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23/06/1998 | FRANCE | N°97-80300

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 juin 1998, 97-80300


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Zohra, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 4 décembre 1996, qui, dans la procédu

re suivie contre Y... Mohamed du chef de diffamation non publique, a relaxé le pré...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Zohra, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 4 décembre 1996, qui, dans la procédure suivie contre Y... Mohamed du chef de diffamation non publique, a relaxé le prévenu et l'a déboutée de ses demandes ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 122-4 et R. 621-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Mohamed Y... des fins de la poursuite du chef de diffamation non publique ;

"aux motifs que la lettre recommandée avec accusé de réception adressée par Mohamed Y..., avocat, à sa secrétaire, Zohra X... convoquant celle-ci à un entretien préalable en vue d'un licenciement contenait le passage suivant : "j'ai constaté dans votre comportement récent que vous n'assuriez plus au regard de mon cabinet, ni vos obligations de confidentialité, ni celles du respect du secret professionnel";

que le reproche de ne pas respecter des obligations de confidentialité et de respect du secret professionnel constitue l'allégation de faits précis portant atteinte à l'honneur et à la considération et par là ont une imputation diffamatoire;

que si l'intention de diffamer est en principe attachée à la nature même des propos diffamatoires, cette intention peut toutefois ne pas exister lorsque ceux-ci sont tenus dans le cadre de l'accomplissement d'un devoir légal ou l'exercice d'un droit;

qu'au cas d'espèce, les parties se trouvaient dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute grave;

que l'avocat général relève que le prévenu avait entamé une procédure de licenciement et que l'article L. 122-12-1 du Code du travail lui fait obligation d'en énoncer les motifs;

que dès lors, l'on ne saurait reprocher à Mohamed Y... d'avoir obéi à une contrainte légale en sorte qu'il doit être relaxé;

que la lettre en cause concernait l'entretien préalable auquel est applicable l'article L. 122-14 du Code du travail qui ne requiert pas l'articulation des motifs;

que ceux-ci doivent cependant l'être dans le cadre de l'entretien lui-même ainsi que dans la lettre de licenciement subséquente (L. 122-14-2 du Code du travail) ;

que dès lors, en informant préalablement son employée des reproches qu'il entendait lui faire, Mohamed Y... s'est situé dans l'esprit des textes sur le licenciement qui ont pour objet d'instituer une transparence et une possibilité de contradictoire;

qu'en outre, l'allégation d'un tel reproche pouvait se justifier à ses yeux par un élément objectif qui était celui des services qui avaient été rendus à sa secrétaire;

qu'enfin les termes employés, mêmes s'ils sont déplaisants, se bornent à indiquer précisément les griefs et que, dès lors, l'intention délictuelle du prévenu n'est pas établie ;

"alors que si la présomption d'intention coupable qui résulte des imputations diffamatoires elles-mêmes peut être combattue et éventuellement détruite par la preuve de l'existence de circonstances particulières, c'est au prévenu et à lui seul qu'incombe cette preuve et que la bonne foi du prévenu ayant été reconnue par les juges d'appel sur la demande du ministère public, le prévenu n'invoquant pas quant à lui ce moyen de défense, la cassation est encourue pour excès de pouvoir ;

"alors que l'ordre ou la permission de la loi, au sens de l'article 122-4 du Code pénal, ne peut être retenu au titre de la bonne foi dans le cadre de poursuites fondées sur les dispositions de l'article R. 621-1 du Code pénal qu'autant que le prévenu n'a pas fait un usage abusif de son droit et a fait preuve tout à la fois de prudence, de circonspection et d'objectivité dans l'expression de la pensée et que l'employeur, avocat et par conséquent professionnel averti de la portée exacte des propos qu'il tient, qui, dans une lettre de convocation à l'entretien préalable adressée à sa secrétaire, accuse celle-ci en termes généraux de violation de ses obligations de confidentialité et de non-respect du secret professionnel sans préciser aucun de ces griefs, use en outre de termes "déplaisants" et reconnaît à l'audience, ainsi que cela est constaté par l'arrêt, qu'il a fondé ces griefs avant même l'entretien préalable sur de simples soupçons non étayés par des preuves, ne peut bénéficier du fait justificatif tiré de ce qu'il a accompli un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ;

"alors que l'employeur n'est nullement tenu, dans une lettre de convocation à un entretien préalable en vue d'un licenciement d'énoncer les motifs de celui-ci, de sorte que la bonne foi du prévenu ne pourrait être tirée d'une excuse légale ;

"alors que la désinvolture et la légèreté excluent nécessairement la bonne foi;

qu'il résulte de la procédure soumise à la Cour de Cassation et des motifs de l'arrêt que le prévenu n'a pas rapporté la preuve du fait diffamatoire et qu'en définitive, il a procédé au licenciement de sa secrétaire non pour faute grave, mais pour raisons économiques, et que dès lors la seule considération que les accusations graves contenues dans l'écrit incriminé "peuvent se justifier aux yeux du prévenu par un élément objectif qui était celui des services qui avaient été rendus à sa secrétaire" ne permettait pas à la cour d'appel de retenir la bonne foi en sorte qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges d'appel ont méconnu les dispositions de l'article R. 621-1 du Code pénal" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Zohra X... a cité Mohamed Y..., son employeur, devant le tribunal de police du chef de diffamation non publique envers un particulier, en raison des termes de la lettre la convoquant à un entretien préalable à son licenciement dans laquelle il lui reprochait des manquements à l'obligation de confidentialité et au respect du secret professionnel;

que par jugement du 25 mars 1996 le tribunal de police a condamné le prévenu et prononcé sur les intérêts civils ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer le prévenu les juges du second degré se prononcent par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, les juges après avoir relevé le caractère diffamatoire des imputations contenues dans l'écrit litigieux ont caractérisé sans contradiction, nonobstant des motifs surabondants, les circonstances dont ils ont déduit l'absence d'intention coupable du prévenu, en application des dispositions de l'article 122-4 du Code pénal;

qu'en outre, ce texte revêtant un caractère d'ordre public, les juges peuvent à bon droit le soulever à tous les stades de la procédure, soit d'office, soit à la demande d'une partie ou sur réquisition du ministère public ;

D'où il suit que la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué et que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme Chanet conseiller rapporteur, MM. Milleville, Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-80300
Date de la décision : 23/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Intention coupable - Bonne foi - Conditions - Ordre ou permission de la loi - Lettre de convocation à entretien préalable à un licenciement adressée par un employeur à un salarié - Article du Code pénal - Caractère d'ordre public.

RESPONSABILITE PENALE - Elément intentionnel - Exonération - Acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires - Caractère d'ordre public.


Références :

Code pénal 122-4 et R621-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 04 décembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jui. 1998, pourvoi n°97-80300


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.80300
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