AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 21 novembre 1995 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), au profit de la société Constructions modulaires du Ponant, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 mai 1998, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bouret, conseiller rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bouret, conseiller, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande annexé au présent arrêt :
Attendu que M. Y..., employé de la société Constructions modulaires du Ponant en qualité de responsable administratif et comptable, a été licencié par lettre du 22 octobre 1993 pour le motif économique suivant : "réduction des coûts fixes par sous-traitance d'une partie de la comptabilité à un cabinet extérieur entraînant la suppression du poste de comptable" ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 21 novembre 1995) de l'avoir débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'il n'a pas été répondu à ses conclusions faisant valoir l'imprécision du motif de licenciement ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé qu'il était précisé dans la lettre de licenciement que la suppression de l'emploi était consécutive à une restructuration, a répondu en les écartant aux conclusions invoquées;
que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation pris en sa première branche :
Vu l'article L. 321-1 du Code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que si le transfert du service où travaillaient M. Y..., responsable administratif et comptable, et Mme X..., secrétaire, nécessitait le maintien dans l'entreprise d'une personne pour assurer les opérations simples de saisie informatique et les transmettre au cabinet comptable, la présence d'un chef de service de la compétence de M. Y..., alors que toutes les opérations importantes étaient faites à l'extérieur, ne se justifiait plus;
que M. Y... ne peut reprocher à l'entreprise CMP de ne pas lui avoir proposé un poste de moindre importance comme celui de secrétaire comptable, alors que sa formation ne le prédisposait pas à remplir cette fonction et qu'il se trouvait en compétition avec Mme X..., également licenciée pour les mêmes causes dont la formation correspondait exactement à cet emploi;
que d'autre part, le salarié ne justifie pas qu'il ait été possible à l'employeur de lui proposer un autre poste ;
Attendu, cependant, que le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir, en cas de suppression d'emploi, que si son reclassement dans l'entreprise et, le cas échéant, dans le groupe auquel appartient l'entreprise s'avère impossible;
que l'employeur doit prendre l'initiative de proposer au salarié, en lui assurant l'adaptation éventuellement nécessaire, des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure par voie de modification du contrat de travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résulte de ses propres constatations que l'emploi disponible de secrétaire comptable n'avait pas été proposé au salarié par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Constructions modulaires du Ponant aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.