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17/06/1998 | FRANCE | N°98-81886

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 juin 1998, 98-81886


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller B..., les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Gabriel,

- JUAN Z..., contre les arrêts de la chambre d'accusation de la cour d'appel de CHAMBERY, du 5 avril 1996

et n° 56/98 du 18 février 1998, qui, dans l'information suivie contre le premier pou...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller B..., les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Gabriel,

- JUAN Z..., contre les arrêts de la chambre d'accusation de la cour d'appel de CHAMBERY, du 5 avril 1996 et n° 56/98 du 18 février 1998, qui, dans l'information suivie contre le premier pour assassinat et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime et contre le second pour le délit précité, ont prononcé sur leurs requêtes aux fins d'annulation d'actes de la procédure, et contre l'arrêt n° 57/98 de la même chambre du 18 février 1998 qui a renvoyé, devant la cour d'assises de la SAVOIE, X... Gabriel sous l'accusation de complicité d'assassinat et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime et JUAN Z... sous celle du délit précité ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Sur les pourvois de Jean-Luc A... ;

Attendu qu'aucun moyen n'est produit par ce demandeur ;

Sur les pourvois de Gabriel X... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 81, 100, 100-1 et 100-2 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt du 5 avril 1996 attaqué a refusé d'annuler les pièces de la procédure cotées D 290 à D 297, relatives à la saisie et à l'exploitation de 17 cassettes issues d'écoutes téléphoniques, provenant d'une autre instruction, ainsi que les pièces y faisant référence, notamment la pièce cotée D 467 ;

"aux motifs que le procès-verbal de saisie coté D 292 précise que l'écoute avait été ordonnée par une commission rogatoire délivrée le 12 décembre 1994 par Mme C..., faisant fonction de juge d'instruction au tribunal de grande instance de Bonneville ;

qu'aucune disposition légale n'exige qu'une copie de cette commission rogatoire, qui fait partie d'une autre procédure, figure au dossier du juge d'instruction d'Albertville ;

"alors qu'aux termes des articles 100 à 100-2 du Code de procédure pénale, la décision d'interception doit émaner du juge d'instruction et comporter les mentions faisant apparaître la conformité des écoutes aux textes applicables;

qu'il s'ensuit que, si le juge d'instruction annexe à sa procédure des procès-verbaux d'écoute provenant d'une autre procédure, une copie de la commission rogatoire ordonnant ces écoutes doit également y figurer, afin de permettre le contrôle de la régularité de ces écoutes;

qu'en estimant le contraire la chambre d'accusation a violé les textes susvisés, et méconnu les droits de la défense" ;

Attendu que, par commission rogatoire, le juge d'instruction a fait procéder à la saisie d'enregistrements de conversations téléphoniques effectués dans le cadre d'une autre procédure ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de ces pièces, la chambre d'accusation relève que le procès-verbal de saisie mentionne que les enregistrements litigieux ont été ordonnés par une commission rogatoire délivrée par un juge d'instruction au tribunal de grande instance de Bonneville, et qu'aucune disposition légale n'exige qu'une copie de cette commission rogatoire figure au dossier du juge d'instruction d'Albertville;

qu'elle ajoute qu'il apparaît qu'il a été procédé conformément aux dispositions des articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation n'a méconnu aucun des textes visés au moyen lequel doit, dès lors, être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt du 5 avril 1996 attaqué a refusé d'annuler les pièces de la procédure cotées D 504 à D 512, relatives aux déclarations de Joseph Y..., ainsi que les autres pièces concernant ce témoin à charge ;

"alors que, dans son mémoire régulièrement déposé en vue de l'audience du 27 mars 1996, Gabriel X... ne dénonçait pas seulement l'irrégularité des perquisitions et saisies pratiquées dans la cellule de Joseph Y..., ainsi que de l'audition en Suisse de ce dernier, sur commission rogatoire internationale du juge d'instruction, mais faisait surtout valoir que, avant son extradition en Suisse, Joseph Y... avait été entendu clandestinement en France, sans l'établissement d'un procès-verbal, par le juge d'instruction, audition à l'occasion de laquelle il aurait fait des révélations sur le crime qui lui était reproché, cela en violation du principe de la loyauté des investigations et de l'établissement des preuves, de sorte que les déclarations ultérieures de Joseph Y... ainsi que les actes d'instruction diligentés à son égard étaient viciés et devaient être annulés;

que, en ne répondant par aucun motif à ce moyen de nullité péremptoire, la chambre d'accusation a privé sa décision de motifs ;

Sur le troisième moyen de cassation (subsidiaire), pris de la violation du principe général de loyauté dans la recherche des preuves pénales, de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt n° 56/98 du 18 février 1998 attaqué a refusé d'annuler les pièces de la procédure cotées D 504 à D 512, relatives aux déclarations de Joseph Y..., ainsi que les autres pièces de la procédure concernant ce témoin à charge ;

"aux motifs que le moyen de nullité tiré de l'audition officieuse de Joseph Y... par le juge d'instruction avant son extradition a déjà été soumis à la chambre d'accusation qui l'a rejeté par un arrêt du 5 avril 1996;

que la Cour relève surabondamment, en ce qui concerne le grief de déloyauté dans l'établissement des preuves, que rien ne permet de dire que Joseph Y... ait été placé volontairement dans la cellule de Gabriel X... pour le faire parler, ni que le juge d'instruction ait exercé sur lui des pressions ni même que des déclarations obtenues sans respect des formes prescrites aient été utilisées par le juge d'instruction;

que l'existence de cette audition officieuse n'affecte pas la validité des déclarations de Joseph Y... recueillies dans le cadre de la commission rogatoire internationale ;

"alors, d'une part, que la déloyauté dans la recherche de la preuve pénale ne résulte pas uniquement du fait de piéger la personne mise en examen, ou de faire pression sur elle, mais de façon plus générale du fait d'obtenir des renseignements sans respecter les formes de la procédure;

qu'en l'espèce, le caractère clandestin de l'audition en France de Joseph Y... est expressément admis par la chambre d'accusation qui énonce que les déclarations ont été "obtenues sans respect des formes prescrites";

qu'en déniant néanmoins toute méconnaissance du principe de loyauté, la Chambre d'accusation a violé les textes et principes susvisés ;

"alors, d'autre part, que, lors de son audition à Genève le 8 novembre 1995 (D 150) et lors de la confrontation du 5 mars 1996 (D 578), Joseph Y... n'a fait que confirmer ses déclarations initiales obtenues en violation du principe de loyauté dans la recherche des preuves pénales, de sorte que cette première irrégularité viciait radicalement les déclarations ultérieures ainsi que tous les actes d'instruction concernant ce témoin à charge;

qu'en refusant néanmoins d'annuler toutes les déclarations faites par Joseph Y..., ainsi que tous les autres actes le concernant, la chambre d'accusation a violé les textes et principes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que Gabriel X... a demandé la nullité des pièces de la procédure établies sur commission rogatoire internationale par laquelle le juge d'instruction a fait procéder à l'audition, en qualité de témoin, de Joseph Y...;

qu'il a soutenu que ce dernier avait été, auparavant; entendu officieusement par ce magistrat et qu'ainsi, le principe de loyauté dans la recherche des preuves avait été violé ;

Attendu que, pour écarter cette demande, la chambre d'accusation énonce notamment que le juge d'instruction était en droit d'apprécier l'opportunité du moment auquel le témoignage de Joseph Y... devait être recueilli par procès-verbal et n'a ainsi méconnu aucune disposition de procédure pénale ni porté atteinte aux droits de la défense ;

qu'elle ajoute qu'aucun élément ne permet d'affirmer que des déclarations obtenues sans respect des formes prescrites aient été utilisées par le juge d'instruction ;

Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation, qui a répondu aux articulations essentielles des mémoires dont elle a été saisie, n'encourt pas les griefs allégués aux moyens, lesquels ne sauraient être accueillis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, 221-1 et 221-3 du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt n° 57/98 du 18 février 1998 attaqué a renvoyé Gabriel X... devant la cour d'assises, du chef de complicité d'assassinat ;

"aux motifs que, si l'auteur du crime reste inconnu, on peut penser que c'est bien sur instruction de Gabriel X... qu'il a agi ;

qu'en effet, au cours du premier trimestre de l'année 1995, Gabriel X... a pris de nombreux contacts pour mettre au point le meurtre de sa femme;

que, le 6 janvier 1996, le fiancé de la fille de Gabriel X... a reçu des menaces anonymes, probablement à l'initiative de Gabriel X..., pour accréditer la thèse d'ennemis résolus;

que Gabriel X... a simulé une réconciliation avec sa femme qui habitait Méribel depuis des mois et l'avait persuadée de revenir s'installer à Brides-Les-Bains, ce qu'elle avait fait une semaine avant le crime;

que, selon la femme de ménage, Gabriel X..., habituellement renfermé, était content la veille du crime;

que, contrairement à ses habitudes, Gabriel X... a invité sa femme au restaurant le soir du crime ;

"alors, d'une part, qu'aucun de ces motifs ne caractérise des actes de complicité par provocation ou instructions données;

qu'il s'ensuit que la décision de renvoi du chef de complicité d'assassinat n'est pas légalement justifiée ;

"alors, d'autre part, qu'en prononçant le renvoi à la cour d'assises de Gabriel Chardonnet du chef de complicité d'assassinat, par instructions données à la ou les personnes non identifiées responsables du meurtre de son épouse, sans caractériser la préméditation qui aurait animé les auteurs demeurés inconnus du crime, et sans préciser en quoi ont consisté les instructions données et en quoi ces éventuelles instructions avaient un lien avec le meurtre effectivement commis, la chambre d'accusation a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué, partiellement reproduits au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir analysé les faits et répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Gabriel X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises notamment sous l'accusation de complicité d'assassinat ;

Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction;

que la Cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier, à supposer les faits établis, si leur qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, tel étant le cas en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que la chambre d'accusation était compétente;

qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle les demandeurs ont été renvoyés et que les faits, objet principal de l'accusation contre Gabriel X..., sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Guilloux, Mme Baillot, M. Le Gall, Mme Mazars conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-81886
Date de la décision : 17/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) INSTRUCTION - Pouvoirs du juge - Ecoutes téléphoniques - Saisie d'enregistrements de conversations téléphoniques effectués dans une autre procédure - Modalités.


Références :

Code de procédure pénale 100 à 100-7

Décision attaquée : Cour d'appel de CHAMBERY 1996-04-05, 1998-02-18


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 jui. 1998, pourvoi n°98-81886


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:98.81886
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