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11/06/1998 | FRANCE | N°96-86348

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juin 1998, 96-86348


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, et de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Paulette, contre l'arrêt de la cour d'appel

de PARIS, 9ème chambre, du 8 novembre 1996, qui, pour abus de confiance, l'a condam...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, et de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Paulette, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, du 8 novembre 1996, qui, pour abus de confiance, l'a condamnée à 60 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 408 du Code pénal, 314-1 du nouveau Code pénal, de l'article 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Paulette Y... coupable du délit d'abus de confiance et l'a condamnée à une peine d'amende de 60 000 francs ;

"aux motifs, d'une part, que la partie civile, sans contester à Paulette Y... le droit de disposer, en raison de ses fonctions, d'un véhicule pour ses besoins personnels, fait valoir que le coût du nouveau véhicule était excessif au regard des capacités financières de l'institution et des besoins réels de la prévenue;

que la prévenue ne justifie pas de ce que le précédent véhicule de fonction ait été accidenté ou hors d'état d'usage au moment où elle a fait l'acquisition de la BMW;

qu'il résulte des éléments de la procédure qu'elle n'a pas informé le conseil d'administration de son intention d'acheter une BMW;

que, dans la présentation des investissements de 1993, fournie au conseil d'administration en juin 1994, elle n'a fait figurer sous la rubrique "matériel mobilier" que des mentions générales suivantes :

divers mobiliers, extincteurs, télécopieurs, badgeuse, voiture de fonction etc...666 568,51 francs;

que ce n'est qu'à la demande d'un administrateur que l'institution a dressé un état précis des investissements;

que cette carence de l'information, conjuguée à l'insuffisance des procédures de contrôle au sein de l'institution, démontrent la volonté de Paulette Y..., directrice depuis 1970, d'agir de façon discrétionnaire en se soustrayant au contrôle des organes d'administration et comptable;

qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en prenant l'initiative d'acheter le véhicule haut de gamme sans informer le conseil d'administration et sans faire apparaître clairement cette opération en comptabilité et en faisant supporter par l'institution les frais afférents à ce véhicule, Paulette Y... a détourné de leur affectation les ressources de l'IRIS qu'elle avait mandat de gérer au mieux des intérêts de l'institution;

que la réticence de Paulette Y... à informer les administrateurs de cette opération établit qu'elle avait conscience de violer le mandat qui lui était confié (arrêt attaqué p. 6, alinéa 3 à 7, p. 7, alinéa 1, 2) ;

1°)"alors que le détournement n'est caractérisé que si son auteur a utilisé la chose mise à sa disposition à des fins étrangères à celles qui avaient été stipulées;

qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que la partie civile reconnaissait que Paulette Y... avait le droit de disposer d'un véhicule de fonction pour ses besoins professionnels;

qu'en énonçant néanmoins que l'acquisition par Paulette Y... de la voiture BMW manifestait un détournement de leur affectation des ressources de l'IRIS, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°)"alors que le délit d'abus de confiance n'est caractérisé que si son auteur a affecté les fonds confiés à un usage autre que celui déterminé;

qu'en l'absence d'instruction du conseil d'administration sur la catégorie ou le prix du véhicule de fonction que Paulette Y... était autorisée à acquérir, la cour d'appel ne pouvait pas affirmer que l'acquisition d'un véhicule haut de gamme caractérisait un détournement des fonds de l'institution sans violer les textes susvisés ;

3°)"alors que, dans ses conclusions d'appel, Paulette Y... avait démontré, sans être contredite, qu'elle avait utilisé le véhicule de fonction litigieux exclusivement pour des déplacements professionnels;

qu'en omettant de répondre à ce moyen démontrant que les fonds de l'IRIS ayant servi à l'acquisition de ce véhicule n'avaient pas été détournés de leur objet, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

4°)"alors qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que le montant du prix d'acquisition du véhicule de fonction figurait dans la comptabilité de l'IRIS et qu'un administrateur avait pu prendre connaissance très précisément de ce montant;

qu'en énonçant que Paulette Y... aurait tenté, pour l'acquisition de ce véhicule de fonction, de se soustraire au contrôle des organes d'administration sans relever aucun fait établissant une quelconque dissimulation, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui en résulteraient en violation des textes susvisés ;

"aux motifs, d'autre part, que Paulette Y... a expliqué que les prélèvements d'espèces opérés dans la caisse de l'IRIS étaient destinés à rémunérer le voiturier du restaurant voisin, qui prenait régulièrement en charge le stationnement de son véhicule;

qu'à l'appui de ses allégations, elle ne produit que des fiches de caisse établies par elle;

que, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, ces documents sont dépourvus de toute valeur probante;

considérant, dès lors, qu'en prélevant des fonds dans la caisse sans justifier de leur utilisation dans l'intérêt de'institution, Paulette Y... a commis des détournements constitutifs du délit d'abus de confiance (arrêt attaqué p. 7, alinéa 4 à 7) ;

5°)"alors qu'il incombe à la partie poursuivante de rapporter la preuve de l'existence de l'élément matériel et de l'élément moral de l'infraction poursuivie;

qu'en déduisant l'existence du détournement de l'absence de justificatifs suffisamment probants de la destination des prélèvements d'espèces opérés par Paulette Y..., la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence, en violation des textes susvisés ;

"aux motifs, enfin, que Paulette Y... ne fournit aucune explication pertinente de nature à justifier la prise en charge par l'IRIS des frais afférents aux séjours qu'elle effectuait chaque année à l'hôtel Cap Eden Roc d'Antibes;

qu'elle se borne à indiquer que certains administrateurs profitaient, comme elle, de la réunion annuelle de l'institution à Cannes pour séjourner aux frais de l'IRIS et qu'il s'agit d'un cadeau offert par l'institution;

que la partie civile conteste ces allégations;

que, par leur montant et leur nature, les dépenses excédaient largement la notion de cadeaux;

que le fait, établi par le rapport d'audit, que les dépenses relatives à ces séjours étaient prélevés sur le fonds social de l'IRIS, qui avait une affectation très précise, établit péremptoirement l'acte de détournement;

que la prévenue, qui communiquait seulement une simple note de frais indiquant la date et le coût du séjour, avait conscience de détourner la trésorerie du fonds social de sa destination (arrêt attaqué p. 7, alinéa 9, p. 8, alinéa 1 à 4) ;

6°)"alors que le fait, invoqué par Paulette Y... dans ses conclusions d'appel, que tous les membres du conseil d'administration voyaient leurs frais de séjour, lors de la réunion tenue annuellement à Cannes, pris en charge par l'IRIS, était de nature à démontrer que les fonds ainsi affectés n'étaient pas détournés de la destination fixée par le conseil d'administration;

qu'en laissant sans réponse ce moyen des conclusions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 408 du Code pénal, 314-1 du nouveau Code pénal, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Paulette Y... à payer la somme de 250 000 francs de dommages et intérêts à la partie civile ;

"aux motifs qu'il est justifié au vu des pièces soumises à l'appréciation de la Cour, d'évaluer le préjudice matériel de la partie civile, résultant directement de l'infraction commise, à 250 000 francs, toutes causes confondues (arrêt attaqué p. 8, alinéa 8) ;

1°)"alors que la cassation de l'arrêt attaqué sur la déclaration de culpabilité de Paulette Y... entraînera par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif condamnant au paiement de dommages et intérêts au profit de la partie civile ;

2°)"alors que Paulette Y... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il convenait de déduire du montant du préjudice allégué par la partie civile le prix du véhicule de fonction qui aurait été en toute hypothèse acheté par l'IRIS, ainsi que les frais de ce véhicule, y compris les frais de parking;

qu'en fixant le montant du préjudice à la somme forfaitaire de 250 000 francs, montant très proche de celui réclamé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit retenu à la charge de la prévenue et qu'elle a souverainement apprécié, dans la limite des conclusions dont elle était saisie, le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance conseillers référendaires ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-86348
Date de la décision : 11/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 08 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 1998, pourvoi n°96-86348


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SCHUMACHER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.86348
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