AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Agrocinq, société anonyme, venant aux droits de la société Serraflor, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 23 février 1996 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale), au profit de Mme Jeanne-Marie X..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 avril 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Ransac, conseillers, M. Martin, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller référendaire, les observations de Me Delvolvé, avocat de la société Agrocinq, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 23 février 1996), que Mme X..., embauchée le 1er octobre 1972 en qualité de secrétaire par la société Serraflor, a été licenciée pour motif économique le 18 septembre 1993 ;
Attendu que la société Agrocinq, qui est aux droits de la société Serraflor, fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à verser à Mme X... une somme à ce titre, alors, selon le moyen, que la cour d'appel, qui a reconnu, comme l'avait relaté la société dans ses conclusions d'appel, qu'avant de procéder au licenciement de Mme X..., le 18 septembre 1993, elle avait interrogé en août 1993 les sociétés Agrocinq et France maïs sur les possibilités de reclasser Mme X... en leur sein, mais que leurs réponses avaient été négatives, ne pouvait reprocher à la société Serraflor d'avoir manqué à son obligation de reclassement sans constater qu'il existait effectivement dans le groupe des possibilités de reclasser Mme X... dans un emploi compatible avec ses capacités et sa compétence;
et, qu'en s'en abstenant, elle n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant rappelé par motifs propres et adoptés que les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel, qui a relevé que la société Serraflor appartenait à un groupe comprenant de nombreuses sociétés entre lesquelles existaient des liens étroits et que l'employeur s'était borné à adresser des lettres à deux d'entre elles et contenté d'une réponse évasive, a pu décider que les possibilités de reclassement de la salariée n'avaient pas été sérieusement recherchées et que le licenciement était dépourvu de motif économique ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Agrocinq aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Agrocinq à payer à Mme X... la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.