suffit à entraîner la cassation de l'arrêt de condamnation et de l'arrêt civil qui en est la conséquence pour violation du principe du procès équitable et des droits de la défense" ;
Attendu que le premier juré désigné par le sort le 28 mai 1997 au matin, ayant fait savoir, lors de la suspension d'audience intervenue entre 12 heures 05 et 14 heures 10, qu'il connaissait certaines des parties civiles, a été remplacé, après audition de toutes les parties, par le premier juré supplémentaire ;
Qu'en cet état, il a été régulièrement procédé, la Cour ayant souverainement estimé que ce juré ne présentait pas les garanties d'impartialité exigées par le texte conventionnel visé au moyen ; que le fait que ce juré ait pu, avant son remplacement, exercer une influence sur les autres jurés reste à l'état d'allégation ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-24 du Code pénal, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt de la cour d'assises, qui a condamné Emmanuel X... à la peine de la réclusion criminelle à perpétuité, ne comporte aucun motif relativement à la personnalité de l'accusé ;
"alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 132-24 du Code pénal que toute condamnation à une peine criminelle doit être motivée par référence à la personnalité de l'auteur de l'infraction ; que ce principe est essentiel au procès pénal et que, dès lors, l'absence totale de motivation sur ce point tant de l'arrêt de condamnation que de la feuille des questions doit être censurée comme ne permettant pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle et, par conséquent, incompatible avec le principe du procès équitable" ;
Attendu que, si l'article 132-24 du Code pénal fait obligation aux juges de prononcer les peines et de fixer leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur, aucune disposition légale ou conventionnelle ne leur impose de motiver leur décision à cet égard, en dehors du cas prévu par l'article 132-19 dudit Code qui n'est pas applicable aux délibérations de la cour d'assises, lesquelles sont régies par le seul article 362 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Le Gall conseiller rapporteur, Mme Baillot, MM. Farge, Pelletier conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;