La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/1998 | FRANCE | N°97-83612

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 juillet 1998, 97-83612


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... ou A... Mojtaba, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, du 25 avril 1997, qui, pour

participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... ou A... Mojtaba, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, du 25 avril 1997, qui, pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, l'a condamné à 7 ans d'emprisonnement avec maintien en détention et a ordonné la confiscation des scellés ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 427, 463, 513 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté la demande de jonction de pièces présentée par Mojtaba Y..., l'a déclaré coupable de participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs délits ou d'un ou plusieurs crimes punis de 10 ans d'emprisonnement, et l'a condamné à la peine de 7 ans d'emprisonnement ;

" aux motifs que la Cour constate que les pièces de la procédure P902993901 / 6 dont la jonction est demandée sont constituées de procès-verbaux datés respectivement de septembre 1993, novembre 1993, décembre 1993, janvier 1994, mai 1994 et mars 1995 ;

qu'elle relève que l'information relative au présent dossier, ouverte le 15 décembre 1993, a fait l'objet d'une ordonnance de notification de clôture le 18 décembre 1995 ouvrant aux parties un délai de 20 jours pour présenter requête sur le fondement des articles 81, 9° alinéa, 82-1, 156, 1° alinéa, et 173, 3° alinéa, du Code de procédure pénale ;

qu'elle observe également que le juge d'instruction a opéré lui-même les jonctions qui lui paraissent nécessaires du dossier P902993901 / 6 au présent dossier et qu'il était, dès lors, loisible aux prévenus et à leurs avocats de solliciter d'autres jonctions ;

qu'or, ni dans le cours de l'information, ni dans le délai précité, la jonction des pièces précitées n'a été demandée ;

qu'enfin, la Cour constate que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris prise le 12 avril 1996 a mis un terme à la procédure d'instruction et a saisi, en l'état du dossier, la juridiction de jugement ;

qu'il convient donc de rejeter la mesure sollicitée ;

" alors que lorsque la demande de jonction de pièces en provenance d'une autre procédure est formée après l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, elle doit s'analyser en une demande de supplément d'information ;

qu'en rejetant cette demande aux motifs qu'elle n'avait pas été formée au cours de l'instruction à laquelle il avait été mis un terme par l'ordonnance de renvoi, la Cour a méconnu l'étendue de ses propres pouvoirs et violé les textes susvisés ;

" alors qu'à moins de démontrer, par une décision motivée, l'impossibilité ou l'inutilité de leur production, le juge est tenu de recevoir tous les éléments de preuve et moyens de défense, à tous les stades de la poursuite, et même au cours des débats devant la juridiction de jugement, dès lors que ces pièces font l'objet d'une discussion contradictoire ;

que, dès lors, en se retranchant derrière la tardiveté de la demande de jonction, sans rechercher si les pièces dont la production était sollicitée n'étaient pas de nature à contribuer à la manifestation de la vérité et, partant, ne devaient pas être soumises au débat contradictoire, la cour d'appel, qui se détermine par une motivation inopérante, a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés et méconnu les exigences du procès équitable " ;

Attendu que, pour rejeter la demande présentée par Mojtaba Y... aux fins de jonction, à la présente procédure, de certaines pièces de l'information suivie contre lui du chef de complicité d'assassinat, les juges du second degré, par motifs propres et adoptés, constatent que ni au cours de l'information, ni dans le délai de 20 jours prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale, le prévenu ou son avocat n'a sollicité la jonction d'autres pièces ;

qu'ils relèvent que le juge d'instruction a opéré lui-même la jonction des pièces qui lui paraissaient utiles et que le dossier comporte toutes celles qui sont favorables au prévenu ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors qu'une requête aux fins de jonction de pièces en provenance d'une autre procédure ne saurait s'analyser en une demande de supplément d'information, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués, ni méconnaître les dispositions conventionnelles visées au moyen ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 450-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à la peine de 7 ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs ;

" aux motifs que Mojtaba Y... assure quant à lui qu'il est la victime à la fois des calomnies de Hossein Z... et d'un " montage " des services de police qui ont constitué contre lui de fausses preuves. La Cour relève, cependant, que les déclarations de Hossein Z..., tant devant la brigade criminelle que devant le juge d'instruction, ont été longues, spontanées et circonstanciées à la fois quant aux actes constitutifs de l'association de malfaiteurs avec Mojtaba Y... que relativement aux visées terroristes de ces actes, connues des deux prévenus. Ces déclarations ont été confirmées par les victimes ainsi que par de très nombreux témoins B..., C..., D... et E..., qui ont précisé les circonstances dans lesquelles ils avaient été approchés par Hossein Z... et Mojtaba Y... pour commettre des attentats ou les préparer. M. X..., en particulier, a très précisément décrit les menées terroristes de Mojtaba Y... et les moyens mis en oeuvre par ce dernier pour y parvenir, et il a maintenu ses accusations lors de sa confrontation avec le prévenu ;

ces déclarations ont été également corroborées par les constatations précises de la Direction de la surveillance du territoire et les surveillances de Mojtaba Y... opérées par la police judiciaire et qui ont toutes mis en évidence ses allées et venues seul ou avec Hossein Z..., ses tentatives pour se soustraire aux surveillances policières, les réunions et rencontres à Orly courant novembre 1989 entre le prévenu, M. X... et les membres des services de renseignements Iraniens ;

Il résulte de ces éléments, ainsi que des motifs relevés par les premiers juges et que la Cour adopte, que Mojtaba Y... et Hossein Z... avaient constitué une véritable entente pour préparer un ou plusieurs crimes en relation avec une entreprise terroriste. Cette entente, dont la loi n'exige pas la connaissance d'un crime précis, mais une connaissance générale du caractère infractionnel, est établie par plusieurs actes matériels préparatoires rappelés par les témoignages précités ;

les tentatives de recrutement d'hommes de main auprès de plusieurs ressortissants iraniens, les recherches de renseignements auprès de témoins, les surveillances et repérages de victimes ou de leurs proches. La Cour confirmera en conséquence le jugement frappé d'appel sur les qualification et déclaration de culpabilité des prévenus ;

" alors que, si les juges du fond apprécient souverainement les éléments constitutifs d'un délit, leur appréciation n'est souveraine qu'à la condition d'être motivée et exempte d'illégalité ;

qu'en se bornant à énoncer que l'entente est, en l'espèce, établie par plusieurs actes matériels préparatoires rappelés par les témoignages précités, sans constater une préparation caractérisée par un ou plusieurs actes matériels bien définis, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 450-1 du nouveau Code pénal, 2, 2-9 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Association SOS Attentats et condamné Mojtaba Y... à lui payer la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts outre une indemnité pour frais irrépétibles ;

" aux motifs que, par voie de conclusions, l'avocat de la partie civile, l'Association SOS Attentats, sollicite de la Cour la confirmation du jugement déféré et la condamnation des deux prévenus au versement de la somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel ;

que, par voie de conclusions, l'avocat de Mojtaba Y... soulève l'irrecevabilité de la partie civile SOS Attentats ;

qu'il expose que l'infraction reprochée au prévenu, association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes en relation avec une entreprise terroriste " est distincte d'autres infractions commises contre les personnes et les biens ou commises par les membres de l'association " ;

que, dès lors, la partie civile n'évoquant aucun préjudice distinct et lié directement à la seule commission des infractions reprochées à Mojtaba Y..., il convient de la déclarer irrecevable ;

que la Cour observe que l'Association SOS Attentats a reçu de par la loi l'agrément spécial visé à l'article 2-9 du Code de procédure pénale de se constituer partie civile pour assister les victimes d'infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du même Code ;

que cette dernière disposition législative vise expressément le délit de participation à une association de malfaiteurs ayant pour objet de préparer des actes de terrorisme, et déclare ces dispositions d'application immédiate ;

que, dès lors, la Cour constatera la recevabilité de l'action de SOS Attentats ;

qu'elle confirmera comme bien fondée la condamnation solidaire de Mojtaba Y... et Hossein Z... prononcée par les premiers juges et modifiera la somme attribuée sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, en condamnant solidairement les prévenus à lui attribuer la somme de 10 000 francs toutes instances confondues, la somme d'un franc à titre de dommages et intérêts étant maintenue ;

" alors que l'association de malfaiteurs définie par l'article 450-1 du nouveau Code pénal constitue une incrimination indépendante des crimes ou délits contre les personnes ou les biens qui sont préparés ou commis par les membres de l'association ;

que, dès lors, doit être déclarée irrecevable la constitution de partie civile de l'Association SOS Attentats qui, fondée sur ce chef d'inculpation, n'invoque aucun préjudice prenant directement sa source dans l'infraction reprochée et distinct de celui pouvant résulter des autres crimes ou délits susceptibles d'être imputés aux personnes mises en cause " ;

Attendu qu'en déclarant recevable et bien fondée, par les motifs repris au moyen, la constitution de partie civile de l'Association SOS Attentats, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

Qu'en effet, toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d'assister les victimes d'infractions, tient de l'article 2-9 du Code de procédure pénale le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du même Code qui vise expressément le délit de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, prévu par l'article 421-2-1 du Code pénal ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Challe conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Grapinet, Roger conseillers de la chambre, Mme de la Lance conseiller référendaire ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-83612
Date de la décision : 09/07/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) CHAMBRE D'ACCUSATION - Pouvoirs - Supplément d'information - Demande d'une partie - Forme - Requête aux fins de jonction des pièces (non).


Références :

Code de procédure pénale 175

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10ème chambre, 25 avril 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jui. 1998, pourvoi n°97-83612


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SCHUMACHER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.83612
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award