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04/08/1998 | FRANCE | N°97-82307

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 août 1998, 97-82307


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre août mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIETE DES PETROLES SHELL, partie civile, contre l'arrêt de

la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 12 mars 1997, qui, statuant su...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre août mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIETE DES PETROLES SHELL, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 12 mars 1997, qui, statuant sur intérêts civils et sur renvoi après cassation, l'a déboutée de ses demandes après relaxe d'Isidro X... et Patricia Y..., épouse X..., du chef d'abus de confiance ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société des pétroles Shell a confié à la société X..., devenue société du Rond Point, gérée par les époux X..., l'exploitation d'une station-service, lui donnant mandat de vendre les produits Shell aux prix et conditions fixées par elle, d'en percevoir le prix et, après déduction des commissions, de verser les fonds sur le compte bancaire spécial ouvert à cet effet ;

Que, la société Shell ayant mis fin au contrat le 8 octobre 1991 avec effet au 21 janvier 1992, la société X... a donné instruction à la banque, courant novembre 1991, de bloquer le compte sur lequel la société pétrolière prélevait les sommes lui étant dues, puis a assigné cette dernière devant le tribunal de commerce le 27 novembre suivant ;

Que, par acte du 9 janvier 1992, la société Shell a cité directement les époux X... devant le tribunal correctionnel de Melun du chef d'abus de confiance, leur reprochant une rétention abusive des sommes correspondant au montant des ordres de prélèvement, impayés entre le 9 et le 27 novembre 1991 ;

Attendu que les époux X..., condamnés pour ces faits en première instance, ont été relaxés par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 1er juin 1995;

que cette dernière décision a été cassée en ses dispositions civiles par arrêt de la Chambre criminelle du 23 mai 1996 ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 408 de l'ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué statuant sur les seuls intérêts civils a déclaré non établie l'existence d'un abus de confiance et en conséquence débouté la société Shell de sa constitution de partie civile ;

"aux motifs qu'il n'est ni démontré ni même soutenu que les époux X... n'aient pas déposé les sommes correspondant au produit des ventes de carburant sur le compte spécial ouvert à la demande de la société des pétroles Shell, cette dernière se bornant à indiquer dans la citation directe qu'elle a fait délivrer à M. et Mme X... que "la société X... a donné ordre à la banque gestionnaire du compte spécial de ne plus payer les avis de prélèvement adressés par la société Shell au titre de la restitution de la recette lui appartenant"... que dans ces circonstances d'espèce le simple défaut de restitution des sommes provenant des ventes de produits Shell, régulièrement versées sur le compte destiné à les recevoir n'implique pas nécessairement leur détournement ou leur dissipation, éléments essentiels de l'abus de confiance ;

"alors que, d'une part, le détournement constitutif d'abus de confiance se trouvant caractérisé du seul fait que par suite d'agissements frauduleux le propriétaire n'est plus en mesure d'exercer ses droits sur la chose ou les fonds remis à titre précaire sans qu'il soit pour autant nécessaire que le détenteur se soit approprié la chose confiée ou en ait tiré un profit personnel, le fait pour un mandataire de donner instruction à un établissement bancaire de refuser à son propre mandant la restitution des sommes qu'il avait perçues pour le compte de ce dernier et donc de l'empêcher d'exercer ses droits sur ces fonds suffit à caractériser la matérialité d'un détournement quand bien même lesdites sommes seraient demeurées sur le compte ouvert auprès de l'établissement bancaire;

que, dès lors, la Cour qui a prétendu se fonder sur la circonstance au demeurant incertaine qu'il ne serait pas établi que les époux X... n'aient pas déposé les sommes correspondant au produit des ventes de carburant sur le compte spécial ouvert au nom de la société Shell et sur lequel cette dernière pouvait seule effectuer des prélèvements pour en déduire que n'était pas établie l'existence d'un détournement, lequel ne saurait résulter d'un simple défaut de restitution, n'a pas dès lors en l'état de cette insuffisance de motifs légalement justifié sa décision, le détournement se trouvant caractérisé du seul fait que la société Shell n'avait pu par suite du refus opposé par les époux X... nonobstant deux mises en demeure percevoir les sommes correspondant à la vente de carburant qu'elle avait livré aux prévenus ;

"et alors que, d'autre part, la Cour s'est totalement abstenue de statuer sur l'un des griefs dénoncés par la partie civile et tenant au fait que les époux X... avaient postérieurement à la cessation des relations contractuelles conservé et disposé pour leur propre profit du reliquat de stock de fuel se trouvant dans les cuves et représentant la somme de 350 107, 20 francs, ce qui par conséquent prive de toute base légale la décision déclarant non établie l'existence d'un abus de confiance et en conséquence déboutant la société Shell de ses demandes en réparation" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 408 de l'ancien Code pénal, 314-1 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré non caractérisée l'existence d'un délit d'abus de confiance et a en conséquence débouté la société Shell partie civile de ses demandes ;

"aux motifs qu'il résulte des documents versés aux débats par les parties qu'antérieurement à ce blocage, la société des pétroles Shell avait fait connaître à la SARL X... sa décision de mettre fin à ses relations contractuelles et avait précisé qu'à la date de résiliation du contrat, soit le 21 janvier 1991, elle entendait procéder à l'ensemble des opérations de fin de contrat, c'est-à-dire à la reddition des comptes, aux inventaires, à l'état des lieux et à la restitution des locaux en bon état et qu'en réplique, le demandeur, qui entendait discuter les comptes a, d'une part, fait assigner la société Shell devant le tribunal de commerce de Paris pour voir discuter la régularité des conventions passées et obtenir en tout état de cause la juste indemnisation de l'accroissement de valeur économique qu'il avait apporté au point de vente à son propre détriment et de la perte de bénéfices potentiels et, d'autre part, donner instruction à son banquier de refuser tout prélèvement à la société Shell sur le compte ouvert pour la restitution de la recette;

que dans ces circonstances d'espèce le simple défaut de restitution des sommes provenant des ventes des produits Shell n'implique pas nécessairement leur détournement, élément essentiel de l'abus de confiance, dès lors qu'en l'absence de reddition définitive des comptes n'est pas constaté de détournement et que ne sont pas relevés des faits qu'il implique nécessairement;

qu'en outre, la société Shell ne rapporte pas la preuve que les époux X... ont agi avec une intention frauduleuse ;

"alors que, d'une part, les prélèvements n'ayant pu être effectués par la société Shell au mois de novembre 1991 portant sur des recettes encaissées en son nom par les époux X... sur la vente de carburants d'ores et déjà livrés par la société Shell, la circonstance que la cessation des relations contractuelles devant intervenir au 21 janvier 1992 implique une reddition des comptes au demeurant inhérente au contrat de mandat s'avère manifestement inopérante à justifier le refus opposé aux prélèvements susvisés d'autant que non seulement il n'a jamais été allégué par les prévenus que ce refus ait été fondé sur l'existence de sommes qui leur seraient dûes et que de plus la Cour relève elle-même que l'arrêté des comptes implique un ensemble d'opérations prévues en faveur du mandant tel l'état des lieux en vue de la restitution en bon état comme de l'inventaire ;

"et alors que, d'autre part, la Cour, qui a ainsi prétendu justifier la rétention de sommes dûes à la société Shell en affirmant aux lieu et place de la juridiction compétente pour le faire et du reste saisie à cette fin que les époux X... avaient droit à une juste indemnisation de l'accroissement de valeur économique qu'ils avaient apporté au point de vente à leur propre détriment ainsi qu'à la perte du bénéfice potentiel sans même préciser les éléments de fait lui permettant de retenir une telle affirmation, n'a pas, en l'état de ces motifs manifestement entachés d'insuffisance, légalement fondé sa décision justifiant la rétention de sommes appartenant à la société Shell par une créance au demeurant entièrement hypothétique des époux X..." ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, la citation directe délivrée le 9 janvier 1992 par la société Shell n'ayant saisi la juridiction correctionnelle que du détournement des recettes et non de celui du stock de carburant existant à la fin des relations contractuelles, les juges n'avaient pas à statuer de ce chef ;

Attendu que, pour dire le délit d'abus de confiance non établi, les juges relèvent notamment que la preuve n'est pas rapportée que les époux X... ont agi avec une intention frauduleuse ;

Que cette énonciation souveraine n'est pas remise en cause par la demanderesse au pourvoi ;

D'où il suit que les moyens, dont le premier, pris en sa seconde branche, manque en fait, sont, pour le surplus, inopérants ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, MM. Milleville, Joly, Mme Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-82307
Date de la décision : 04/08/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 12 mars 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 aoû. 1998, pourvoi n°97-82307


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.82307
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