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17/06/1998 | FRANCE | N°97-84705

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 juin 1998, 97-84705


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GRAPINET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE X... Jean-Paul, contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, du 24 juillet 1997 qui, pour exploitation d'un

e installation classée sans autorisation et en infraction à une mesure d'interdi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GRAPINET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE X... Jean-Paul, contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, du 24 juillet 1997 qui, pour exploitation d'une installation classée sans autorisation et en infraction à une mesure d'interdiction, en récidive, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement et à 400 000 francs d'amende ainsi qu'à diverses mesures de publication et diffusion, outre l'interdiction d'utiliser les bâtiments non autorisés, l'a débouté de sa demande de dispense de révocation d'un sursis antérieur, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 18 et 22 de la loi n° 77-663 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, 132-10 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve, violation du principe de la présomption d'innocence ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Paul Y... coupable d'exploitation non autorisée d'une installation classée pour la protection de l'environnement, en récidive, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs que, bien qu'autorisé par un arrêté préfectoral du 24 juillet 1987 à exploiter un ensemble de porcheries à Saint-Bihy ne comprenant que 2 890 porcs de plus de 30 kg et 2 580 places de post-sevrage, Jean-Paul Y... a fait l'objet le 16 mars 1994 d'un contrôle de la direction des Services Vétérinaires, qui a mis en évidence la présence à cette date de 4 517 porcs de plus de 30 kg;

que Jean-Paul Y... conteste le nombre de porcs en excédent, en faisant valoir que les services de la direction des Services Vétérinaires n'ont pas pesé les porcs;

que, toutefois, le contrôle a été fait par le directeur des Services Vétérinaires et un inspecteur, selon la méthode d'estimation visuelle;

que cette méthode d'estimation purement visuelle émanant de spécialistes expérimentés fait foi jusqu'à preuve contraire;

que Jean-Paul Y... produit une estimation de poids émanant d'un ingénieur de l'Institut technique du porc dont il résulte que les 1 343 porcelets livrés les 2, 3 et 16 février et 10 mars 1994 pesaient en moyenne 18,37 kg le 16 mars 1994;

que, toutefois, cette étude basée sur le gain moyen quotidien de poids du porc depuis sa naissance n'emporte pas la conviction de la cour d'appel pour établir qu'une importante erreur d'estimation aurait été commise par les contrôleurs le 16 mars 1994 ;

"alors, d'une part, que les procès-verbaux d'infractions dressés par les inspecteurs des installations classées ne font foi jusqu'à preuve du contraire que dans le cas où les constatations sont basées sur des mesures exactes, et non sur de simples estimations ;

que, en l'espèce, c'est à partir d'une simple estimation du poids des porcs que le procès-verbal de constatation du 16 mars 1994 a conclu à un excédent de porcs de plus de 30 kg;

que, en affirmant que ce procès-verbal fait foi jusqu'à preuve contraire, la cour d'appel a violé l'article 22 de la loi du 19 juillet 1976 ;

"alors, d'autre part, qu'il appartenait aux inspecteurs d'établir avec exactitude le nombre de porcs de plus de 30 kg éventuellement en excédent, et non à l'exploitant de démontrer qu'il n'avait pas dépassé le nombre de porcs de plus de 30 kg autorisé;

que, en reprochant à Jean-Paul Y... de ne pas avoir fait la démonstration d'un défaut d'excédent, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, en violation des textes et principes susvisés ;

"alors, enfin, et en toute hypothèse, que, si le rapport de l'ingénieur de l'institut du porc, produit par le demandeur, ne vaut pas preuve du nombre exact de porcs de plus de 30 kg et de moins de 30 kg, détenus par l'exploitant, il était, néanmoins, de nature à détruire l'éventuelle présomption attachée au procès-verbal de constatation du 16 mars 1994, et à mettre à la charge de l'Administration l'obligation de démontrer, autrement que par une simple estimation, le nombre exact de porcs de plus de 30 kg éventuellement en excédent;

qu'en retenant, malgré ce rapport, le procès-verbal du 16 mars 1994 pour conclure à la culpabilité de Jean-Paul Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, le délit d'exploitation sans autorisation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, en état de récidive, dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 20 de la loi n° 76663 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, 132-10 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Paul Y... coupable d'exploitation d'installation classée malgré une mesure de fermeture, suspension ou interdiction, en récidive, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs que le procès-verbal du 16 mars 1994 dressé par les inspecteurs des installations classées font état de l'utilisation par Jean-Paul Y... des bâtiments A et B, dont l'exploitation n'a jamais été autorisée, ainsi que des bâtiments C et D construits sans autorisation préalable, et utilisés malgré l'arrêté préfectoral du 15 avril 1991 sommant l'intéressé de cesser d'exploiter les bâtiments C et D ;

"alors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les bâtiments A et B n'ont pas fait, comme les bâtiments C et D, l'objet d'un arrêté d'interdiction ou de fermeture;

qu'en déclarant néanmoins, concernant les bâtiments A et B, Jean-Paul Y... coupable d'exploitation d'une installation malgré une mesure de fermeture ou d'interdiction, la cour d'appel a violé l'article 20 de la loi du 19 juillet 1976 ;

Attendu que Jean-Paul Y... a été poursuivi pour avoir exploité une installation classée en infraction à une mesure d'interdiction d'exploiter prononcée en vertu de l'article 18 de la loi du 19 juillet 1976 par jugement du tribunal correctionnel de Saint-Brieuc en date du 23 mai 1991, en état de récidive, et plus précisément pour avoir poursuivi l'utilisation des bâtiments A et B et C et D de son élevage porcin ;

Attendu que, s'il est vrai, ainsi que le relève la juridiction du second degré, que seuls les bâtiments C et D ont fait l'objet d'un arrêté préfectoral d'interdiction notifié au prévenu le 15 avril 1993, il n'en reste pas moins que l'interdiction prise par le tribunal correctionnel en application de l'article 18, alinéa 2, de la loi susvisée, lui faisait interdiction, d'utiliser les bâtiments non autorisés, au nombre desquels figuraient les bâtiments A et B, ainsi d'ailleurs que les bâtiments C et D ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé et doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du Code de procédure pénale, L. 252-3 du Code rural, 1382 du Code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable et bien fondée l'action civile engagée par l'association Eaux et Rivières de Bretagne, et condamné Jean-Paul Y... à des réparations civiles ;

"aux motifs que la constitution de partie civile de l'association Eaux et Rivières de Bretagne est recevable, aux termes de l'article L. 252-3 du Code rural, et bien fondée compte tenu du préjudice subi du fait de l'attitude de Jean-Paul Y..., des démarches entreprises et de l'atteinte portée à ses intérêts ;

"et aux motifs adoptés que le département des Côtes d'Armor est particulièrement touché par la pollution des eaux dont une grande partie est liée aux activités agricoles;

que, compte tenu de l'activité déployée par l'association Eaux et Rivières de Bretagne pour combattre la pollution des eaux, il convient de lui allouer la somme de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

"alors, d'une part, que l'action civile n'appartient, sauf dispositions légales contraires, qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage découlant directement des faits objet de la poursuite;

que l'article L. 252-3 du Code rural, tel qu'il était applicable au moment des faits, soit le 16 mars 1994, ne permet aux associations agréées d'exercer les droits reconnus à la partie civile, en cas de préjudice direct ou indirect porté aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, qu'en ce qui concerne les faits constituant une infraction à certains articles énumérés du Code rural, à l'exclusion des articles 18 et 20 de la loi du 19 juillet 1976;

qu'en déclarant néanmoins recevable l'action civile de l'association Eaux et Rivières de Bretagne, la cour d'appel a violé l'article L. 252-3 du Code rural dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 février 1995 ;

"alors, d'autre part, qu'en indemnisant le prétendu préjudice de l'association Eaux et Rivières de Bretagne, résultant, selon elle, de "l'atteinte portée à ses intérêts", sans préciser en quoi consiste cette atteinte, laquelle ne saurait être identifiée à une atteinte aux intérêts du département, que l'association n'a pas vocation à représenter, la cour d'appel n'a pas caractérisé un préjudice en relation avec les faits reprochés à Jean-Paul Y... ;

"alors, enfin, qu'en se bornant, pour allouer à l'association Eaux et Rivières de Bretagne une réparation "compte tenu de son activité déployée pour combattre la pollution des eaux", à faire état de l'existence d'une pollution des eaux dans le département des Côtes d'Armor, sans établir un lien entre les faits reprochés à Jean-Paul Y... et l'existence de cette pollution, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, contrairement aux énonciations du moyen, l'association "Eaux et Rivières de Bretagne", partie civile, agréée pour la protection de l'environnement au sens des articles L. 252-1 et L. 252-2 du Code rural, et dont l'objet statutaire n'est d'ailleurs pas contesté par le demandeur, tient de l'article L. 252-3 du Code précité le droit d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elle a pour mission de défendre et constituant, notamment, des infractions aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement ainsi qu'à celle de l'eau et du sol, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions ;

Attendu que, les infractions poursuivies contre le prévenu en application des articles 18 et 20 de la loi du 19 juillet 1976 entrant dans les prévisions de l'article L. 252-3 précité, et l'arrêt attaqué ayant relevé, par motifs propres et adoptés, l'importance des pollutions générées par le comportement du prévenu et "l'activité déployée par l'association constituée partie civile pour combattre la pollution des eaux", la cour d'appel, en déclarant recevable et fondée sa constitution de partie civile, a justifié sa décision ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Grapinet conseiller rapporteur, MM. Aldebert, Mistral, Blondet, Ruyssen conseillers de la chambre, Mme Ferrari, M. Sassoust conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-84705
Date de la décision : 17/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le troisième moyen) ACTION CIVILE - Recevabilité - Infraction à la protection de la nature et de l'environnement - Exploitation d'une installation classée sans autorisations - Association constitué pour combattre la pollution des eaux.


Références :

Code rural L252-1, L252-2 et L252-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre, 24 juillet 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 jui. 1998, pourvoi n°97-84705


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.84705
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