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25/06/1998 | FRANCE | N°97-81647

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 juin 1998, 97-81647


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X..., épouse Y...,
- la société Tay Huor,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 18 février 1997, qui, pour infractions à la législation en matière de garantie des métaux précieux, les a condamnées solidairement au paiement de sommes à titre d'amendes, de confiscation et de droits fraudés et a ordonné la confiscation au profit de l'administration des Douanes de 774 ouvrages saisis.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit en demande, commun aux

2 demanderesses, et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pr...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X..., épouse Y...,
- la société Tay Huor,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 18 février 1997, qui, pour infractions à la législation en matière de garantie des métaux précieux, les a condamnées solidairement au paiement de sommes à titre d'amendes, de confiscation et de droits fraudés et a ordonné la confiscation au profit de l'administration des Douanes de 774 ouvrages saisis.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit en demande, commun aux 2 demanderesses, et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 3 de la loi n° 88-23 du 7 janvier 1988, portant maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, 510, 591 à 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la cour d'appel ayant statué, aux termes de l'arrêt attaqué, sur les poursuites dirigées contres les demanderesses, était, notamment, composée de Mme Petit, président de chambre maintenu en activité en qualité de conseiller, par application de la loi du 7 janvier 1988 ;
" alors que toute décision doit faire preuve par elle-même de sa régularité formelle ;
" qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 7 janvier 1988, les magistrats ne peuvent être maintenus en activité au-delà de la limite d'âge qu'à la condition d'en avoir fait la demande au plus tard le 31 décembre 1995, et ce pour une période non renouvelable de 3 ans, tandis qu'aux termes de l'article 3 de la même loi, le maintien en activité ne peut, en tout état de cause, se prolonger au-delà de l'âge de 70 ans ;
" qu'ainsi, ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale et ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la cour d'appel, la décision attaquée du 18 février 1997, qui s'abstient d'indiquer au jour du prononcé de l'arrêt l'âge de Mme Petit, la date de sa demande tendant au maintien en activité, et la date à laquelle est intervenue la décision admettant l'intéressée au bénéfice de cette mesure " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt que la cour d'appel était composée de Mme Petit, président de chambre maintenu en activité en qualité de conseiller en vertu de la loi du 7 janvier 1988, et de MM. Guilbaud et Paris, conseillers ;
Attendu que ces seules mentions suffisent à établir la régularité de la composition de la juridiction au regard de l'article 510 du Code de procédure pénale ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 407, 443, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que, à l'audience des débats du 19 novembre 1996, Z..., interprète majeur, a prêté serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience, puis a pris place aux côtés de la Cour pour l'exercice de ses fonctions ;
" alors qu'aux termes de l'article 407 du Code de procédure pénale, l'interprète désigné d'office par le président de la juridiction doit être âgé de 21 ans au moins ;
" qu'ainsi, ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la désignation de l'interprète l'arrêt attaqué, qui se borne à indiquer que celui-ci est majeur, sans préciser si l'intéressé était, au jour de l'audience des débats, âgé de 21 ans au moins " ;
Attendu qu'en l'absence de toute contestation à l'audience, la personne appelée à remplir la fonction d'interprète est présumée avoir eu l'âge requis par la loi ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 26, L. 36 et L. 38 du Livre des procédures fiscales, 385, 427, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la visite du 5 février 1994, fondée sur le non-respect des dispositions de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales ;
" aux motifs, propres, qu'il ne peut être déduit de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales, dont le champ d'application est nécessairement distinct de celui de l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales réglementant le droit de visite et de contrôle dans les locaux professionnels des assujettis, que les pouvoirs des agents agissant dans le cadre de ce dernier article seraient dépourvus de toute finalité, les contrôles effectués ne pouvant permettre ni de constater les infractions ni d'opérer la saisie des objets de fraude ; que la décision critiquée est conforme à la jurisprudence la plus récente de la Cour de Cassation (Cass. Crim. 30 novembre 1995) et sera confirmée par la Cour (arrêt, page 7) ;
" et aux motifs, adoptés des premiers juges, qu'il est soutenu que ce contrôle aurait dû s'opérer en respectant les dispositions de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales et, notamment, être précédé d'une autorisation judiciaire, le droit d'exercice de l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales devant se limiter à une simple visite et non pas permettre de rechercher et de constater des infractions ni de procéder à des saisies ; qu'il est allégué qu'en l'espèce, les dispositions de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales auraient dû, d'autant plus, être observées que le contrôle ainsi qu'il résulte de la lecture même du procès-verbal et des témoignages recueillis des salariés, se serait déroulé comme une perquisition : ouverture des coffres-forts situés dans les bureaux attenant à la boutique, saisie entre les mains des ouvriers d'ouvrages en cours de réalisation, fouille des meubles, sondage de l'appareil de climatisation, décollement des plinthes de murs à l'aide de couteaux, fouille de la gérante et de sa belle-mère ; que, selon les articles L. 26 et L. 36 du Livre des procédures fiscales, les agents de l'Administration disposent, en matière de contributions indirectes, d'un droit de contrôle des personnes assujetties à la réglementation dans les locaux professionnels pour procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et généralement aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la législation ; " que l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales réglemente les conditions dans lesquelles, pour rechercher les infractions en matières de contributions indirectes, les agents de l'Administration habilités à cet effet peuvent effectuer des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents se rapportant à ces infractions sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie ; que l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales permet d'opérer toutes " opérations nécessaires " à la constatation des infractions ; qu'il en résulte que les agents ont pu, à bon droit, se faire remettre par la gérante les objets exposés dans la vitrine, que celle-ci avait tenté précipitamment de dissimuler dans la poche ; que la vérification du comptoir vitrine ayant permis de découvrir, cachés derrière le tiroir caisse, de nombreux ouvrages se trouvant en infraction, il ne peut leur être fait grief d'avoir procédé à une inspection attentive de l'ensemble du mobilier et des placards ; que ces investigations ont également permis de découvrir des caches aménagées dans un appareil de climatisation et derrière la plinthe d'un mur (jugement, pages 5 et 6) ;
" alors que, ne permettant aux agents de l'Administration d'intervenir dans les lieux professionnels, sans formalité ni autorisation préalable qu'à seule fin d'y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la législation des contributions indirectes, le droit d'exercice prévu à l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales ne saurait autoriser lesdits agents à procéder à la recherche d'infractions ou à des saisies, lesquelles sont exclusivement soumises aux prescriptions de l'article L. 38 du même Code, qui, hors le cas de flagrance, subordonne l'exécution de ces mesures à l'autorisation du président du tribunal de grande instance ;
" qu'en l'espèce, il résulte tant des constatations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que des mentions du procès-verbal du 26 juillet 1994, établi à la suite de la visite opérée le 5 février de la même année, que, lors de ladite visite, les agents, qui agissaient sans autorisation préalable du président du tribunal de grande instance, ont procédé à la recherche d'infractions, en fouillant les occupants de la boutique gérée par la demanderesse, et en démontant les plinthes des murs, avant de saisir divers ouvrages en or ;
" que, dès lors, en estimant que les dispositions de l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales permettaient, dès lors que la visite est opérée dans des locaux professionnels, de constater des infractions et d'opérer la saisie d'objets de fraude, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu les articles L. 26 et L. 38 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que, si l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales permet aux agents de l'Administration d'intervenir, sans formalité préalable, dans les locaux professionnels des personnes soumises, en raison de leur profession, à la législation des contributions indirectes, pour y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et, généralement, aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par cette législation, ce texte n'autorise pas ces agents à effectuer une visite des lieux, une telle visite ne pouvant, en application de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales, être réalisée qu'en cas de flagrant délit ou sur autorisation du président du tribunal de grande instance et, dans tous les cas, avec l'assistance d'un officier de police judiciaire ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt confirmatif attaqué que des agents de l'Administration se sont rendus dans le magasin de fabrication, importation et vente d'ouvrages en métaux précieux exploité par la société Tay Huor afin d'y procéder à l'inventaire des ouvrages détenus et à la vérification de leur mention sur le livre de police ; que, procédant, à cette occasion, à une visite des lieux, ils ont découvert et saisi divers ouvrages qui y étaient dissimulés ;
Attendu que les demanderesses ont régulièrement excipé, avant toute défense au fond, de la nullité de ces opérations, pour n'avoir pas été précédées de l'autorisation judiciaire exigée par l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales, le droit d'exercice prévu à l'article L. 26 ne permettant, selon elles, aux fonctionnaires, de procéder à la visite des lieux ;
Attendu que, pour écarter cette exception, la cour d'appel énonce que l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales n'exclut pas la possibilité d'effectuer, dans les locaux professionnels et sur le fondement de l'article L. 26, toutes les opérations nécessaires à la constatation des infractions ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans constater l'existence d'une autorisation judiciaire ou d'une intervention en flagrance, en présence d'un officier de police judiciaire, permettant l'application de l'article L. 38 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les quatrième et cinquième moyens de cassation proposés,
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 18 février 1997 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-81647
Date de la décision : 25/06/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Composition - Cour d'appel - Président - Magistrat maintenu en activité - Régularité - Présomption.

1° La mention selon laquelle la cour d'appel est présidée par un magistrat maintenu en activité en qualité de conseiller en vertu de la loi du 7 janvier 1988 implique que la composition de la juridiction est régulière.

2° JUGEMENTS ET ARRETS - Mentions - Mentions obligatoires - Interprète - Age (non).

2° INTERPRETE - Capacité - Age - Constatation - Nécessité (non) 2° INTERPRETE - Capacité - Age - Présomption.

2° En l'absence de toute contestation à l'audience, la personne appelée à remplir la fonction d'interprète est présumée avoir eu l'âge requis par la loi(1).

3° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Infractions - Constatation - Intervention dans des locaux professionnels - Pouvoirs conférés aux agents de l'administration par l'article L - 26 du Livre des procédures fiscales - Pouvoirs excluant une visite des lieux dès lors que ne sont pas réunies les conditions d'application de l'article L - 38 du Livre des procédures fiscales.

3° Les agents de l'Administration tiennent de l'article L. 26 du Livre des procédures fiscales le droit d'intervenir sans formalité préalable dans les locaux professionnels des personnes soumises à la législation des contributions indirectes pour y procéder aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par cette législation mais non celui d'effectuer une visite des locaux, une telle visite ne pouvant être réalisée qu'en application de l'article L. 38 du même livre. Encourt par conséquent la censure la chambre d'accusation qui se fonde sur l'article L. 26 précité pour juger régulière la visite de locaux professionnels sans constater que cette visite avait été effectuée sur autorisation judiciaire ou en flagrance et en présence d'un officier de police judiciaire, conformément à l'article L. 38 précité.


Références :

1° :
2° :
3° :
CGI L26, L38
Code de procédure pénale 407
Loi 88-23 du 07 janvier 1988 art. 1, art. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 février 1997

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1971-07-27, Bulletin criminel 1971, n° 244, p. 606 (rejet), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1996-09-24, Bulletin criminel 1996, n° 329, p. 989 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jui. 1998, pourvoi n°97-81647, Bull. crim. criminel 1998 N° 208 p. 593
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 208 p. 593

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. de Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Soulard.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Nicolay et de Lanouvelle, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.81647
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