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25/06/1998 | FRANCE | N°97-80579

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 juin 1998, 97-80579


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Jean, contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en d

ate du 5 décembre 1996, qui, pour recel d'abus de confiance et infraction à l'art...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Jean, contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 5 décembre 1996, qui, pour recel d'abus de confiance et infraction à l'article L. 423-11 du Code de la construction et de l'habitation, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 50 000 francs d'amende, et a prononcé à son encontre la privation des droits civiques pour une durée de 3 ans ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 11, 76, 385, 386, 388, 802, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Déclaration européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'exception de nullité fondée sur l'article 11 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs que cette exception, soulevée devant le tribunal, a été reprise devant la Cour;

qu'il résulte des dispositions des articles 385 et 386 du Code de procédure pénale, que les exceptions de nullité doivent être soulevées in limine litis;

qu'en l'espèce, il ressort des notes prises par le greffier lors de l'audience devant le tribunal correctionnel que la nullité a été soulevée par le conseil de Jean B... lors des plaidoiries;

qu'en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé de l'exception de nullité, il y a lieu de la déclarer irrecevable parce que soulevée tardivement, et de rejeter l'appel sur ce point;

sur l'exception de nullité soulevée sur le fondement de l'article 76 du Code de procédure pénale : que cette exception a été soulevée pour la première fois devant la Cour;

qu'en application des articles 385 et 386 du Code de procédure pénale, il est interdit à la personne qui s'est abstenue de la soulever devant les premiers juges de le faire pour la première fois en cause d'appel;

qu'il convient en conséquence de la déclarer irrecevable en la forme ;

"alors, d'une part, que l'article 385 du Code de procédure pénale exige que les exceptions de nullité soient invoquées "avant toute défense au fond", qu'en conséquence, une exception de nullité est recevable, même soulevée lors de la plaidoirie, dès lors que le conseil du prévenu n'a pas développé les moyens de défense au fond ;

qu'en écartant l'exception de nullité au seul motif que celle-ci avait été soulevée lors des plaidoiries, sans constater qu'elle avait été soulevée après que le conseil du demandeur ait développé des moyens de défense au fond, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"alors, d'autre part, que la méconnaissance des dispositions de l'article 76 du Code de procédure pénale en matière de perquisitions, constitue une nullité substantielle portant nécessairement atteinte aux intérêts de la défense, qu'en application de l'article 802 du même Code, toute juridiction y compris la Cour de Cassation, peut être saisie d'une telle demande d'annulation ou même relever d'office l'irrégularité de sorte qu'en se bornant à relever, pour la déclarer irrecevable, que l'exception de nullité fondée sur l'article 76 était présentée pour la première fois en appel, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les deux exceptions de nullité présentées par le prévenu, la cour d'appel retient qu'elles ont été soulevées tardivement, l'une tirée de la prétendue nullité d'une perquisition, ayant été invoquée pour la première fois en cause d'appel, l'autre alléguant la violation des dispositions de l'article 11 du Code de procédure pénale, ayant été soulevée devant le tribunal correctionnel après l'interrogatoire du prévenu sur le fond, lors de la plaidoirie de son avocat ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que les exceptions de nullité doivent être présentées avant tout débat sur le fond, l'arrêt attaqué a fait l'exacte application de l'article 385 du Code précité ;

Qu'ainsi, le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 408, 460, 42 de l'ancien Code pénal, 121-3, 131-26, 132-21, 321-1, 321-9 du Code pénal, 437 de la loi du 24 juillet 1966, L.423-11 du Code de la construction et de l'habitation, 1134 du Code civil, 9 de la Déclaration des droits de l'homme, 6 de la Déclaration européenne de sauvegarde des droits de l'homme, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean B... coupable "d'avantage injustifié et de recel d'abus de confiance" et l'a condamné, en répression, à un an d'emprisonnement avec sursis, 50 000 francs d'amende et à trois ans d'interdiction des droits civiques ;

"aux motifs que, sur le recel d'abus de confiance pour les travaux de construction réalisés en 1990 et 1991 : qu'il est constant que Jean B... a fait exécuter par la SNC Kesser des travaux de finition dans le sous-sol de son immeuble à savoir la pose de trois portes en bois, d'un placard mural coulissant, d'un faux plafond en lambris, de deux petits meubles de rangement, d'un WC et d'un lave-mains avec réseau de distribution d'eau qui ont fait l'objet d'une facture établie le 19 juin 1991 par l'entreprise pour un montant de 88 000 francs TTC et payée par le prévenu;

que la SNC Kesser a sous-traité ces travaux à quatre entreprises pour un montant de 102 340,03 francs de sorte qu'il est reproché à Jean B... de receler le produit des travaux financés par les fonds de l'entreprise dont le montant détourné s'élève à 25 604,03 francs;

que Jean B... fait plaider que l'infraction serait prescrite au motif que les travaux ont été achevés au printemps 1991;

que toutefois, en l'espèce, la prescription ne commençant à courir que le jour où la détention des objets détournés a cessé, ce moyen est inopérant et doit être rejeté;

que le prévenu prétend également qu'il avait trouvé un accord avec la SNC Kesser pour faire effectuer les travaux à forfait et qu'il sollicite l'application de l'article 1793 du Code civil;

toutefois, qu'en l'espèce, s'agissant de travaux de finition et d'aménagements intérieurs et non de la construction d'un bâtiment, les dispositions de l'articles 1793 du Code civil ne sont pas applicables;

qu'en outre, ni Jean B... ni la SNC Kesser n'ont pu produire un devis écrit ou un plan arrêté entre les parties de sorte que leurs allégations, selon lesquelles un accord pour un prix forfaitaire des travaux aurait été convenu, doivent être écartées;

que, d'ailleurs, la facture du 19 juin 1991 ne comporte aucun détail de travail et ne fait référence à aucun devis;

qu'il s'ensuit que lors de l'exécution de ces travaux, les fonds de la SNC Kesser ont été détournés et dissipés irrégulièrement pour un montant de 25 604,03 francs et que Jean B... a bénéficié du produit de ces travaux;

que le 19 juin 1991 la SNC Kesser qui était en possession des factures des sous-traitants, pouvait facturer au prévenu les travaux à leur prix effectif;

que Jean B... a admis que les travaux de maçonnerie, qui ont été rendus nécessaires, ont été exécutés directement par la SNC Kesser et ne lui ont pas été facturés;

qu'en outre, en sa qualité de dirigeant d'un office d'HLM dont l'objet est la construction et la rénovation des bâtiments, il ne pouvait ignorer le prix des travaux effectués chez lui et ne peut sérieusement prétendre que la SNC Kesser, qui est l'une des plus grosses entreprises de construction en Alsace, aurait commis des erreurs grossières lors de la facturation;

que son comportement au début de l'enquête qui a consisté à occulter délibérément la participation aux travaux de la société SAPI, en liquidation judiciaire depuis 1991, qui a sous-traité pour le compte de la SNC Kesser les travaux de plâtrerie pour un montant de 11 627 francs, au prétexte qu'il s'agissait de travaux de finition, est exclusif de bonne foi, et démontre qu'il savait qu'il avait bénéficié d'avantages au préjudice de la SNC Kesser;

que dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a, à bon droit, déclaré bien-fondée la prévention du chef de recel d'abus de biens sociaux pour lesdits travaux ;

"1° - alors qu'en retenant la culpabilité de Jean B... du chef de recel d'abus de confiance, tel que ce délit était prévu par l'article 408 du Code pénal alors applicable, sans spécifier la nature du contrat qui conditionnait l'existence de l'infraction principale, la cour d'appel n'a pas caractérisé le recel d'un prétendu délit et a privé en conséquence sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;

"2° - alors que, à la supposer établie, la démarche de Jacques Z..., responsable de la société Kesser, visant à tenter d'obtenir des marchés publics pour sa société en minorant le coût des travaux réalisés chez Jean B..., n'était pas nécessairement contraire à l'intérêt de son entreprise au sens de l'article 437 de la loi du 24 juillet 1966;

que, dès lors, en déduisant l'existence d'un abus de biens sociaux de la seule constatation que la société Kesser aurait minoré le coût de ses prestations, sans rechercher si, dans l'intention de ses dirigeants, cette attitude n'était pas dictée par l'intérêt de sa société, la cour d'appel ne caractérise pas l'infraction principale et prive en conséquence sa décision de base légale au regard des textes visés au moyens ;

"3° - alors, en tout état de cause, que la cour d'appel, qui confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Jean B... du chef de "recel d'abus de confiance", tout en confirmant, dans ses motifs, le "bien-fondé de la prévention du chef d'abus de biens sociaux", laisse incertaines les infractions sanctionnées et ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée ;

"4° - alors que le jeu de la présomption d'innocence implique que la charge de la preuve incombe au ministère public, de sorte qu'en reprochant au demandeur de ne pas apporter la preuve écrite de ce que les travaux litigieux réalisés en 1991 avaient été réalisés en vertu d'un marché à prix forfaitaire, la cour d'appel a violé les principes susrappelés et les textes visés au moyen ;

"5° - alors qu'en exigeant de Jean B... qu'il établisse par la production d'un écrit le caractère forfaitaire du marché, quand ce fait pouvait être établi par tous moyens, la cour d'appel, à qui il appartenait de s'expliquer sur la nature du contrat, peu important que celui-ci n'ait pas fait l'objet d'une convention écrite, a méconnu de ce chef encore les textes et principes susvisés ;

"6° - alors qu'en estimant que la bonne foi du prévenu devait être exclue en raison de son comportement au début de l'enquête "occultant la participation aux travaux de la société SAPI" tout en reconnaissant que cette société n'était qu'un sous-traitant de la société Kesser, ce dont il résultait que Jean B... n'avait pas nécessairement conscience de son intervention autonome et encore moins du prix de sa prestation, la Cour ne caractérise nullement une quelconque intention délictueuse ;

"7° - alors que la cour d'appel ne pouvait déclarer rapportée la preuve d'une minoration des travaux sur la seule foi de factures émanant des sous-traitants de l'entreprise Kesser, lesquelles factures, outre qu'elles avaient pu être majorées de concert entre ces sous-traitants et l'entreprise Kesser pour couvrir des pratiques frauduleuses entre eux, étaient inopposables à Jean B... étranger aux relations entre l'entreprise Kesser et ses sous-traitants;

qu'en déduisant la preuve d'une minoration du coût des travaux du seul examen de ces factures, quand il lui appartenait de procéder à une évaluation objective du coût des travaux eu égard à l'importance et à la nature de ceux-ci, abstraction faite des prix indiqués sur les factures établies entre l'entreprise Kesser et ses sous-traitants, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"et aux motifs que, sur les infractions liées aux travaux de construction réalisés en 1993 : qu'il n'est pas contesté que Jean B... a confié à la SNC Kesser des travaux d'agrandissement de sa propriété après établissement d'un devis descriptif le 12 mai 1993 en vue de la création d'une loggia en façade principale d'une surface de 12 m environ pour un montant de 86 000 francs HT, soit 101 996 francs TTC ;

que le devis porte sur l'exécution des lots de gros oeuvre, charpente, couverture, menuiserie extérieure, plâtrerie et peinture extérieure mais sans indication du détail des prix par poste ni des quantités;

que deux devis complémentaires ont été établis, l'un le 24 juin 1993 pour l'installation d'un réseau d'arrosage automatique pour un montant de 13 200,18 francs et l'autre le 4 août 1993 pour le crépissage d'un mur de clôture pour un montant de 4 000 francs;

qu'après exécution des travaux, Jean B... va être destinataire de trois factures en date du 30 octobre 1993 dont les montants correspondent aux devis préalables et d'une facture du 30 novembre 1993 pour des travaux supplémentaires d'électricité qui n'avaient pas été précédés d'un devis de sorte qu'il va payer à la SNC Kesser un montant total de 125 719,18 francs;

qu'il est établi que pour les travaux qu'elle a sous-traités, la SNC Kesser a payé à ces entreprises un montant de 156 766,85 francs, et que le lot du gros oeuvre, exécuté par les ouvriers du service après-vente de la société Kesser, a été chiffré à 48 575 francs TTC, par le cabinet "Les Economistes", à la demande de Jacky Z...;

qu'il est reproché à Jean B... d'avoir recelé le produit des travaux financés au moyen des fonds détournés au préjudice de la SNC Kesser pour un montant de 79 622,67 francs;

que le prévenu fait plaider qu'il a conclu un marché à forfait avec la SNC Kesser, qu'il sollicite l'application de l'article 1793 du Code civil et que les travaux supplémentaires non facturés par l'entreprise n'avaient pas été exécutés soit à la suite d'une erreur technique, soit à l'initiative de Jacky Z... ou du conducteur de travaux de la société Kesser ;

qu'en l'espèce, les travaux supplémentaires sont totalement distincts de ceux originairement prévus et il ne peut être prétendu qu'ils seraient implicites au devis initial;

qu'il s'agit de la pose d'une porte en chêne massif d'une valeur de 17 000 francs alors que le devis prévoyait la réutilisation de l'ancienne, de la peinture intérieure non prévue dans le devis dont l'exécution s'est élevée à 8 900 francs, de la pose de deux volets roulants avec commande électrique d'une valeur de 5 239,70 francs destinés non pas à régler un problème de condensation pris en charge au titre de la garantie mais de permettre l'occultation de deux pièces, de travaux de gros oeuvre extérieurs qui par leur nature, à savoir démolition d'un escalier en béton, réfection de cet ouvrage avec pose de fondation et pavage en surface, ne relèvent pas d'une erreur technique de conception ou d'exécution mais constituent une construction entièrement nouvelle, de travaux de raccordement de la nouvelle toiture d'un montant de 5 000 francs environ qui, par leur ampleur, sont distincts des prévisions initiales, de la note d'honoraires de l'architecte concepteur d'un montant de 2 965 francs qui ne devait pas rester à la charge de SNC Kesser;

qu'en conséquence, l'exécution de ces travaux, en dehors du marché à forfait, exclut l'application de l'article 1793 du Code civil;

que, par ailleurs, les expertises des travaux effectués par Messieurs X... et Y..., à la demande de Jean B..., qui concluent que le coût des travaux réalisés par la SNC Kesser reflète les prix du marché, compte tenu de la qualité non exceptionnelle des matériaux mis en oeuvre, doivent être écartées ;

qu'en effet, les experts n'ont pas tenu compte dans leur évaluation des travaux supplémentaires susindiqués de sorte que leurs conclusions sont partielles et que leur chiffrage est incomplet;

que pour le lot du gros oeuvre, il y a lieu de relever que le coût a été fixé à 40 957 francs HT par le cabinet "Les Economistes", en cours d'enquête, à la demande de Jacky Z..., coprévenu dans la présente procédure du chef d'abus de confiance, lequel n'a pas contesté ce chiffre qui ne lui était pas favorable de sorte que les estimations des experts désignés par Jean B... dont les chiffrages sont inférieurs de 6 à 8 000 francs HT à ce montant, n'emportent pas la conviction de la Cour;

que dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise judiciaire, il est établi par le calcul adopté par les premiers juges, que les travaux exécutés par la SNC Kesser ont été financés par des détournements au préjudice de cette entreprise et que Jean B... a recelé le produit desdits travaux;

que le prévenu, spécialisé en matière de bâtiment, ne peut prétendre qu'il ignorait l'existence de ces travaux supplémentaires dont la consistance et l'ampleur ne pouvaient lui échapper alors qu'il a reconnu qu'il ne les avait ni commandés ni autorisés et qu'il avait signalé à Jacky Z... que l'on devait arrêter cet excès de zèle;

que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré bien-fondée la prévention du chef de recel d'abus de confiance et d'infraction depuis 1991 au Code de la construction et de l'habitation qui interdit aux administrateurs d'HLM de recevoir des avantages de la part des fournisseurs de l'office;

sur la peine : que la peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis et la peine d'amende constituent une sanction proportionnée à la gravité et à l'ampleur des faits et appropriée aux circonstances dans lesquelles ils ont été commis;

qu'en outre, elle est également adaptée à la personnalité du prévenu, auquel la qualité d'élu impose un strict respect des lois et des règlements dont il ne peut ignorer l'existence, et qui, dépositaire de l'autorité publique, se trouve investi d'un devoir particulier de probité lors de l'exécution de son mandat;

que notamment il doit faire preuve d'une vigilance accrue en raison de l'influence et de la séduction qui se dégagent de sa position lorsque ses fonctions l'amènent à traiter avec des tiers pour l'obtention de décisions susceptibles de leur procurer des marchés publics importants;

que le manquement par Jean B... à ces règles élémentaires et particulièrement perceptibles par les citoyens et les électeurs, qui placent leur confiance dans la personnalité élue, conduit à confirmer la peine et l'interdiction des droits civiques pour une durée de 3 ans prononcées par les premiers juges ;

"8° - alors que ne caractérisent nullement une intention délictueuse du demandeur, les juges du fond qui se bornent à constater que l'entrepreneur a sous-estimé le coût des prestations qu'il effectuait dans la résidence du responsable de l'office HLM avec lequel l'entreprise Kesser obtenait des marchés, sans même rechercher si lesdits marchés avaient été obtenus ou consentis en raison des prétendus avantages dont Jean B... avait bénéficié ;

"9° - alors que l'attitude de Jean B..., qui avait demandé à l'entrepreneur, ainsi que le constate la cour d'appel, d'arrêter "l'excès de zèle" dont il était l'objet, excluait nécessairement la mauvaise foi, de sorte qu'en déduisant de cette mise en garde formulée par le demandeur qu'il n'ignorait pas la consistance et l'ampleur des travaux supplémentaires, la cour d'appel se contredit et prive ainsi sa décision de toute motivation ;

"10° - alors que, pour justifier la peine d'interdiction des droits civiques infligée au demandeur, la cour d'appel se fonde sur sa "qualité d'élu", le conduisant à "traiter avec des tiers pour l'obtention de décisions susceptibles de leur procurer des marchés publics importants";

qu'en statuant ainsi, bien qu'il ne résulte pas de l'arrêt ou du jugement confirmé que le demandeur ait commis la moindre infraction relative à la passation ou à l'exécution de marchés publics, de sorte que sa probité en qualité d'élu n'était pas mise en cause, la cour d'appel ne justifie pas la peine accessoire ainsi infligée et prive sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean B..., adjoint au maire et vice-président de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS), président du conseil d'administration d'un organisme HLM, CUS Habitat, est poursuivi pour recel d'abus de confiance et pour avantages reçus par un administrateur d'organisme HLM de la part d'un entrepreneur effectuant des travaux pour cet organisme ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ces infractions et le condamner, notamment, à l'interdiction des droits civiques pendant 3 ans, la cour d'appel retient qu'il a fait exécuter dans sa résidence secondaire, entre 1990 et 1993, divers travaux immobiliers par la société en nom collectif Kesser, à laquelle huit marchés publics ont été attribués par l'organisme précité ;

Que les juges énoncent que ces travaux, facturés au prévenu à un coût inférieur à leur prix de revient, ont été, pour partie, payés au moyen de détournements commis au préjudice de la société Kesser par son mandataire, Jacques Z..., directeur général de la société, condamné pour abus de confiance ;

Que la juridiction du second degré ajoute que Jean B..., lui-même spécialiste du bâtiment, n'établit pas avoir conclu de marchés à forfait avec la société Kesser pour les travaux litigieux, et a reçu de celle-ci les avantages susvisés, en connaissance de cause ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, qui a, sans inverser la charge de la preuve, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable et qui n'avait pas à motiver le choix d'une peine autre que l'emprisonnement sans sursis, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil lors des débats, M. de A... au prononcé de l'arrêt ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

le Rapporteur le Président le Greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-80579
Date de la décision : 25/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, 05 décembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 jui. 1998, pourvoi n°97-80579


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.80579
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