AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- MICHEL X...,
contre l'arrêt n° 208 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, en date du 16 décembre 1997, qui, dans la procédure suivie contre lui, notamment pour violences en réunion avec arme envers un magistrat, n'ayant pas entraîné une incapacité totale temporaire de travail supérieure à 8 jours, a rejeté sa requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 18 juin 1998, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 665, 114 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense ;
"en ce qu'il résulte des pièces de la procédure et des motifs mêmes de la chambre d'accusation que le dossier de la procédure n'a jamais été complet, et n'a jamais été mis intégralement à la disposition des conseils des personnes mises en examen, dès lors que n'y a jamais figuré, et que n'y figure toujours pas, la requête du procureur général sollicitant auprès de la chambre criminelle le dessaisissement du juge d'instruction de Cayenne normalement compétent, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; que, dès lors, les droits de la défense, qui n'a pu s'assurer des conditions dans lesquelles la compétence du juge d'instruction de Fort-de-France a été déclarée, ont été méconnus" ;
Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité pris de la violation de l'article 197 du Code de procédure pénale et des droits de la défense résultant de l'absence au dossier d'information de la requête du procureur général près la cour d'appel de Fort-de-France ayant saisi la chambre criminelle d'une demande de dessaisissement du juge d'instruction de Cayenne, l'arrêt attaqué relève que l'article 665 du Code de procédure pénale n'exige pas le dépôt de cette requête au dossier de la procédure d'information et constate que l'arrêt de la chambre criminelle en date du 5 mars 1997 ayant ordonné le renvoi de l'affaire devant le juge d'instruction de Fort-de-France, qui est versé au dossier, a eu pour objet d'attribuer compétence immédiate à ce juge d'instruction ; que les juges ajoutent qu'il n'appartient pas à la chambre d'accusation de contrôler la décision prise par la chambre criminelle ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 80-1, 105 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les demandes en nullité des gardes à vue des personnes mises en examen ainsi que de la procédure subséquente ;
"aux motifs qu'au moment de la garde à vue ne pesaient sur l'intéressé que des soupçons qui sont devenus des indices graves, entraînant la fin de la garde à vue et le mandat d'amener devant le magistrat instructeur ;
"alors qu'un mis en examen, sur lequel pèsent en conséquence, aux termes de l'article 80-1 du Code de procédure pénale, des indices laissant penser qu'il a commis les faits en qualité d'auteur ou de complice, ne peut pas être entendu sur commission rogatoire, les conditions de l'article 105 du Code de procédure pénale étant alors nécessairement remplies ; qu'il résulte de la procédure que, lorsqu'il a été mis fin à la garde à vue de l'intéressé, le mandat d'amener délivré par le juge d'instruction de Fort-de-France, et qui lui a été notifié à Cayenne à la fin de sa garde à vue, le désignait expressément comme étant "mis en examen" ; que l'établissement de ce mandat, acheminé de Fort-de-France à Cayenne, étant au moins concomitant à tout ou partie de la garde à vue, celle-ci était irrégulière pour avoir été poursuivie à l'encontre d'un individu dont le juge d'instruction estimait qu'il était d'ores et déjà mis en examen, quand bien même la notification de cette mise en examen n'était intervenue qu'avec la notification du mandat d'amener ; que la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale était donc caractérisée" ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité prise d'une mise en examen tardive, la chambre d'accusation relève que s'il résultait des conclusions du rapport de police que les investigations effectuées avant le placement en garde à vue de Alain Y... avaient permis de recueillir des éléments faisant peser des soupçons sur sa participation aux faits, ceux-ci n'étaient pas suffisants pour constituer des indices graves et concordants contre l'intéressé et qu'il était nécessaire de l'entendre et de confronter ses déclarations à celles des autres personnes en cause ; qu'elle ajoute que les enquêteurs ont mis un terme à ces auditions, conformément aux dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale, lorsqu'il est résulté de celles-ci des indices graves et concordants contre Alain Y... d'avoir participé aux faits ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le juge d'instruction a la faculté de ne mettre en examen une personne qu'après s'être éclairé, notamment en faisant procéder à son audition en qualité de témoin, sur sa participation aux agissements dont il est saisi, dans des conditions pouvant engager sa responsabilité pénale, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
Qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, violation des articles 127, 128, 129 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande tendant à la nullité du transfèrement du mis en examen et de la procédure subséquente, tirée de ce que, le mis en examen ayant été appréhendé à plus de 200 kilomètres du siège du juge d'instruction, et ayant refusé son transfèrement après notification du mandat d'amener, les formalités des articles 127 et 128 du Code de procédure pénale n'avaient pas été respectées ;
"aux motifs que, dans l'esprit du législateur, le mandat d'amener appelle un transfert le plus immédiat possible ; que le juge d'instruction, nonobstant le refus opposé par l'intéressé au substitut du procureur, a ordonné son transfèrement sans délai pour lui être présenté ;
"alors, d'une part, que lorsque la personne objet d'un mandat d'amener est appréhendée à plus de 200 kilomètres du siège du juge d'instruction et qu'elle refuse son transfèrement devant le procureur de la République, celui-ci doit solliciter du magistrat instructeur, en lui transmettant le procès-verbal de la comparution, des instructions sur un éventuel transfèrement ; que cette procédure est une garantie des droits de la défense, puisqu'elle permet aux magistrats de déterminer si le transfert est nécessaire, et à l'intéressé de s'assurer les soins d'un avocat, soit sur place, soit près du juge d'instruction ; qu'en l'espèce, faute de transmission par le procureur de la République du procès-verbal de comparution, et le transfert ayant été organisé immédiatement, dès la notification du mandat d'amener, de Cayenne à Fort-de-France, les droits de la défense ont été violés, entraînant ainsi la nullité de la procédure ;
"alors, d'autre part, que, en toute hypothèse, le défaut de respect des formalités précitées doit entraîner la nullité de la procédure lorsqu'il a eu pour effet de mettre la défense dans l'impossibilité d'exercer ses droits devant la juridiction d'instruction ; que le mis en examen faisait expressément valoir que tel avait été le cas en l'espèce, n'ayant pu organiser sa défense à son arrivée à Fort-de-France avec l'avocat de son choix ; que, faute de s'expliquer sur ce point, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que le mandat d'amener délivré par le juge d'instruction de Fort-de-France a été notifié le 12 avril 1997 à Alain Y..., qui a, conformément aux dispositions des articles 127 et 128 du Code de procédure pénale, comparu devant le procureur de la République de Cayenne, lieu de son interpellation ;
Attendu qu'il résulte des mentions de ce procès-verbal que, contrairement aux allégations du moyen, Alain Y... n'a pas déclaré refuser d'être transféré devant le magistrat instructeur de Fort-de-France, et qu'il a été conduit devant celui-ci le 13 avril 1997, date à laquelle il a été mis en examen ;
Qu'ainsi, le moyen qui manque en fait, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, MM. Milleville, Pinsseau, Joly, Mmes Chanet, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;