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04/06/1998 | FRANCE | N°97-80577

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 juin 1998, 97-80577


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Z... Jean-Marie,

- PEREIRA C...
X... Acacio, contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionn

elle, du 16 octobre 1996, qui les a condamnés chacun à 5 000 francs d'amende avec sursis...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Z... Jean-Marie,

- PEREIRA C...
X... Acacio, contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, du 16 octobre 1996, qui les a condamnés chacun à 5 000 francs d'amende avec sursis, le premier, pour publication d'un texte concernant l'identité et la personnalité d'une mineure de 18 ans, le second, pour complicité ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 39 bis de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré bien fondées les poursuites intentées à l'encontre de Jean-Marie Z... et d'Acacio G... do Adro pour infraction à l'article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881 ;

"aux motifs que si, pour solliciter leur relaxe, les prévenus font valoir que cet article ne fait que reprendre des éléments déjà publiés par différents autres organes de presse tant audiovisuelle qu'écrite sans qu'aucune poursuite n'ait été exercée contre eux,... et qu'il est exact que Le Monde a été le seul inquiété par les poursuites d'office du parquet, alors que, par la volonté de la famille d'accueil, une campagne médiatique scandaleuse a été organisée pour empêcher l'exécution d'une décision de justice..., ces poursuites sélectives, qu'il n'est pas de l'office du juge du fond de commenter, et la publicité antérieure des mêmes éléments, ne sont pas de nature à justifier le délit commis de façon autonome par les prévenus;

... que la décision de culpabilité sera donc confirmée ;

"alors que si les juges du fond ne sauraient se prononcer sur l'opportunité des poursuites, il leur incombe, en revanche, d'apprécier le bien-fondé de celles-ci tant au regard du droit interne que des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ayant autorité supérieure et dont il leur appartient de veiller à l'application;

que, s'agissant d'infractions à la législation sur la presse, telle celle incriminée par l'article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881, qui constituent des restrictions au principe fondamental de la liberté d'expression consacré par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, les juges du fond doivent s'assurer que le fait poursuivi a effectivement porté atteinte à l'un des intérêts pour lesquels l'article 10 susvisé autorise dans son deuxième alinéa que, par voie d'exception, puissent être apportées des restrictions au principe de la liberté d'expression;

qu'en l'état des énonciations de l'arrêt, dont il ressort que le sujet de l'article litigieux avait fait l'objet d'une ample campagne médiatique dont aucun des nombreux auteurs n'avait été poursuivi, le fait pour le quotidien Le Monde d'avoir relaté la fugue de cette mineure sans indication de son identité ne pouvait, à lui seul, être considéré comme ayant porté atteinte à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, objectif poursuivi par l'article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881 et pour lequel l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme autorise des restrictions à la liberté d'expression dont la légitimité suppose qu'elles ne soient pas discriminatoires;

qu'en conséquence, la déclaration de culpabilité prononcée à l'encontre du directeur de publication et du journaliste du Monde constitue une atteinte à ce principe" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 39 de la loi du 29 juillet 1881, 111-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré établi le délit de publication dans la presse d'un texte sur l'identité d'une mineure ;

"aux motifs que, si l'article ne comporte effectivement pas le nom de la mineure, qui est celui de son père qui n'est pas cité, ni même la première lettre de celui-ci, il comporte, néanmoins, des éléments d'individualisation suffisants puisque sont cités et le nom de sa mère, et le nom de la famille d'accueil, et sa commune de résidence, où l'un de ses membres exerce, d'ailleurs, des fonctions municipales ;

"alors que le principe fondamental rappelé par l'article 111-4 du nouveau Code pénal de l'interprétation stricte de la loi pénale devant nécessairement s'appliquer dans toute sa rigueur en cas d'infraction à des restrictions à la liberté d'expression, liberté fondamentale garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, il s'ensuit que la prohibition édictée par l'article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881 doit être strictement circonscrite à l'indication de l'identité du mineur et aux informations relatives à sa personnalité, c'est-à-dire l'ensemble des traits composant son tempérament et son caractère;

que, dès lors, la Cour qui, tout en constatant que l'article incriminé ne comportait pas le nom de la mineure, a, pour retenir l'infraction à l'article 39 bis susvisé, considéré que les informations contenues dans ledit article permettaient l'identification de la mineure en retenant du reste celles relatives au nom de sa mère, nonobstant les conclusions du directeur de publication et du journaliste justifiant de ce que l'enfant ne portait pas le nom de la mère, a violé le principe susvisé" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'un article intitulé "Le retour au foyer de Kelly, la fugueuse", publié dans l'édition Rhône-Alpes du quotidien "Le Monde", Jean-Marie Z..., directeur de la publication et Acacio H...
C... Adro, journaliste, ont été poursuivis, le premier comme auteur du délit prévu et réprimé par l'article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881, le second pour complicité ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de cette infraction, les juges du fond relèvent que les informations diffusées dans l'article comportent des éléments suffisants d'individualisation concernant la personnalité de la mineure en cause et permettant de l'identifier ;

Qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre mieux qu'elle l'a fait à un grief inopérant critiquant l'opportunité de la décision prise par le procureur de la République de poursuivre les prévenus, a justifié sa décision au regard des textes légaux et conventionnels visés aux moyens ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré;

M. Gomez président, Mme Chanet conseiller rapporteur, MM. D..., I..., E... Simon, Anzani conseillers de la chambre, Mme Y..., M. B..., Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Amiel lors des débats, M. A... au prononcé de l'arrêt ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec lors des débats, Mme F... au prononcé de l'arrêt ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-80577
Date de la décision : 04/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Publication d'un texte concernant l'identité et la personnalité d'un mineur de 18 ans - Eléments constitutifs - Eléments matériels.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 39 bis

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 16 octobre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jui. 1998, pourvoi n°97-80577


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.80577
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