AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Voyages Tourneux, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 23 février 1996 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre B), au profit de M. Moncef X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 mai 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire rapporteur, MM. Bouret, Lanquetin, conseillers, M. Martin, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 412-18 et L. 425-1 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la procédure spéciale de licenciement s'applique lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance, avant sa convocation à l'entretien préalable au licenciement, de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical ou de sa candidature aux fonctions de délégué du personnel ;
Attendu que pour ordonner la réintégration de M. Y... au sein de la société Voyages Tourneux, l'arrêt attaqué a relevé que les lettres de désignation du salarié, par le syndicat CGT, en qualité de délégué syndical et de candidat titulaire aux élections de délégués du personnel, avaient été reçues par la société le 5 décembre 1994 au matin et que la lettre de notification du licenciement avait été expédiée le même jour à 12 heures;
que la société avait eu, dès lors, connaissance de la double désignation et que le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions des articles L. 412-18 et L. 425-1 du Code du travail constituait un trouble manifestement illicite ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à son licenciement qui s'était tenu le 24 novembre 1994 et qu'ainsi la procédure de licenciement avait été engagée antérieurement à la notification de la désignation et de la candidature;
qu'il s'ensuivait que celles-ci ne pouvaient entraver le cours de la procédure de rupture ;
D'où il suit que la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.