La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/1998 | FRANCE | N°97-83838

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 juillet 1998, 97-83838


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- BENAICHA Brahim, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 4 juin 1997, qui, pour faux, usage de faux et confirmation d'inf

ormations mensongères, l'a condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et a ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- BENAICHA Brahim, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 4 juin 1997, qui, pour faux, usage de faux et confirmation d'informations mensongères, l'a condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et a statué sur l'action civile ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 150, 147 et 151 de l'ancien Code pénal en vigueur au moment des faits, 441-1 et suivants du nouveau Code pénal, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Brahim Benaicha coupable de faux et d'usage de faux ;

"aux motifs que, la décision d'enregistrer en comptabilité un prêt au bénéfice de la société FIBT a été prise lors de l'établissement du bilan de l'exercice 1992 et a répondu au souci avoué par Brahim X... d'éviter que le solde débiteur de ce compte ne soit considéré comme un revenu distribué, que l'inexistence du prêt résulte des constatations matérielles opérées quant à la date d'enregistrement des écritures, de l'impossibilité des intéressées de produire l'instrumentum d'une convention, ainsi que des artifices employés pour conférer une apparence de régularité à ces écritures ;

"que vainement, Brahim Benaicha soutient qu'une convention de compte courant est assimilable à une convention de prêt, que les caractéristiques des rapports nés des deux types de conventions ne sauraient être identiques, le compte courant supposant la compensation permanente des créances et des dettes;

qu'il ne peut davantage invoquer la licéité d'opérations de régularisation a posteriori des écritures comptables, ces opérations ne pouvant permettre d'enregistrer dans la comptabilité sociale une convention fictive, ayant eu pour effet, non de modifier le résultat de l'exercice, mais de masquer la réalité des opérations réalisées, que ces faits constituent un faux dans les écritures comptables ainsi que la confirmation d'informations mensongères ;

"alors que, d'une part, les délits de faux et d'usage de faux supposent, pour être constitués, une altération frauduleuse de la vérité qui ne peut résulter de la seule qualification juridique donnée à une opération réelle n'ayant fait l'objet d'aucune convention écrite;

que, dès lors, en l'espèce, où il est constant que la société ACT a effectivement versé à la date figurant dans la comptabilité sociale, une somme d'argent à sa société mère FIBT, sans qu'il existe aucune obligation préexistante à ce paiement devant faire l'objet d'un remboursement, le fait que ce versement ait figuré dans la comptabilité de la société qui l'a effectué sous la qualification de prêt, afin d'éviter que le compte courant de sa bénéficiaire ne se trouve débiteur et que son solde ne soit considéré par le fisc comme constituant un revenu distribué, les juges du fond ont violé les textes visés au moyen en décidant que cette qualification de prêt constituait les délits de faux et d'usage de faux dont ils ont déclaré le demandeur coupable ;

"alors que, d'autre part, la qualification juridique donnée à une opération réelle ne pouvant en elle-même causer aucun préjudice à quiconque, les juges du fond ont violé les textes visés au moyen en en faisant application bien que ceux-ci supposent l'existence ou la possibilité d'un préjudice causé à autrui" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 457 de la loi du 24 juillet 1966, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Brahim Benaicha coupable d'avoir donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société ACT ;

"aux motifs que les experts ont relevé que le bilan de la société ACT au 31 décembre 1992 mentionnait comme seule immobilisation financière la somme de 17 004 000 francs au titre du prêt consenti à FIBT et de ses intérêts, qu'ils indiquent qu'il eût été nécessaire de s'assurer de la recouvrabilité de cette somme et que compte tenu de la dégradation des capitaux propres de la société FIBT, aucune certitude quant aux possibilités de remboursement n'existait, qu'à cette date le fonds de roulement était négatif de 263 millions de francs et que les comptes de FIBT pour le même exercice ont fait l'objet de réserves de la part des experts eu égard aux doutes sur les possibilités de recouvrement du solde débiteur du compte courant de Bernard Y..., que cette créance aurait donc dû faire l'objet d'une provision;

que de même aurait dû être provisionné le compte courant de Bernard Y... qui était débiteur dans les livres d'ACT de 18 200 000 francs au 31 décembre 1992 et dont le montant sera extourné le 31 mars suivant par le débit du compte de FIBT ;

"que les premiers juges ont à juste titre estimé que le défaut de provision avait entaché la sincérité des comptes ;

"alors que, dans ses conclusions, Brahim Benaicha expliquait, que lorsqu'il avait certifié la sincérité des comptes de la société ACT, son banquier la SDBO qui avait accordé un prêt de 80 millions de francs à cette société, avait également consenti un prêt de 237 millions de francs à sa société mère, la société GBT, avant de lui consentir un nouveau prêt participatif de 250 millions de francs et de consentir un prêt participatif de 100 millions de francs à la société FIBT à laquelle la même banque venait également d'accorder un prêt de 83 005 000 francs et que ce n'était qu'un an après la certification des comptes de l'exercice 1992 que le divorce avait été consommé entre les sociétés de Bernard Y... et la banque SDBO, en sorte qu'au moment où il avait certifié les comptes de la société ACT, il n'avait aucune raison de douter de la solvabilité des sociétés du groupe Y...;

qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce moyen péremptoire de défense après avoir pourtant reconnu, contrairement aux premiers juges, qu'il n'était pas possible d'affirmer que la situation commandait d'apprécier les actifs en valeur liquidative à la date de la clôture de l'exercice, la Cour a laissé sans réponse le moyen péremptoire de défense du prévenu tiré de l'importance des crédits qui venaient d'être accordés à la société FIBT par son banquier" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société "Financière et Immobilière Bernard Y..." (FIBT) a acquis, en juin 1986, la quasi-totalité des actions de la société "Alain Colas Tahiti" (ACT), ayant pour seule activité l'exploitation d'un navire, dénommé "PHOCEA", dont les résultats se sont révélés constamment déficitaires de 1984 à 1993 et dont le fonctionnement a été assuré par des avances en compte courant consenties par la société FIBT, puis en 1992 par un emprunt de 80 000 000 francs consenti par la société des Banques Occidentales (SDBO), filiale du Crédit Lyonnais, et en 1993 par un découvert bancaire ;

que le prêt a permis à la société ACT de virer 55 000 000 francs sur le compte courant de la société FIBT, ce compte devenant alors débiteur de 15 837 000 francs ;

Attendu que, pour déclarer Brahim Benaicha, commissaire aux comptes de la société ACT, coupable de faux, usage de faux et confirmation d'informations mensongères sur la situation de cette société, la cour d'appel énonce, par motifs propres ou adoptés, que, masquant la réalité des opérations réalisées, le prévenu a enregistré en comptabilité un prêt fictif du 30 juin 1992 de 16 000 000 francs au bénéfice de la société FIBT pour éviter que le solde débiteur du compte courant de celle-ci ne soit considéré comme un revenu distribué susceptible d'entraîner un redressement fiscal, qu'il a fait usage de ces écritures à l'occasion de l'établissement des comptes annuels, que, dans son rapport spécial du 14 juin 1993, il a fait état de la convention de prêt, alors qu'aucun contrat n'a été négocié, formalisé, ni approuvé par le conseil d'administration et qu'une telle opération n'est pas assimilable à une convention de compte courant;

qu'elle retient qu'il a porté cette opération à la connaissance de l'assemblée générale ordinaire pour essayer d'en couvrir la nullité ;

Que les premiers juges ajoutent que les experts ont relevé que le bilan 1992 de la société ACT ne mentionnait comme seule immobilisation financière que le montant et les intérêts du prêt consenti à la société FIBT, que la "recouvrabilité" de cette somme était incertaine compte tenu de la dégradation des capitaux propres de cette société, et que cette créance aurait dû faire l'objet d'une provision, comme le compte courant de Bernard Y... débiteur dans les livres de la société ACT de 18 200 000 francs;

qu'ils concluent que le défaut de provision avait entaché la sincérité des comptes et qu'en approuvant sans réserve les comptes de l'exercice 1992, Brahim Benaicha a confirmé des informations mensongères ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs dénués d'insuffisance et de contradiction, la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, qui discutent l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits de la cause et de la valeur des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Grapinet, Challe, Roger conseillers de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-83838
Date de la décision : 02/07/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SOCIETE - Société par action - Société anonyme - Commissaire aux comptes - Informations mensongères - Eléments constitutifs - Constatations suffisantes.


Références :

Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 457

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 04 juin 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 jui. 1998, pourvoi n°97-83838


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SCHUMACHER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.83838
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award