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04/08/1998 | FRANCE | N°97-85008

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 août 1998, 97-85008


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre août mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me PARMENTIER et de Me COSSA, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

-Y... Patrick, contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 15 mai 1997, qui, pour faux, abus de confiance et escroquerie,

l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intér...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre août mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me PARMENTIER et de Me COSSA, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

-Y... Patrick, contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 15 mai 1997, qui, pour faux, abus de confiance et escroquerie, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,591,593,648 et 651 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, méconnaissance des droits de la défense ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Patrick Y... à la peine de deux années d'emprisonnement avec sursis, des chefs de faux, abus de confiance et escroquerie, et s'est prononcé sur les intérêts civils ;

" aux motifs que le rapport d'expertise comprenait huit tomes dont seuls les deux premiers se trouvent dans le dossier de la procédure tel qu'adressé par le greffe du tribunal à la Cour ;

que l'on ne peut cependant déduire que les premiers juges auraient statué sur la base d'un rapport incomplet d'autant plus que par un jugement distinct du jugement sur le fond, en date du 17 novembre 1984, le tribunal a constaté que le prévenu avait produit un exemplaire du rapport d'expertise annoté par lui et lui avait enjoint de faire connaître par écrit ses observations sur ce rapport, ce qu'il a fait par une note cotée E 161 à E 189 visant chacun des huit tomes du rapport, laquelle a été soumise à débat contradictoire lors de l'audience du 7 septembre 1995, sans qu'à aucun moment le prévenu prétende que le tribunal ne disposait pas du rapport complet ;

qu'il résulte de ce qui précède que le prévenu détient un exemplaire de l'entier dossier de sorte que la circonstance que seuls les deux premiers tomes se trouvent actuellement au dossier n'est pas de nature à lui faire grief, d'autant plus que les six tomes manquants ne sont constitués que par des annexes ;

qu'en toute hypothèse, il se borne dans ses conclusions à demander que soit constatée l'absence au dossier de ces six tomes sans en tirer aucune conséquence précise au regard des droits de la défense ;

qu'il sera fait droit à la demande telle que formulée ;

que les experts ont conclu que Patrick Y..., gérant de la SEF, et responsable de fait de la comptabilité, a organisé toute une série de fraudes qui ont contribué à enlever toute fiabilité à la comptabilité de la SEC et de la SEF, la première tenant les comptes de la seconde ;

que grâce à l'ouverture de comptes courants dans l'une et l'autre, il a pu " vider " les comptes bancaires de la SEC en détournant les fonds nécessaires ou chèques qu'il tirait sur la SEF ;

que les émissions de chèques au profit de certains exploitants agricoles ne se justifient pas ;

que pour ajouter à la confusion, il a établi des documents fictifs des écritures fausses en fin d'année dans le but de solder les comptes de plusieurs exploitants agricoles ;

qu'il a valorisé les stocks dans le but d'équilibrer les bilans ou tout au moins de les rendre moins déficitaires ;

que ses propres comptes bancaires font apparaître des opérations pour un montant quatre fois supérieur à ses revenus ;

que les comptes de la SEC sont faux ;

que pour la mise en oeuvre des procédés comptables irréguliers, Patrick Y... a participé au pillage des fonds de la SEC pour renflouer la trésorerie de la SEF ;

que le bilan de l'exercice 1982 de la SEC sur lequel GMSA s'est fondée pour apprécier les conditions de la fusion était épuisé " ;

que les comptes de la SEC n'étaient ni réguliers, ni sincères et qu'ils ne donnaient pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, ni de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ;

que le projet de fusion prévoyait que GMSA prenait à sa charge le passif de la SEC qui était arrêté, hors capital et prévision, à 35 326 219,10 francs ;

que les deux sociétés appartenaient au groupe TOEPFER, lequel détenait la majorité du capital de chacune d'elles ;

que c'est la raison pour laquelle GMSA avait, avant la signature du projet de fusion, apporté son concours financier à la SEC et commencé la reconstitution des écritures à partir du 1er janvier 1983, compte tenu de la mise en place d'un nouveau système informatique ;

que les sociétés SEC et SEF étaient étroitement liées par le fait que les fournisseurs, exploitants agricoles de la première, étaient des clients de la seconde ;

que la SEC avait pour objet d'acheter des céréales à des exploitants agricoles et que la SEF avait pour objet de vendre des engrais, des semences et des produits phytosanitaires à ces mêmes exploitants ;

qu'ainsi, les exploitants agricoles étaient partenaires des deux sociétés ;

que suivant la nature des opérations traitées, elles étaient créditées dans les livres de la SEC et débitées dans ceux de la SEF ;

que, de ce fait, il existait dans la comptabilité de chacune des sociétés, outre les comptes fournisseurs ou clients, deux comptes courants supplémentaires, lesquels ouvraient la voie à toutes les manipulations possibles, en raison des compensations effectuées entre les livraisons de céréales à la SEC et les achats de produits à la SEF ;

qu'une telle structure comptable exigeait une rigueur permanente dans le suivi des opérations enregistrées ;

que tel n'a pas été le cas ;

que l'expertise a fait apparaître des faux, des détournements et une escroquerie ;

que, pour conforter la régularité apparente des comptes, Patrick Y... a établi de fausses factures ou altéré différents documents ;

qu'en ce qui concerne la SEC, il a altéré des décomptes d'apports de céréales, établi de faux décomptes, et des décomptes faisant double emploi ;

qu'ainsi, il a gonflé artificiellement les achats de grains dans le but de bénéficier de la contrepartie des achats de la SEC dans le compte courant de la SEF ;

qu'en augmentant le volume des achats, il a apporté des fonds à la SEF ;

qu'en ce qui concerne la SEF, il a établi de fausses factures ;

que, notamment, les experts ont trouvé une masse de doubles de factures et que certaines avaient été établies en triple ;

que des factures d'avances ont été inscrites comme vente en comptabilité, alors qu'elles n'étaient réglées que l'année suivante, ce qui avait pour résultat d'améliorer les bilans ;

que le but poursuivi était d'élever le chiffre d'affaires de chacune des deux sociétés ;

que Bernard X..., comptable au sein de la SEC, a déclaré aux experts que lorsque la BNP avisait Patrick Y... que le compte SEF était par exemple débiteur de dix millions, ce dernier recherchait le compte duquel il pouvait extraire les fonds ;

que par le débit d'un compte bancaire SEC, il virait quatre millions ou plus sur le compte bancaire de la SEF ;

que plusieurs exploitants agricoles ont bénéficié de paiements bien supérieurs à ceux auxquels ils pouvaient prétendre ;

que le bilan 1982 a été falsifié dans le but de dissimuler un " trou financier " important ;

que, notamment, Patrick Y... a modifié les stocks en fonction du résultat souhaité et qu'il a majoré le poste " clients " par inscription d'opérations imaginaires ;

qu'au bilan 1982, le passif à court terme était de l'ordre de trente millions de francs ;

qu'il était contrebalancé par des créances sur clients et un stock d'environ 32 600 000 francs ;

que Patrick Y... a altéré frauduleusement la vérité de manière préjudiciable dans des écrits, en établissant de faux décomptes et de fausses factures, délit prévu par les articles 150 et 151 anciens du Code pénal et l'article 441-1 nouveau du Code pénal ;

qu'il a détourné au préjudice de la SEC des deniers qui ne lui avaient été remis que pour un travail salarié à charge d'en faire un emploi déterminé, délit prévu par l'article 408 ancien du Code pénal et les articles 314-1 à 314-4 nouveaux du Code pénal ;

qu'en employant des manoeuvres frauduleuses pour persuader l'existence d'un crédit imaginaire, soit en présentant un bilan falsifié, il s'est fait remettre des fonds pour un montant de 23 993 000 francs ainsi qu'un contrat de fusion-absorption, et a, par ce moyen, escroqué partie de la fortune de la société Gustave X..., délit prévu par l'article 405 ancien du Code pénal et les articles 313-1 à 313-3 nouveaux du Code pénal ;

qu'en fonction des circonstances des infractions et de la personnalité de leur auteur, la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis est justifiée ;

que, sur l'action civile, GMSA ne peut demander réparation que du dommage directement causé par l'escroquerie dont elle a été victime ;

que la fusion-absorption a été décidée au vu du bilan de la SEC arrêté au 31 décembre 1982 ;

que les vérifications effectuées ont fait apparaître des écritures fictives ;

que, notamment, le compte " virements internes " présentait en apparence un solde positif de deux millions alors qu'en réalité, il était débiteur de 3 570 440 francs ;

que les emprunts à moins d'un an apparaissant au bilan faisaient ressortir une dette à l'égard de la BNP de 4 050 000 francs alors que suivant les règles comptables, le montant devait être de 3 800 000 francs ;

qu'en réalité, la dette à l'égard de la BNP s'élevait à cinq millions soit un passif occulté de 1 200 000 francs ;

que le redressement des écritures concernant le compte " virements internes " et le compte " crédit de campagne " a fait ressortir une différence de 6 770 000 francs ;

que le préjudice résultant directement de l'escroquerie sera évalué à ce montant ;

" 1°) alors qu'en cas de disparition d'une pièce de procédure, lorsque cette pièce ne peut être reconstituée, la procédure doit être recommencée à partir du point où ladite pièce se trouve manquer ;

qu'en décidant qu'il importait peu que deux des huit tomes du rapport d'expertise aient été égarés par le greffe du tribunal correctionnel, dès lors que Patrick Y... avait disposé du rapport complet et ne tirait aucune conséquence de la violation des droits de la défense qu'il invoquait, quand il se déduisait du moyen invoqué par le prévenu que la procédure devait être recommencée à partir d'un nouveau rapport d'expertise, la cour d'appel a violé les textes et principes visés au moyen ;

" 2°) alors que les juges, tenus d'assurer aux parties un procès équitable, ne sauraient méconnaître les droits de la défense ;

qu'en décidant qu'il importait peu que deux des huit tomes du rapport d'expertise aient été égarés par le greffe du tribunal correctionnel, dès lors que Patrick Y... avait disposé du rapport complet et ne tirait aucune conséquence de la violation des droits de la défense qu'il invoquait, quand il s'en déduisait à tout le moins que les premiers juges n'avaient pu statuer équitablement sur la culpabilité du prévenu, en l'état d'un rapport incomplet, pas plus que la Cour ne le pouvait, la cour d'appel a violé les textes et principes visés au moyen ;

" 3°) alors que les juges, tenus d'assurer aux parties un procès équitable, ne sauraient méconnaître les droits de la défense ;

qu'en toute hypothèse, en statuant sur la culpabilité de Patrick Y... et, partant, sur les intérêts civils, sur la base d'un rapport d'expertise incomplet, la cour d'appel a violé les textes et principes visés au moyen " ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la cour d'appel a statué au vu d'un rapport d'expertise ne comprenant pas ses annexes, dès lors qu'il était en possession de celles-ci, qu'il a pu les discuter et qu'il s'est borné dans ses écritures à solliciter qu'il lui soit donné acte de leur absence dans le dossier de la Cour ;

Que les juges, qui n'étaient pas tenus de recommencer l'instruction à partir de l'expertise et qui n'ont pas méconnu les droits de la défense, ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen, qui tend à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, MM. Milleville, Joly, Mme Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-85008
Date de la décision : 04/08/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, 15 mai 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 aoû. 1998, pourvoi n°97-85008


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.85008
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